Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace d’expression pour travailler, comme nous y enjoint Jean–Luc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore qu’un libre espace de parole, Notre Monde s’appuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
Jean Meckert
Folio, 2002, 271 p.
C’est l’histoire de Félix, un gars de l’orphelinat et de l’usine, qui après avoir vu du pays et fait de la route, décide d’« entrer dans la vie », de sortir de son trou pour se faire une place bien au chaud chez les « gens de la norme », les petits-bourgeois. En épousant Paulette, la secrétaire divorcée du garage où il fait de la peinture (sic), Félix découvre un monde de verdurinades où chacun fait assaut de références culturelles pour écraser l’autre. Dans ces parties de ping-pong bavard, « l’ouvrier du bourgeois » encaisse plus ou moins bien les coups, sent monter en lui une impuissance rageuse : « je n’avais pas de mots… J’avais bien des idées qui barattaient à l’intérieur, des idées à moi, pas si bêtes, intraduisibles et pas sortables ». Alors il cogne à son tour, sa petite femme, bien sûr, avec « comme une angoisse à l’estomac, comme une grosse envie de chialer pour expectorer un caillot de pur néant ». C’est une histoire d’amour « flétrie et sanglante », un roman social, certes, mais surtout le récit lucide et universel d’un individu déchiré entre un désir de conformisme et l’affirmation impossible de sa singularité. Encore que. S’il n’est pas un héros, c’est quand même lui le narrateur, ce qui lui permet de se hisser au-dessus des « Hollande » de sa médiocrité et de renverser son impuissance verbale en triomphe de l’expression. On est chez Zola et Proust, c’est écrit dans une langue inouïe aux accents céliniens, d’une incroyable audace qui laisse rêveur quand on sait que le texte a été écrit en 1942 (il vient seulement d’être réédité) et qu’on est pratiquement tous passés à côté. Respect à Jean Meckert – alias Jean Amila dans la Série Noire – battu et laissé pour mort (il sortira du coma amnésique et épileptique) pour avoir dénoncé en 1973 les essais nucléaires français dans le Pacifique.