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Sortie du DVD de Notre Monde

Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas Lacoste
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© Passant n°29 [juin 2000 - juillet 2000]
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Eliane Lavail


Elle dirige le Madrigal de Bordeaux, chœur professionnel, l’Ensemble Vocal d’Aquitaine, chœur amateur, et l’Ensemble Orchestral d’Aquitaine regroupés au sein de l’association Polyfonia. Responsable de la formation des chefs de chœur au Conservatoire national de région de Bordeaux, elle dirige en outre le Centre d’Art Polyphonique d’Aquitaine. Arrivée à Bordeaux en 1970, elle a accompli un travail de pionnier pour introduire l’enseignement du chant choral.





Le chant choral est-il reconnu au sein de la musique ?

Oui, mais pas encore suffisamment. Le chant, c’est l’oralité et dès que l’enfant naît, la première chose qu’il fait c’est de crier et de s’exprimer avec sa voix. En musique, le corps doit prendre possession du rythme, mais tant que cela ne sera pas passé par le verbe, on ne pourra pas faire passer ce rythme d’un instrument à un autre, d’une partie du corps à l’autre. L’oralité est le moyen le plus direct et le plus rapide pour développer la cérébralité.

Avec l’enfant, sans avoir besoin de technique, on peut vite aller au cœur de l’expression musicale, alors qu’avec un instrument c’est plus difficile car il faut d’abord avoir vaincu beaucoup de difficultés. Dans les chœurs amateurs, il y en a qui ne lisent pas du tout la musique et, avec un travail bien dirigé, on arrive à les faire chanter, avec une polyphonie quelquefois complexe et on peut leur faire côtoyer des professionnels. C’est impossible avec des amateurs sur le plan instrumental. La voix humaine a donc des possibilités de développement extraordinaires et c’est la base de l’éducation d’une manière générale.



L’apprentissage de la voix serait-il l’apprentissage instrumental le plus facile ?

La voix n’est pas l’instrument le plus facile, il est le plus répandu, et il devrait être étudié par tous car tout le monde a besoin de sa voix. On peut faire une formation musicale à partir de la voix qui sera plus vivante et plus ouverte à toutes les formes : par exemple, la polyphonie chantée à plusieurs voix permet de découvrir les accords. Par la voix, on aborde tout de suite quantité de styles, ce que l’on ne peut faire avec tous les instruments. Les enfants peuvent chanter des chansons de Brahms à deux voix, de la Renaissance, de Poulenc, etc., et même si on ne rentre pas dans les détails, ils vont être plongés dans des bains de musiques différentes qui peu à peu vont leur donner une préscience de beaucoup de choses.



Quelle est votre expérience avec les enfants ?

On a pu faire l’expérience de ce que l’on peut apporter aux enfants par l’intermédiaire de la pratique vocale. Une de mes élèves a mené pendant plusieurs années un travail de formation dans des écoles primaires. Chaque semaine, elle dirigeait un travail vocal en fonction de l’âge des enfants, pas seulement avec le souci de dire : « on chante », ce qui est déjà bien pour faire de l’animation, mais avec un travail de constitution vocale de l’enfant. En même temps un groupe de 80 à 100 enfants qui pouvaient par leur âge et leur capacité vocale aborder un répertoire un peu plus choisi, participaient à une œuvre qui regroupait musiciens et choristes professionnels et amateurs.

Faites vous une relation entre l’importance du chant choral et la diffusion populaire de la musique ?

Le chant choral génère un public populaire nombreux, mais le problème est que trop souvent les chorales n’ont pas le souci de l’éducation de leur public qui n’est pas forcément celui des mélomanes. Les animations que font les chorales représentent un brassage énorme mais 90% des gens qui vont les écouter ne vont à aucun autre concert dans l’année. Seuls 10% ont la curiosité d’aller voir autre chose. Il y a un travail de longue haleine à faire car ce public n’existe pas faute d’éducation musicale dans l’enfance. Le travail dans les écoles est donc capital.



L’art musical est souvent lié à la religion. La religion a-t-elle été le moyen pour l’être humain d’exprimer ses émotions et ses passions, sa créativité et son sens spirituel ?

Je n’ai personnellement aucune gêne à faire chanter de la musique religieuse à qui que ce soit car ma démarche est essentiellement musicale. Mais, d’une manière générale, quand l’art sert des sujets religieux, il y a quelque chose qui est transcendé, il y a une spiritualité qui est plus forte que s’il s’agit d’un sujet profane, même s’il y a des sujets profanes qui atteignent de grands sommets dans l’art musical. On va au-delà des expressions humaines par la musique, par l’art : un son, un accord, un enchaînement d’accords, une harmonie, un phrasé peuvent provoquer des larmes aux yeux, on a une émotion directe, c’est le miracle de la musique...



Propos recueillis par Jean-François Meekel et Jean-Marie Harribey


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