Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace d’expression pour travailler, comme nous y enjoint Jean–Luc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore qu’un libre espace de parole, Notre Monde s’appuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°28 [mars 2000 - avril 2000]
© Passant n°28 [mars 2000 - avril 2000]
par Michaël Faure
Imprimer l'articleDe si bons sentiments
Le débat actuel sur l’univers carcéral ouvert par l’écho médiatique de l’ouvrage de Véronique Vasseur aura permis une sensibilisation sur les conditions de détention et sur la nécessité d’un contrôle des prisons. La création d’une commission parlementaire sur la prison –votée à l’unanimité par le parlement-, la perspective d’une instance indépendante chargée du contrôle des prisons sont certes des évolutions positives. Mais ces initiatives tardives ne suffiront pas à répondre à la question de la question de la surinflation carcérale. L’assaut récent sur la chose carcérale ne peut masquer la responsabilité de l’institution judiciaire. C’est cette dernière qui prononce des peines de plus en plus longues, néglige l’aménagement des peines et le recours aux alternatives à l’incarcération. C’est aussi elle qui cautionne le fait que la prison est un lieu de non-droit alors qu’elle est sensée représenter le droit. C’est encore elle qui appréhende la notion d’insécurité de façon unilatérale et accroît la vulnérabilité et l’exclusion des personnes qu’elle sanctionne. Le paysage carcéral français ne changera guère si l’on se focalise exclusivement sur les prisons en tant que telles et si l’on occulte les enjeux et les conséquences des politiques pénales. A trop se pencher sur le dedans, on oublie la dimension fondamentale et première de la prison : la légitimation et la reproduction de l’ordre établi et des inégalités qui lui sont inhérentes au moyen du couple contrôle social-répression.
D’ailleurs ce sont parfois les mêmes qui veulent soudainement « humaniser les prisons » qui en justifient le recours outrancier et alimentent la paranoïa ambiante en instrumentalisant la notion fumeuse du sentiment d’insécurité. « Face à l’explosion de l’insécurité dans notre vie quotidienne il faut agir ! Comme dans certaines grandes capitales, Londres ou New-York, il faut appliquer le principe de la tolérance zéro destiné à réprimer tous les délits pour n’en banaliser aucun. L’expérience prouve qu’une dégradation non sanctionnée en entraîne d’autres ». les remèdes en sont : « renforcer la présence policière dans les rues, interdire la présence des enfants dans les rues après minuit, organiser l’éloignement des mineurs multirécidivistes »…
Ces propos de Florent Longuépée, Conseiller régional (RPR) d’Ile-de-france sont mis en regard d’un entretien avec Loïc Wacquant recueillis par Sarah Dindo dans la revue de la section française de l’OIP(1) (voir l’entretien p. 20 et 21 du P.O.). Ici les propos du politicien apportent de l’eau au moulin du sociologue et nous montrent que ces fines analyses et ces avertissements ne sont pas des fictions.
A d’autres endroits on peut lire les propos d’un Député-maire (PCF) prônant la criminalisation des incendies de voitures et évoquant l’impunité dont jouissent les mineurs pour mieux justifier des dispositifs punitifs et de contrôle social. Les notions de Michel Foucault de société disciplinaire et d’archipel carcéral ne semblent pas (hélas) désuètes même si le discours dominant et le sens commun de l’Etat pénal visent à les dissimuler derrière le paravent des « bons sentiments ». Ce vent punitif qui vient d’Amérique propage un souffle dont les voiles des Etats européens sont friands(2). Si, comme le dit Loïc Wacquant «l’avènement de l’Etat pénal n’est pas une fatalité », encore faudra t-il que la société civile se mobilise pour y remédier. Nous avons plus d’une raison d’agir (…).
D’ailleurs ce sont parfois les mêmes qui veulent soudainement « humaniser les prisons » qui en justifient le recours outrancier et alimentent la paranoïa ambiante en instrumentalisant la notion fumeuse du sentiment d’insécurité. « Face à l’explosion de l’insécurité dans notre vie quotidienne il faut agir ! Comme dans certaines grandes capitales, Londres ou New-York, il faut appliquer le principe de la tolérance zéro destiné à réprimer tous les délits pour n’en banaliser aucun. L’expérience prouve qu’une dégradation non sanctionnée en entraîne d’autres ». les remèdes en sont : « renforcer la présence policière dans les rues, interdire la présence des enfants dans les rues après minuit, organiser l’éloignement des mineurs multirécidivistes »…
Ces propos de Florent Longuépée, Conseiller régional (RPR) d’Ile-de-france sont mis en regard d’un entretien avec Loïc Wacquant recueillis par Sarah Dindo dans la revue de la section française de l’OIP(1) (voir l’entretien p. 20 et 21 du P.O.). Ici les propos du politicien apportent de l’eau au moulin du sociologue et nous montrent que ces fines analyses et ces avertissements ne sont pas des fictions.
A d’autres endroits on peut lire les propos d’un Député-maire (PCF) prônant la criminalisation des incendies de voitures et évoquant l’impunité dont jouissent les mineurs pour mieux justifier des dispositifs punitifs et de contrôle social. Les notions de Michel Foucault de société disciplinaire et d’archipel carcéral ne semblent pas (hélas) désuètes même si le discours dominant et le sens commun de l’Etat pénal visent à les dissimuler derrière le paravent des « bons sentiments ». Ce vent punitif qui vient d’Amérique propage un souffle dont les voiles des Etats européens sont friands(2). Si, comme le dit Loïc Wacquant «l’avènement de l’Etat pénal n’est pas une fatalité », encore faudra t-il que la société civile se mobilise pour y remédier. Nous avons plus d’une raison d’agir (…).
Sociologue, membre de l’Observatoire international des prisons. Co-auteur de Sexualités et violences en prisons avec Daniel Welzer-Lang et Lilian Mathieu, 1996. Ed. Aléas et O.I.P. Lire, Toute la société est victime de la prison !, le Passant Ordinaire n° 26 (Sept.-Oct. 1999).
(1) Cf. Dedans Dehors, n° 17 Janvier-Février 2000
(2) Cf. Loïc Wacquant, Ce vent punitif qui vient d’Amérique in Le Monde diplomatique, avril 1999 et Les prisons de la misère, Raisons d’agir.
(1) Cf. Dedans Dehors, n° 17 Janvier-Février 2000
(2) Cf. Loïc Wacquant, Ce vent punitif qui vient d’Amérique in Le Monde diplomatique, avril 1999 et Les prisons de la misère, Raisons d’agir.