Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace d’expression pour travailler, comme nous y enjoint Jean–Luc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore qu’un libre espace de parole, Notre Monde s’appuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°20 [juin 1998 - juillet 1998]
© Passant n°20 [juin 1998 - juillet 1998]
par Gilles Mangard
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I
Il sort enfin de ce pub de malheur. Onze heures pile. Il est réglé comme une horloge de la RUC, ce mec. Une plombe que je me caille en face, dans Salisbury street. Les nuits sont fraiches à Belfast quand on les passe dehors. Je suis à la limite de mon territoire. Pas le choix. Ce soir ou jamais. Normalement, il va prendre Great Victoria street pour revenir à Shankill. Il est seul, comme d'habitude. Avec un peu de chance, en coupant par Sandy row, j'arriverai avant lui au pont de Peters Hill. Là où je vais le sécher. Pas beaucoup de marge d'action, après le pont, il est chez lui.
D'en face, je peux voir sa sale gueule de Prot'. L'air béat de l'après six pintes. Profite mec, tu ne vas pas avoir le temps de les digérer. Tu as laissé quelque chose sur ton ardoise et c'est le moment de passer à la caisse. Il sort une casquette de la poche de son blouson. La pluie recommence à tomber. Il remonte son col, tape du pied droit sur le trottoir pour remettre la machine en marche après cette halte dans le pub douillet et se dirige vers Great Victoria. Je lui laisse un peu de marge et coupe vers Sandy. Je marche vite et le .45 de mon frère, coincé dans la ceinture de mon jean m'oblige à me courber un peu. Deux Land Rover blindées de la RUC passent en silence, fin de patrouille, tout est calme maintenant. Dormez bien braves gens. En passant devant la station de bus de Boyne, je pense soudain à Coleen. C'est là qu'on se donnait rendez-vous, au début. Une envie violente de la voir, de me perdre dans son corps chaleureux. Plus tard Mick, plus tard. J'entends les pas de William de l'autre côté de la place. Il marche vite aussi, le salaud. J'accélère le train. Au croisement de Grosvenor, le vent m'enveloppe d'une gangue glacée. Putain ! Et il paraît que nous sommes au printemps. Va falloir attendre encore un peu avant d'emmener les filles se faire peloter dans les buissons de Black Hill. En face, une baraque de la RUC, avec ses miradors blindés et ses barbelés électrifiés. Depuis que je suis né, je vois ces machins-là. Une fois, j'ai suivi un copain dans le sud. Et dans chaque ville traversée, je cherchai les miradors comme des points de repère. On a les clochers qu'on peut. Il n'y en avait pas. J'étais perdu. Le soir, dans un pub de Monaghan, je me suis battu à mort avec un fermier. Mon pote ne m'a pas aidé et m'a ramené à Belfast le lendemain en jurant de ne plus me faire passer cette putain de frontière.
J'y suis avant lui. Il est cuit. Je me planque derrière un pilier. Encore un peu de circulation sur la Westlink. Ca couvrira le bruit. Souvent je venais là avec mon frère. Avant. Un coin dangereux. De l'autre côté, c'est Shankill. Pour nous, ça voulait dire la mort. Alors, on traçait nos plans pour libérer la ville, ici. Mon frère, Gerry, il croyait que ça finirait un jour, d'une façon ou d'une autre. Moi, je pense qu'on en a encore pour longtemps. A l'origine du cessez-le-feu de 94, Gerry s'était vachement démené pour faire accepter le truc aux têtes folles du quartier. Un putain de diplomate qu'il était et je me disais certains soirs au GAA club que s'il se faisait descendre un jour, ce serait par un de ces fondus de l'INLA. Faut dire qu'on l'écoutait. Il avait gravi les échelons de la lutte clandestine suite à de belles opérations. La prise de la RUC de Bridgend c'était lui. L'explosion de la poste d'Armagh aussi. Et puis surtout, il avait su piéger quelques agents du MI5 infiltrés dans l'IRA. Il avait un don pour ça. La dernière fois que le .45 avait servi, il avait éclaté la tête de Terry, un mec super sympa qui savait payer les pintes mais qui avait été retourné par Downing Street. Fin du voyage un beau soir à Ballymurphy. Avec un petit mot épinglé sur la veste et les deux genoux éclatés.
Mais maintenant que Blair avait déclenché tout le fourbi, voilà Gerry qui se rangeait des voitures, clamant partout que c'était la chance à saisir. Alors les vieux disaient qu'ils se faisaient mettre depuis trop longtemps et qu'il fallait pas espérer encore parce que ça ne voulait plus rien dire et qu'on ne pouvait plus rien changer et qu'un britt, c'est toujours un britt et un protestant encore pire...
C'est pas l'INLA qui a liquidé mon frère. C'est William. A cause de sa sœur, la belle Janet. Elle aurait mieux fait de ne jamais naître, celle-là. Ensorcelé qu'il était, Gerry. Faut dire que Janet, c'était un sacré morceau. De longs cheveux noirs qui lui descendaient jusqu'aux fesses, des yeux de la même couleur qui brûlaient tout ce qu'ils regardaient. Un visage d'ange et un corps de mannequin. Avec ça une voix qui semblait sortir des fougères. Ils s'étaient rencontrés dans un pub, par hasard ; et bang ! Je sais que ça existe, ce genre de truc. Moi, avec Coleen, c'est presque pareil. Sauf qu'au début, j'étais pas très amoureux. La première fois, j'étais un peu pété mais c'est elle qui m'avait allumé. Une putain de diablesse. Elle m'avait traîné chez une copine qui, justement, ce soir-là n'était pas là et m'avait pratiquement violé sur le canapé du salon, au milieu des chips et des canettes de Harp.
Pour mon frère, c'était un peu plus compliqué. Il n'a jamais aimé la facilité. Lui d'Andersonstown et elle de Shankill... Un monde plein de murs et de revolvers chargés entre eux. Ils se rencontraient dans une petite maison de Larne. Francis Mc Gann, le proprio, un excellent fiddler et un bon poète les avait pris sous son aile. Ils avaient les clefs et s'en servaient le week-end quand Janet trouvait un prétexte pour s'échapper.
William l'a découvert. Personne ne sait comment. Dans cette putain de ville, tout le monde sait tout et personne ne sait comment. Un samedi soir que Gerry attendait sa brune en buvant son Paddy, ils ont foutu le feu à la baraque et l'ont cueilli à la sortie. Je passe sur la suite, les tortures habituelles et la balle dans la nuque. C'est un gosse qui l'a retrouvé deux jours après dans les glenns. Il était tellement moche qu'on a interdit à ma mère de le voir. Fuck ! Janet vit à Londres maintenant et si je la vois, je la tue.
Alors ce soir, William va payer l'addition. Je n'ai jamais tué personne, Gerry me mettait à l'écart de tout ça. Mais j'ai gardé son flingue. Maman ne le sait pas et je ne lui dirait pas.
Ca y est, je l'entends. Son pas est indécis. Plus de six pintes sans doute. Me demande ce qu'il a arrosé ce soir. Un mois que Gerry est mort et trois semaines que je le piste. Il est tellement con qu'il ne change jamais son itinéraire. Trop sur de lui. Gerry, lui, connaissait tous les recoins de sa ville comme le dos de sa main. Pour ce que ça lui a servit.
Je lui donne encore cinq secondes et j'y vais.
- Salut William, la Guinness était bonne pour un enculé de ta race ?
Je balance négligemment le Colt au bout de mon bras droit. Comme si je n'avais même pas conscience de son existence.
- Cette nuit, je voudrais savoir ce qu'on ressent quand on descend un rat.
La pâle lumière d'un lampadaire du pont, juste au dessus lui tombe sur la gueule et ça le rend cadavérique. Une tâche sombre apparaît sur son froc. Il se pisse dessus, le connard ! Il fait brusquement demi-tour et se met à courir. Je m'accroupis en position de tir, cale le flingue des deux mains, ça secoue un .45, et le plombe deux fois dans le dos. La puissance des balles le projette en avant et il s'étale à plat-ventre sur le sol. Je m'approche doucement. Une flaque de sang se forme peu à peu. Je suis au dessus de lui. Du pied, je le retourne. Good shot, de son veston éclaté s'écoule son sang de bâtard. Je me penche, il a les yeux ouverts et respire encore.
- En fait, ça fait pas grand-chose. Tu crois pas ?
Ses lèvres frémissent et du sang s'écoule en bouillonnan du coin de sa bouche.
- Va rejoindre les tiens en enfer. Le pape t'encule.
Je pose le canon sur son front et tire, bras tendu pour ne pas en prendre trop sur le blouson.
Exit William. Juste une merde sous un pont de Belfast. Rien quoi. Désolé Janet, fallait garder ton cul pour ceux de ton quartier. Après l'avoir consciencieusement essuyé, je balance le flingue de Gerry dans un des gros tuyaux qui passent sous la Westlink. Juste à la frontière. Il est tard maintenant. Dommage, j'aurais bien pris un coup quelque part. Tout est fermé maintenant. Time to go...
II
- Tu es rentré tard, Michael.
Maman est debout devant la cuisinière et prépare le breakfast. Poisson pané, haricots rouges, œufs brouillés et boudin noir. De quoi ressusciter un mort. La bouilloire électrique commence à siffler. Je me lève, prends un sachet de thé, le lance dans la tasse et verse l'eau chaude par dessus. Un rite. Bien rôdé. Le truc qu'on fait vingt fois par jour sans y penser. Le vent passe par un des petits vasistas de la cuisine.
- J'avais à faire.
- Tu n'étais pas chez Mc Grath ? Tu sais que je n'aime pas quand tu bois dans ce pub.
- Je n'y étais pas, Maman.
- Kelly's Bar, alors ?
- Non, plus, je n'étais nulle part.
- Ah bon. Tu as passé la soirée avec Coleen, alors. Fais attention. C'est une gentille fille mais tu n'as pas de situation et si tu la mets enceinte, ton père et moi, on ne peut pas payer le mariage en ce moment. Il n'a pas encore trouvé de travail.
- Je n'étais pas avec Coleen. Et puis elle prend la pilule .
Ma mère esquisse un signe de croix et je plonge mon regard dans ma tasse de thé. Bordel, quelle connerie. Qu'est-ce-que tu veux que je te dise, Mamy ? Qu j'étais en train de massacrer un être humain, que je vengeais mon frère et que je suis maintenant de l'autre côté ? Tu veux vraiment que je te dise ça ?
- J'ai passé la soirée avec Cioran. Il a un plan boulot pour la semaine prochaine. Un déménagement à faire pour le Donegal.
Elle pose l'assiette sur la petite table. Je mange en regardant les cartes postales accrochées au mur. Une vient de Brisbane. Mon frère Liam qui a un pub là-bas. Une de Glasgow où ma sœur Eileen bosse. Officiellement comme secrétaire. En fait comme entraineuse dans un bar de banlieue. Elle me l'a dit un jour au téléphone, en pleurant. Je n'en ai pas parlé aux vieux.
Je suis en train de m'étouffer avec le boudin noir calciné quand une grosse patte s'écrase sur mon épaule gauche. Mon père.
- Pour une fois, tu te lèves tôt. Ca tombe bien, tu vas pouvoir m'aider. Faut que j'arrange la camionnette. Sinon, je ne retrouverais jamais de boulot cette semaine. On m'a parlé d'un chantier à perpète, vers Castlereagh. Faut qu'je téléphone. Y a peut-être quelque chose à prendre par là.
- C'est chez les riches.
- Et alors ? Tu penses que je travaille comme un porc ? Je suis encore un excellent charpentier, tu sais.
- Je sais. Ces derniers temps, tu manques un peu d'entraînement.
- A qui la faute, fils ? A qui la faute. Marre de ce putain d'apartheid. Je vaux bien un de ces protestants. Une charpente, ça n'a pas de religion, non ?
- La charpente, peut-être pas. L'argent : si. Tu sais ce qu'il y a d'écrit sur les dollars américains ? In God We Trust.
- Tu me casses les couilles avec tes conneries d'intellectuel. Moi, je sais que j'ai de bons bras et que les maisons que je couvre ne s'envolent pas en hiver... Qu'est-ce-que tu nous a fait, ce matin, Linda ?
- Comme d'habitude, de la truite aux amandes avec un petit Chardonnay blanc, des œufs à la russe et des toasts aux myrtilles.
- OK, l'humeur est à la rigolade, ce matin. Envoie l'assiette et sers-moi une tasse de thé.
Sonnerie étouffée du téléphone que quelqu'un a caché sous un des coussins du canapé du salon.
-Va répondre Michael. C'est peut-être pour un job. Sois poli.
Pas fâché de rompre la discussion, je m'en vais décrocher le combiné.
- Michael ? Coleen. Tu me manques. On se voit aujourd'hui ? On peut se retrouver au parc de Dunville.
- Je dois aider mon père, ce matin.
- Alors vers trois heures, près du kiosque.
- Tu prends toujours l'initiative. Mais d'accord.
- Je t'aime.
- Moi aussi Coleen, moi aussi.
- A tout à l'heure !
Je me retourne vers mon père qui, hilare, me lance :
- Tu es en train de te faire avoir, fils. Remarque, la Coleen, c'st un joli petit lot et y en a plus d'un qui voudrait être à ta place. On dit qu'elle a des tâches de rousseur partout. C'est vrai ça ?
Je crois que je rougis violemment et m'en vais fumer une clope dans le petit jardin, accompagné par le gros rire de mon père.
III
Quatre heures de l'après-midi. La tête de Coleen sur mon épaule et je compte les papiers gras qui volent sur ce qu'il reste de pelouse à Dunville Park. Elle parle, elle parle. Un doux ronron. Je crois qu'elle sait que je n'écoute pas. Je pense à William. Il se vide comme une baudruche sous Peters Hill Bridge. Il a la tête de Gerry et le vertige me prend. Alors je sers un peu plus ma rousse qui roucoule de plaisir.
- Qu'est-ce qu'on va devenir, mon doux ?
C'est bien des femmes. Toujours à regarder l'avenir. Peut-être parce qu'elles font des gosses. L'avenir, dans mon cas, s'est considérablement contracté depuis cette nuit. Que vais-je faire de toi, ma boule de feu ? Y a pas trop de palce pour nous dans cette cité.
- Pas de futur ici, Coleen. Partir, faudrait partir.
- Tu veux dire, quitter les Falls ?
- Je veux dire, quitter le pays.
- Tu es sérieux ? Tu sais bien qu'on ne peut pas partir avant de se marier.
- Foutaises. Tu parles comme ma mère.
- J'suis pas une pute, Michael !
- Alors, n'en parlons plus. On verra bien.
- Ma copine est à Derry et j'ai la clef de l'appartement. On y va ?
- Une proposition comme je les aime. On achètera de la bière en passant.
- Et des pizzas.
- Et des pizzas.
Coleen a vraiment des tâches de rousseur partout, des doigts de pied aux cheveux. Ca me rend dingue. Et je m'amuse à les compter. Comme je ne me souviens plus exactement du nombre, il y en a tellement, je recommence souvent. Ca la fait rire et l'excite énormément et je me demande si elle en a aussi dans le cœur.
IV
Et c'est toujours la même chose. Partout. Pourquoi partir. Je sais maintenant. Pas le black out. Le black on. J'ai la marque. C'est inscrit sur mon front. J'ai acquis la vibration négative. De l'autre côté, je suis. Et putain, je l'emmerde ce monde à la con. Je suis fatigué soudain de tous les William, des années de mépris, des nuits de violence, des nuits sans avenir, des pensées au jour le jour, des souffles de survie. On vaut mieux que ça, bordel. On vaut mieux que ça. Coleen, Oh ma Coleen, que j'aimerais t'offrir des millions de lendemain. Avec plein de gosses qui crient et des jardins qui sentent bon la paix et le bonheur. Je suis juste bon à faire couler le sang pour éponger le sang. Je ne suis rien. Un petit con de vivant qui ne sait rien de la vie. Et pourtant j'ai tué un homme comme on tue un lapin. C'est drôle, je croyais y trouver de la fierté. J'ai juste vu la mort. Je n'ai rien appris. Tout cela n'a aucun intérêt. Mon frère est définitivement mort et je suis sur qu'il m'en veut. Et il y a ce con qui me cherche depuis une demi-heure. Je vais lui casser la tête, il me fait trop chier. Je rêve de l'allumer depuis longtemps.
- Qu'est-ce-qu'il t'arrives, Michael ? On sait plus boire à Andersonstown ?
- Va te faire foutre, Pat ? C'est pas parce que ta fille s'est barré avec un ricain qu'il faut nous les casser.
- T'as quelque chose contre les ricains, toi ?
- Je m'en tape, des ricains. Vont bientôt nous faire croire qu'ils vont régler le problème ici. Que Bill continue à se faire sucer la bite par ses secrétaires et qu'il nous fiche la paix.
- Ton frangin disait pas ça, Michael. On le regrette, Gerry. Mais fallait pas qu'il plante le dard à Shankill.
- Toi, y a pas de danger que ça t'arrives. Ca doit faire des lustres que tu bandes plus. Et puis, avec le bide que tu transportes avec toi, tu dois plu voir ta queue souvent. Comment tu fais pour pisser ?
Ca y est . C'est parti. Pat, il a fait de la boxe dans le temps. Il était bon avant le chom'du. Doit y avoir quelques restes.
- Pat ? On se la joue derrière, près des chiottes.
- Pas de problème, salopard, je vais t'assassiner comme il faut.
- Let's go !
Le reste, c'est de la merde. Des coups qui font mal si on veut bien y faire attention. Je sais où le frapper pour qu'il souffre. Mais je préfère attendre un peu. Dignité. Lui laisser un peu de dignité. Il est des nôtres quand même. Il me sèche au menton quand je ne m'y attends pas alors je vois rouge. Crochet au foie du gauche enchaîné avec un uppercut du droit pile-poil sous le menton. J'ai un peu de bol et l'enchaînement se déroule comme à l'entraînement. Out Pat qui s'en va vomir contre le mur. Je lui tape sur l'épaule.
- Sans rancune, mec. Ne me parle plus de mon frère en public.
- Fuck off ! T'es qu'un sale con comme tous les Doherty.
- Ca va, je t'offre une pinte.
- Tu peux te la boire par le trou de balle !
- Pas encore assez large. Bonne nuit, Pat.
Dans le pub, je me reprends une Guinness en attendant la suite et Francis s'approche.
- Je peux te dire un mot, Michael ?
- Récites moi la bible si ça te chante.
- Pauvre con. Je suis venu te dire qu'il y a un contrat sur ton dos.
- Quel honneur.
- Déconne pas. Tu t'es farci Fitzpatrick, la nuit dernière. J'ai rien à dire, tu as vengé ton frère. Mais qu'est-ce que tu vas faire, maintenant ? Comme je vois les choses, tu as deux solutions. Attendre la balle qui va t'éclater la tête ou partir, quitter le pays, prendre le premier ferry pour l'Ecosse à Carrickfergus ou le premier avion pour New York. Dans les deux cas, tu es mort.
T'as raison, Francis, dans les deux cas, je suis mort. C'est con ça, non ?
Réuni en congrès à Dublin, le Sinn Fein, l'aile politique de l'IRA a déclaré, à l'unanimité approuver le texte de l'accord de paix et donne son accord à la participation de ses membres au prochain parlement d'Irlande du nord.
Il sort enfin de ce pub de malheur. Onze heures pile. Il est réglé comme une horloge de la RUC, ce mec. Une plombe que je me caille en face, dans Salisbury street. Les nuits sont fraiches à Belfast quand on les passe dehors. Je suis à la limite de mon territoire. Pas le choix. Ce soir ou jamais. Normalement, il va prendre Great Victoria street pour revenir à Shankill. Il est seul, comme d'habitude. Avec un peu de chance, en coupant par Sandy row, j'arriverai avant lui au pont de Peters Hill. Là où je vais le sécher. Pas beaucoup de marge d'action, après le pont, il est chez lui.
D'en face, je peux voir sa sale gueule de Prot'. L'air béat de l'après six pintes. Profite mec, tu ne vas pas avoir le temps de les digérer. Tu as laissé quelque chose sur ton ardoise et c'est le moment de passer à la caisse. Il sort une casquette de la poche de son blouson. La pluie recommence à tomber. Il remonte son col, tape du pied droit sur le trottoir pour remettre la machine en marche après cette halte dans le pub douillet et se dirige vers Great Victoria. Je lui laisse un peu de marge et coupe vers Sandy. Je marche vite et le .45 de mon frère, coincé dans la ceinture de mon jean m'oblige à me courber un peu. Deux Land Rover blindées de la RUC passent en silence, fin de patrouille, tout est calme maintenant. Dormez bien braves gens. En passant devant la station de bus de Boyne, je pense soudain à Coleen. C'est là qu'on se donnait rendez-vous, au début. Une envie violente de la voir, de me perdre dans son corps chaleureux. Plus tard Mick, plus tard. J'entends les pas de William de l'autre côté de la place. Il marche vite aussi, le salaud. J'accélère le train. Au croisement de Grosvenor, le vent m'enveloppe d'une gangue glacée. Putain ! Et il paraît que nous sommes au printemps. Va falloir attendre encore un peu avant d'emmener les filles se faire peloter dans les buissons de Black Hill. En face, une baraque de la RUC, avec ses miradors blindés et ses barbelés électrifiés. Depuis que je suis né, je vois ces machins-là. Une fois, j'ai suivi un copain dans le sud. Et dans chaque ville traversée, je cherchai les miradors comme des points de repère. On a les clochers qu'on peut. Il n'y en avait pas. J'étais perdu. Le soir, dans un pub de Monaghan, je me suis battu à mort avec un fermier. Mon pote ne m'a pas aidé et m'a ramené à Belfast le lendemain en jurant de ne plus me faire passer cette putain de frontière.
J'y suis avant lui. Il est cuit. Je me planque derrière un pilier. Encore un peu de circulation sur la Westlink. Ca couvrira le bruit. Souvent je venais là avec mon frère. Avant. Un coin dangereux. De l'autre côté, c'est Shankill. Pour nous, ça voulait dire la mort. Alors, on traçait nos plans pour libérer la ville, ici. Mon frère, Gerry, il croyait que ça finirait un jour, d'une façon ou d'une autre. Moi, je pense qu'on en a encore pour longtemps. A l'origine du cessez-le-feu de 94, Gerry s'était vachement démené pour faire accepter le truc aux têtes folles du quartier. Un putain de diplomate qu'il était et je me disais certains soirs au GAA club que s'il se faisait descendre un jour, ce serait par un de ces fondus de l'INLA. Faut dire qu'on l'écoutait. Il avait gravi les échelons de la lutte clandestine suite à de belles opérations. La prise de la RUC de Bridgend c'était lui. L'explosion de la poste d'Armagh aussi. Et puis surtout, il avait su piéger quelques agents du MI5 infiltrés dans l'IRA. Il avait un don pour ça. La dernière fois que le .45 avait servi, il avait éclaté la tête de Terry, un mec super sympa qui savait payer les pintes mais qui avait été retourné par Downing Street. Fin du voyage un beau soir à Ballymurphy. Avec un petit mot épinglé sur la veste et les deux genoux éclatés.
Mais maintenant que Blair avait déclenché tout le fourbi, voilà Gerry qui se rangeait des voitures, clamant partout que c'était la chance à saisir. Alors les vieux disaient qu'ils se faisaient mettre depuis trop longtemps et qu'il fallait pas espérer encore parce que ça ne voulait plus rien dire et qu'on ne pouvait plus rien changer et qu'un britt, c'est toujours un britt et un protestant encore pire...
C'est pas l'INLA qui a liquidé mon frère. C'est William. A cause de sa sœur, la belle Janet. Elle aurait mieux fait de ne jamais naître, celle-là. Ensorcelé qu'il était, Gerry. Faut dire que Janet, c'était un sacré morceau. De longs cheveux noirs qui lui descendaient jusqu'aux fesses, des yeux de la même couleur qui brûlaient tout ce qu'ils regardaient. Un visage d'ange et un corps de mannequin. Avec ça une voix qui semblait sortir des fougères. Ils s'étaient rencontrés dans un pub, par hasard ; et bang ! Je sais que ça existe, ce genre de truc. Moi, avec Coleen, c'est presque pareil. Sauf qu'au début, j'étais pas très amoureux. La première fois, j'étais un peu pété mais c'est elle qui m'avait allumé. Une putain de diablesse. Elle m'avait traîné chez une copine qui, justement, ce soir-là n'était pas là et m'avait pratiquement violé sur le canapé du salon, au milieu des chips et des canettes de Harp.
Pour mon frère, c'était un peu plus compliqué. Il n'a jamais aimé la facilité. Lui d'Andersonstown et elle de Shankill... Un monde plein de murs et de revolvers chargés entre eux. Ils se rencontraient dans une petite maison de Larne. Francis Mc Gann, le proprio, un excellent fiddler et un bon poète les avait pris sous son aile. Ils avaient les clefs et s'en servaient le week-end quand Janet trouvait un prétexte pour s'échapper.
William l'a découvert. Personne ne sait comment. Dans cette putain de ville, tout le monde sait tout et personne ne sait comment. Un samedi soir que Gerry attendait sa brune en buvant son Paddy, ils ont foutu le feu à la baraque et l'ont cueilli à la sortie. Je passe sur la suite, les tortures habituelles et la balle dans la nuque. C'est un gosse qui l'a retrouvé deux jours après dans les glenns. Il était tellement moche qu'on a interdit à ma mère de le voir. Fuck ! Janet vit à Londres maintenant et si je la vois, je la tue.
Alors ce soir, William va payer l'addition. Je n'ai jamais tué personne, Gerry me mettait à l'écart de tout ça. Mais j'ai gardé son flingue. Maman ne le sait pas et je ne lui dirait pas.
Ca y est, je l'entends. Son pas est indécis. Plus de six pintes sans doute. Me demande ce qu'il a arrosé ce soir. Un mois que Gerry est mort et trois semaines que je le piste. Il est tellement con qu'il ne change jamais son itinéraire. Trop sur de lui. Gerry, lui, connaissait tous les recoins de sa ville comme le dos de sa main. Pour ce que ça lui a servit.
Je lui donne encore cinq secondes et j'y vais.
- Salut William, la Guinness était bonne pour un enculé de ta race ?
Je balance négligemment le Colt au bout de mon bras droit. Comme si je n'avais même pas conscience de son existence.
- Cette nuit, je voudrais savoir ce qu'on ressent quand on descend un rat.
La pâle lumière d'un lampadaire du pont, juste au dessus lui tombe sur la gueule et ça le rend cadavérique. Une tâche sombre apparaît sur son froc. Il se pisse dessus, le connard ! Il fait brusquement demi-tour et se met à courir. Je m'accroupis en position de tir, cale le flingue des deux mains, ça secoue un .45, et le plombe deux fois dans le dos. La puissance des balles le projette en avant et il s'étale à plat-ventre sur le sol. Je m'approche doucement. Une flaque de sang se forme peu à peu. Je suis au dessus de lui. Du pied, je le retourne. Good shot, de son veston éclaté s'écoule son sang de bâtard. Je me penche, il a les yeux ouverts et respire encore.
- En fait, ça fait pas grand-chose. Tu crois pas ?
Ses lèvres frémissent et du sang s'écoule en bouillonnan du coin de sa bouche.
- Va rejoindre les tiens en enfer. Le pape t'encule.
Je pose le canon sur son front et tire, bras tendu pour ne pas en prendre trop sur le blouson.
Exit William. Juste une merde sous un pont de Belfast. Rien quoi. Désolé Janet, fallait garder ton cul pour ceux de ton quartier. Après l'avoir consciencieusement essuyé, je balance le flingue de Gerry dans un des gros tuyaux qui passent sous la Westlink. Juste à la frontière. Il est tard maintenant. Dommage, j'aurais bien pris un coup quelque part. Tout est fermé maintenant. Time to go...
II
- Tu es rentré tard, Michael.
Maman est debout devant la cuisinière et prépare le breakfast. Poisson pané, haricots rouges, œufs brouillés et boudin noir. De quoi ressusciter un mort. La bouilloire électrique commence à siffler. Je me lève, prends un sachet de thé, le lance dans la tasse et verse l'eau chaude par dessus. Un rite. Bien rôdé. Le truc qu'on fait vingt fois par jour sans y penser. Le vent passe par un des petits vasistas de la cuisine.
- J'avais à faire.
- Tu n'étais pas chez Mc Grath ? Tu sais que je n'aime pas quand tu bois dans ce pub.
- Je n'y étais pas, Maman.
- Kelly's Bar, alors ?
- Non, plus, je n'étais nulle part.
- Ah bon. Tu as passé la soirée avec Coleen, alors. Fais attention. C'est une gentille fille mais tu n'as pas de situation et si tu la mets enceinte, ton père et moi, on ne peut pas payer le mariage en ce moment. Il n'a pas encore trouvé de travail.
- Je n'étais pas avec Coleen. Et puis elle prend la pilule .
Ma mère esquisse un signe de croix et je plonge mon regard dans ma tasse de thé. Bordel, quelle connerie. Qu'est-ce-que tu veux que je te dise, Mamy ? Qu j'étais en train de massacrer un être humain, que je vengeais mon frère et que je suis maintenant de l'autre côté ? Tu veux vraiment que je te dise ça ?
- J'ai passé la soirée avec Cioran. Il a un plan boulot pour la semaine prochaine. Un déménagement à faire pour le Donegal.
Elle pose l'assiette sur la petite table. Je mange en regardant les cartes postales accrochées au mur. Une vient de Brisbane. Mon frère Liam qui a un pub là-bas. Une de Glasgow où ma sœur Eileen bosse. Officiellement comme secrétaire. En fait comme entraineuse dans un bar de banlieue. Elle me l'a dit un jour au téléphone, en pleurant. Je n'en ai pas parlé aux vieux.
Je suis en train de m'étouffer avec le boudin noir calciné quand une grosse patte s'écrase sur mon épaule gauche. Mon père.
- Pour une fois, tu te lèves tôt. Ca tombe bien, tu vas pouvoir m'aider. Faut que j'arrange la camionnette. Sinon, je ne retrouverais jamais de boulot cette semaine. On m'a parlé d'un chantier à perpète, vers Castlereagh. Faut qu'je téléphone. Y a peut-être quelque chose à prendre par là.
- C'est chez les riches.
- Et alors ? Tu penses que je travaille comme un porc ? Je suis encore un excellent charpentier, tu sais.
- Je sais. Ces derniers temps, tu manques un peu d'entraînement.
- A qui la faute, fils ? A qui la faute. Marre de ce putain d'apartheid. Je vaux bien un de ces protestants. Une charpente, ça n'a pas de religion, non ?
- La charpente, peut-être pas. L'argent : si. Tu sais ce qu'il y a d'écrit sur les dollars américains ? In God We Trust.
- Tu me casses les couilles avec tes conneries d'intellectuel. Moi, je sais que j'ai de bons bras et que les maisons que je couvre ne s'envolent pas en hiver... Qu'est-ce-que tu nous a fait, ce matin, Linda ?
- Comme d'habitude, de la truite aux amandes avec un petit Chardonnay blanc, des œufs à la russe et des toasts aux myrtilles.
- OK, l'humeur est à la rigolade, ce matin. Envoie l'assiette et sers-moi une tasse de thé.
Sonnerie étouffée du téléphone que quelqu'un a caché sous un des coussins du canapé du salon.
-Va répondre Michael. C'est peut-être pour un job. Sois poli.
Pas fâché de rompre la discussion, je m'en vais décrocher le combiné.
- Michael ? Coleen. Tu me manques. On se voit aujourd'hui ? On peut se retrouver au parc de Dunville.
- Je dois aider mon père, ce matin.
- Alors vers trois heures, près du kiosque.
- Tu prends toujours l'initiative. Mais d'accord.
- Je t'aime.
- Moi aussi Coleen, moi aussi.
- A tout à l'heure !
Je me retourne vers mon père qui, hilare, me lance :
- Tu es en train de te faire avoir, fils. Remarque, la Coleen, c'st un joli petit lot et y en a plus d'un qui voudrait être à ta place. On dit qu'elle a des tâches de rousseur partout. C'est vrai ça ?
Je crois que je rougis violemment et m'en vais fumer une clope dans le petit jardin, accompagné par le gros rire de mon père.
III
Quatre heures de l'après-midi. La tête de Coleen sur mon épaule et je compte les papiers gras qui volent sur ce qu'il reste de pelouse à Dunville Park. Elle parle, elle parle. Un doux ronron. Je crois qu'elle sait que je n'écoute pas. Je pense à William. Il se vide comme une baudruche sous Peters Hill Bridge. Il a la tête de Gerry et le vertige me prend. Alors je sers un peu plus ma rousse qui roucoule de plaisir.
- Qu'est-ce qu'on va devenir, mon doux ?
C'est bien des femmes. Toujours à regarder l'avenir. Peut-être parce qu'elles font des gosses. L'avenir, dans mon cas, s'est considérablement contracté depuis cette nuit. Que vais-je faire de toi, ma boule de feu ? Y a pas trop de palce pour nous dans cette cité.
- Pas de futur ici, Coleen. Partir, faudrait partir.
- Tu veux dire, quitter les Falls ?
- Je veux dire, quitter le pays.
- Tu es sérieux ? Tu sais bien qu'on ne peut pas partir avant de se marier.
- Foutaises. Tu parles comme ma mère.
- J'suis pas une pute, Michael !
- Alors, n'en parlons plus. On verra bien.
- Ma copine est à Derry et j'ai la clef de l'appartement. On y va ?
- Une proposition comme je les aime. On achètera de la bière en passant.
- Et des pizzas.
- Et des pizzas.
Coleen a vraiment des tâches de rousseur partout, des doigts de pied aux cheveux. Ca me rend dingue. Et je m'amuse à les compter. Comme je ne me souviens plus exactement du nombre, il y en a tellement, je recommence souvent. Ca la fait rire et l'excite énormément et je me demande si elle en a aussi dans le cœur.
IV
Et c'est toujours la même chose. Partout. Pourquoi partir. Je sais maintenant. Pas le black out. Le black on. J'ai la marque. C'est inscrit sur mon front. J'ai acquis la vibration négative. De l'autre côté, je suis. Et putain, je l'emmerde ce monde à la con. Je suis fatigué soudain de tous les William, des années de mépris, des nuits de violence, des nuits sans avenir, des pensées au jour le jour, des souffles de survie. On vaut mieux que ça, bordel. On vaut mieux que ça. Coleen, Oh ma Coleen, que j'aimerais t'offrir des millions de lendemain. Avec plein de gosses qui crient et des jardins qui sentent bon la paix et le bonheur. Je suis juste bon à faire couler le sang pour éponger le sang. Je ne suis rien. Un petit con de vivant qui ne sait rien de la vie. Et pourtant j'ai tué un homme comme on tue un lapin. C'est drôle, je croyais y trouver de la fierté. J'ai juste vu la mort. Je n'ai rien appris. Tout cela n'a aucun intérêt. Mon frère est définitivement mort et je suis sur qu'il m'en veut. Et il y a ce con qui me cherche depuis une demi-heure. Je vais lui casser la tête, il me fait trop chier. Je rêve de l'allumer depuis longtemps.
- Qu'est-ce-qu'il t'arrives, Michael ? On sait plus boire à Andersonstown ?
- Va te faire foutre, Pat ? C'est pas parce que ta fille s'est barré avec un ricain qu'il faut nous les casser.
- T'as quelque chose contre les ricains, toi ?
- Je m'en tape, des ricains. Vont bientôt nous faire croire qu'ils vont régler le problème ici. Que Bill continue à se faire sucer la bite par ses secrétaires et qu'il nous fiche la paix.
- Ton frangin disait pas ça, Michael. On le regrette, Gerry. Mais fallait pas qu'il plante le dard à Shankill.
- Toi, y a pas de danger que ça t'arrives. Ca doit faire des lustres que tu bandes plus. Et puis, avec le bide que tu transportes avec toi, tu dois plu voir ta queue souvent. Comment tu fais pour pisser ?
Ca y est . C'est parti. Pat, il a fait de la boxe dans le temps. Il était bon avant le chom'du. Doit y avoir quelques restes.
- Pat ? On se la joue derrière, près des chiottes.
- Pas de problème, salopard, je vais t'assassiner comme il faut.
- Let's go !
Le reste, c'est de la merde. Des coups qui font mal si on veut bien y faire attention. Je sais où le frapper pour qu'il souffre. Mais je préfère attendre un peu. Dignité. Lui laisser un peu de dignité. Il est des nôtres quand même. Il me sèche au menton quand je ne m'y attends pas alors je vois rouge. Crochet au foie du gauche enchaîné avec un uppercut du droit pile-poil sous le menton. J'ai un peu de bol et l'enchaînement se déroule comme à l'entraînement. Out Pat qui s'en va vomir contre le mur. Je lui tape sur l'épaule.
- Sans rancune, mec. Ne me parle plus de mon frère en public.
- Fuck off ! T'es qu'un sale con comme tous les Doherty.
- Ca va, je t'offre une pinte.
- Tu peux te la boire par le trou de balle !
- Pas encore assez large. Bonne nuit, Pat.
Dans le pub, je me reprends une Guinness en attendant la suite et Francis s'approche.
- Je peux te dire un mot, Michael ?
- Récites moi la bible si ça te chante.
- Pauvre con. Je suis venu te dire qu'il y a un contrat sur ton dos.
- Quel honneur.
- Déconne pas. Tu t'es farci Fitzpatrick, la nuit dernière. J'ai rien à dire, tu as vengé ton frère. Mais qu'est-ce que tu vas faire, maintenant ? Comme je vois les choses, tu as deux solutions. Attendre la balle qui va t'éclater la tête ou partir, quitter le pays, prendre le premier ferry pour l'Ecosse à Carrickfergus ou le premier avion pour New York. Dans les deux cas, tu es mort.
T'as raison, Francis, dans les deux cas, je suis mort. C'est con ça, non ?
Réuni en congrès à Dublin, le Sinn Fein, l'aile politique de l'IRA a déclaré, à l'unanimité approuver le texte de l'accord de paix et donne son accord à la participation de ses membres au prochain parlement d'Irlande du nord.