Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace d’expression pour travailler, comme nous y enjoint Jean–Luc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore qu’un libre espace de parole, Notre Monde s’appuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°28 [mars 2000 - avril 2000]
© Passant n°28 [mars 2000 - avril 2000]
par Frère Mc Murdo
Imprimer l'articleUn bon polar n’use de la forme policière…
Un bon polar n’use de la forme policière du genre que pour mieux évoquer le fond du pro-blème comme aurait dit Graham Greene. Dans Perdre est une question de méthode(1), il s’agit de la société colombienne. On y associe guerre civile larvée, narcotrafiquants et misère noire pour la plupart de ses habitants. Mais ce n’est pas tellement de cette réalité avérée que choisit de nous parler Santiago Gamboa. Son héros, Victor Silanpa, journaliste et détective privé pour arrondir sa maigre solde, traîne sa carcasse de grand buveur, amoureux transi, souffrant par ailleurs d’hémorroïdes tenaces dans une enquête aux multiples rebondissements. A l’origine on trouve un cadavre empalé qu’un séjour prolongé dans l’eau a rendu encore moins ragoûtant ; à la fin une potion amère qui a le goût des combats perdus d’avance, même si une poignée d’opulents et véreux promoteurs y laisse sa peau dans un allègre massacre. Et tout au long du roman une méthode brillante pour perdre au jeu de la vie les dernières désillusions sur la société des hommes, parti-culièrement dans sa variante colombienne.
Au Texas aussi sévissent des tueurs en série. Mais nul ne s’en préoccupe, puisque les victimes sont des petits enfants noirs. Jusqu’à ce qu’un couple d’enquêteurs amateurs assez hétéroclites s’y intéresse. D’un côté il y a Hap, le narrateur, un blanc, ouvrier agricole à l’occasion comme ramasseur de roses, 45 ans, qui a fait de la taule pour avoir refusé de servir au Vietnam et qui a pas mal bourlingué ; et hétéro. De l’autre, on trouve Léonard, noir, qui se sape bien mieux que son pote ; et homosexuel. Ils font une macabre découverte dans la vieille bicoque que l’oncle de Léonard a léguée dans le misérable quartier noir à son neveu : un petit squelette sous les lattes du plancher, enveloppé dans des revues pornos. Et c’est le début d’un beau et bon récit, solide comme la baraque de l’oncle une fois remise à neuf par les deux compères, une quête de la vérité qui emprunte les chemins du mal déguisés sous les oripeaux de la religion, incarnée par un saisissant personnage d’un révérend baptiste et boxeur. Au total cet Arbre à bouteilles(2) est un polar fort attachant.
La collection Quatre-Bis chez Zulma édite d’intéressants romans noirs. Parmi les dernières trouvailles, on déniche Une coquille dans le placard(3) de Jacques Vallet ou comment les démons du modernisme journalistique servent de toile de fond à un dépeceur de jeunes et belles femmes, qui sévit dans et hors le Miroir quotidien parisien du matin. Et le fossé se révèle profond entre ceux qui se soumettent à la main visible des marchés financiers et la poignée de réfractaires. Mais la ligne de faille entre les deux camps ne recoupe pas les salauds comme assassins et les innocents idéalistes. Le partage est plus subtil, et, ce qui ne gâte rien, le récit enchâssé dans une prose élégante.
Chez Zulma encore on pourra lire avec beaucoup de profit Nécrologies(4) de Jean-Luc Payen : toujours dans les milieux de la presse, un conte où le policier et le fantastique se mélangent avec beaucoup d’humour. Maxime Le Fur s’occupe des nécrologies et met à jour les bios des écrivains dans l’attente de leur disparition prochaine jusqu’à ce qu’il s’aperçoive qu’il peut commander à distance leur mort…
On peut enfin se plonger dans le monde rafraîchissant du bon vieux roman criminel britannique avec La mort pour voisine(5) de Colin Dexter. A l’anglaise, cette série de crimes perpétrés à Oxford, à l’anglaise cette lutte sourde entre prétendants à la direction d’un prestigieux collège, à l’anglaise encore cette atmosphère de stupre glacé, anglais enfin Morse, cet inspecteur principal qui mène son enquête comme la solution des rebus déroutants qu’il adore.
Au Texas aussi sévissent des tueurs en série. Mais nul ne s’en préoccupe, puisque les victimes sont des petits enfants noirs. Jusqu’à ce qu’un couple d’enquêteurs amateurs assez hétéroclites s’y intéresse. D’un côté il y a Hap, le narrateur, un blanc, ouvrier agricole à l’occasion comme ramasseur de roses, 45 ans, qui a fait de la taule pour avoir refusé de servir au Vietnam et qui a pas mal bourlingué ; et hétéro. De l’autre, on trouve Léonard, noir, qui se sape bien mieux que son pote ; et homosexuel. Ils font une macabre découverte dans la vieille bicoque que l’oncle de Léonard a léguée dans le misérable quartier noir à son neveu : un petit squelette sous les lattes du plancher, enveloppé dans des revues pornos. Et c’est le début d’un beau et bon récit, solide comme la baraque de l’oncle une fois remise à neuf par les deux compères, une quête de la vérité qui emprunte les chemins du mal déguisés sous les oripeaux de la religion, incarnée par un saisissant personnage d’un révérend baptiste et boxeur. Au total cet Arbre à bouteilles(2) est un polar fort attachant.
La collection Quatre-Bis chez Zulma édite d’intéressants romans noirs. Parmi les dernières trouvailles, on déniche Une coquille dans le placard(3) de Jacques Vallet ou comment les démons du modernisme journalistique servent de toile de fond à un dépeceur de jeunes et belles femmes, qui sévit dans et hors le Miroir quotidien parisien du matin. Et le fossé se révèle profond entre ceux qui se soumettent à la main visible des marchés financiers et la poignée de réfractaires. Mais la ligne de faille entre les deux camps ne recoupe pas les salauds comme assassins et les innocents idéalistes. Le partage est plus subtil, et, ce qui ne gâte rien, le récit enchâssé dans une prose élégante.
Chez Zulma encore on pourra lire avec beaucoup de profit Nécrologies(4) de Jean-Luc Payen : toujours dans les milieux de la presse, un conte où le policier et le fantastique se mélangent avec beaucoup d’humour. Maxime Le Fur s’occupe des nécrologies et met à jour les bios des écrivains dans l’attente de leur disparition prochaine jusqu’à ce qu’il s’aperçoive qu’il peut commander à distance leur mort…
On peut enfin se plonger dans le monde rafraîchissant du bon vieux roman criminel britannique avec La mort pour voisine(5) de Colin Dexter. A l’anglaise, cette série de crimes perpétrés à Oxford, à l’anglaise cette lutte sourde entre prétendants à la direction d’un prestigieux collège, à l’anglaise encore cette atmosphère de stupre glacé, anglais enfin Morse, cet inspecteur principal qui mène son enquête comme la solution des rebus déroutants qu’il adore.
(1) Santiago Gamboa, Perdre est une question de méthode, traduit par Anne-Marie Meunier,éd. Métailié,110 F.
(2) Joe R. Lansdale, L’arbre à bouteilles, traduit par Bernard Blanc, Série Noire.
(3) Jacques Vallet, Une coquille dans le placard, Zulma, 59 F.
(4) Jean-Luc Payen, Nécrologies, Zulma, 59 F.
(5) Colin Dexter, La mort pour voisine, traduit par Jacques Guiod, 10/18.
(2) Joe R. Lansdale, L’arbre à bouteilles, traduit par Bernard Blanc, Série Noire.
(3) Jacques Vallet, Une coquille dans le placard, Zulma, 59 F.
(4) Jean-Luc Payen, Nécrologies, Zulma, 59 F.
(5) Colin Dexter, La mort pour voisine, traduit par Jacques Guiod, 10/18.