Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace d’expression pour travailler, comme nous y enjoint Jean–Luc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore qu’un libre espace de parole, Notre Monde s’appuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°20 [juin 1998 - juillet 1998]
© Passant n°20 [juin 1998 - juillet 1998]
par Betty Larousse
Imprimer l'articleLESBI
"Georgette dors-tu ?
- Non et que me veux-tu ?
- Que tu me prêtes 100 sous.
- Alors je dors.
- Mais tu parles...
- Eh bien je rêve.
- A quoi rêves-tu ?
- Que si je te les prêtais, ils seraient foutus."
C'est pratiquement tout ce qui me reste des souvenirs de ma grand-mère, contés les soirs de bonne humeur nostalgique. Sans le savoir encore, je me disais déjà qu'après ces échanges idiots et lancinants, répétés en rythme façon berceuse, et tandis que le sommeil ne prenait toujours pas le pas sur leurs inquiétantes questions existentielles, ces adolescentes d'orphelinat devaient bien trouver, pour animer ces débuts d'insomnie nocturne, quelques occupations aussi vicieuses que la mère supérieure qui leur tournait le dos en faisant mine de dormir... Vous me suivez j'espère. Ma grand-mère n'était pas une sainte et avait bien dû connaître les joies des cochonneries féminines avant de rencontrer mon grand-père. Tout émoustillée, ce jour-là, elle avait accouru vers sa mère adoptive : "Tu te rends compte qu'il m'a demandé de lui faire un noeud à la cravate !...
- Tant que tu ne lui as pas fait une cravate avec le noeud..." Un peu moins naïve la mémé Louise...
Bref, c'est sûrement là qu'a commencé à naître mon amour pour les femmes. Et quand je me suis trouvée en âge de m'interroger sur les racines de mon nom de famille, j'ai d'autant plus été convaincue de probables épisodes saphiques de ma grand-mère que je pensais que LESBI, dans un temps sûrement pas si lointain, avait été le diminutif de "lèche bien". Flatteur en un sens pour la grande manipulatrice de langue qu'on me dit être, mais plus compliqué à vivre lorsque ce même nom, associé au N de mon prénom Natacha, donne LESBI N.
LESBI HAINE, forcément, ça va de soi pour les quelques misogynes et sexuellement racistes qui se sont trouvés à la croisée de mon chemin. Et déclarés ou pas, il faut bien reconnaître qu'ils sont nombreux à ne pas pouvoir nous voir en peinture. Alors pour eux, le tableau est vite fait...
Forcément, on est tordue, y'a quelque chose qui tourne pas rond ; on a dû manquer de père, ou se faire violer dans notre enfance.
A moins qu'on soit perverse, nymphomane, détraquée sexuelle et qu'on n'ait pas trouvé de meilleur moyen pour aguicher les mâles en quête d'extravagances.
Ou peut-être qu'on est trop timide, introvertie et peureuse ; ces sexes tout extérieurs et ces forces viriles, ça nous fout les pétoches ; on a peur de pas savoir comment faire ou d'avoir mal. Mais dans ce cas, c'est forcément qu'on n'a pas rencontré le bon, c'est-à-dire, en général, celui qui nous parle.
A moins qu'on soit un peu raciste, égoïste, fermée ; le porteur de sexe différent du nôtre, on le perçoit forcément comme négatif, mauvais, inférieur ; et puis au moins, avec une égale, on est sûre d'être bien servie et pas déçue, hein ? En plus on sait comment ça marche, on n'a pas trop à se casser pour donner un peu de plaisir ; bref, on pense qu'à soi.
D'ailleurs, en parlant de penser qu'à soi, en faisant ce choix-là, au moins, on est sûre d'être bien à l'abri de faire un môme. En fait, on est complètement bloquée sur notre image qu'on ne veut surtout pas déformer ; bloquée sur nos petites préoccupations personnelles qu'on ne veut surtout pas partager ; on n'a rien trouver de mieux pour échapper à notre rôle de mère ; ah franchement, belle mentalité ! On ne sait plus quoi faire pour se faire remarquer ! C'est vrai, quoi, c'est de la pure provocation de s'embrasser dans la rue ou de se balader bras-dessus, bras-dessous. Une vraie honte ! On salit notre société ; nos rues, nos valeurs ; la belle image de la France. On est comme tous ces immigrés, tiens ! On vaut pas mieux. C'est écoeurant d'ailleurs. Ça fout la gerbe toutes ces gonzesses qui se touchent impunément. Faut qu'on les renvoie dans leur pays, va, on pourra rien en tirer de toute façon. Quoi ? Y'a pas de pays pour elles ? Merde... Ben, j'sais pas moi, on pourrait les parquer quelque part ; les faire bosser à grands coups de gode dans le cul. Bon dieu, doit bien y avoir un politicard qui ferait appliquer ça, que je vote pour lui. Ben voilà ! Heureusement qu'il est là çui-là, Le Pen(is) (hisse la voile à vapeur).
- Non et que me veux-tu ?
- Que tu me prêtes 100 sous.
- Alors je dors.
- Mais tu parles...
- Eh bien je rêve.
- A quoi rêves-tu ?
- Que si je te les prêtais, ils seraient foutus."
C'est pratiquement tout ce qui me reste des souvenirs de ma grand-mère, contés les soirs de bonne humeur nostalgique. Sans le savoir encore, je me disais déjà qu'après ces échanges idiots et lancinants, répétés en rythme façon berceuse, et tandis que le sommeil ne prenait toujours pas le pas sur leurs inquiétantes questions existentielles, ces adolescentes d'orphelinat devaient bien trouver, pour animer ces débuts d'insomnie nocturne, quelques occupations aussi vicieuses que la mère supérieure qui leur tournait le dos en faisant mine de dormir... Vous me suivez j'espère. Ma grand-mère n'était pas une sainte et avait bien dû connaître les joies des cochonneries féminines avant de rencontrer mon grand-père. Tout émoustillée, ce jour-là, elle avait accouru vers sa mère adoptive : "Tu te rends compte qu'il m'a demandé de lui faire un noeud à la cravate !...
- Tant que tu ne lui as pas fait une cravate avec le noeud..." Un peu moins naïve la mémé Louise...
Bref, c'est sûrement là qu'a commencé à naître mon amour pour les femmes. Et quand je me suis trouvée en âge de m'interroger sur les racines de mon nom de famille, j'ai d'autant plus été convaincue de probables épisodes saphiques de ma grand-mère que je pensais que LESBI, dans un temps sûrement pas si lointain, avait été le diminutif de "lèche bien". Flatteur en un sens pour la grande manipulatrice de langue qu'on me dit être, mais plus compliqué à vivre lorsque ce même nom, associé au N de mon prénom Natacha, donne LESBI N.
LESBI HAINE, forcément, ça va de soi pour les quelques misogynes et sexuellement racistes qui se sont trouvés à la croisée de mon chemin. Et déclarés ou pas, il faut bien reconnaître qu'ils sont nombreux à ne pas pouvoir nous voir en peinture. Alors pour eux, le tableau est vite fait...
Forcément, on est tordue, y'a quelque chose qui tourne pas rond ; on a dû manquer de père, ou se faire violer dans notre enfance.
A moins qu'on soit perverse, nymphomane, détraquée sexuelle et qu'on n'ait pas trouvé de meilleur moyen pour aguicher les mâles en quête d'extravagances.
Ou peut-être qu'on est trop timide, introvertie et peureuse ; ces sexes tout extérieurs et ces forces viriles, ça nous fout les pétoches ; on a peur de pas savoir comment faire ou d'avoir mal. Mais dans ce cas, c'est forcément qu'on n'a pas rencontré le bon, c'est-à-dire, en général, celui qui nous parle.
A moins qu'on soit un peu raciste, égoïste, fermée ; le porteur de sexe différent du nôtre, on le perçoit forcément comme négatif, mauvais, inférieur ; et puis au moins, avec une égale, on est sûre d'être bien servie et pas déçue, hein ? En plus on sait comment ça marche, on n'a pas trop à se casser pour donner un peu de plaisir ; bref, on pense qu'à soi.
D'ailleurs, en parlant de penser qu'à soi, en faisant ce choix-là, au moins, on est sûre d'être bien à l'abri de faire un môme. En fait, on est complètement bloquée sur notre image qu'on ne veut surtout pas déformer ; bloquée sur nos petites préoccupations personnelles qu'on ne veut surtout pas partager ; on n'a rien trouver de mieux pour échapper à notre rôle de mère ; ah franchement, belle mentalité ! On ne sait plus quoi faire pour se faire remarquer ! C'est vrai, quoi, c'est de la pure provocation de s'embrasser dans la rue ou de se balader bras-dessus, bras-dessous. Une vraie honte ! On salit notre société ; nos rues, nos valeurs ; la belle image de la France. On est comme tous ces immigrés, tiens ! On vaut pas mieux. C'est écoeurant d'ailleurs. Ça fout la gerbe toutes ces gonzesses qui se touchent impunément. Faut qu'on les renvoie dans leur pays, va, on pourra rien en tirer de toute façon. Quoi ? Y'a pas de pays pour elles ? Merde... Ben, j'sais pas moi, on pourrait les parquer quelque part ; les faire bosser à grands coups de gode dans le cul. Bon dieu, doit bien y avoir un politicard qui ferait appliquer ça, que je vote pour lui. Ben voilà ! Heureusement qu'il est là çui-là, Le Pen(is) (hisse la voile à vapeur).