Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace d’expression pour travailler, comme nous y enjoint Jean–Luc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore qu’un libre espace de parole, Notre Monde s’appuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°31 [octobre 2000 - novembre 2000]
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Don Quiattaque
Don Quiattaque de la Gauche, le contestataire à la triste figureNous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort
Nous fûmes vingt-cinq mille pour inverser le sort
Qui nous était promis par les dieux du malheur :
Mille morts. Percés jusques au fond du cœur
D’une atteinte imprévue aussi bien que mortelle,
Que l’on nous fît croire comme étant naturelle :
La vocation du monde est d’être marchandise,
La soumission des hommes est tenue pour acquise.
Il y a trop de vieux qui s’attardent et encombrent,
Beaucoup trop de jeunes, sauvageons en surnombre,
Mais on manque de vieux, contents du minimum,
Y’a pas assez de jeunes, accrocs de cet opium,
Travail précarisé, petits boulots flexibles,
Amortisseurs de crise et servant de fusibles.
Dans vingt ans, soi-disant, on ne pourra payer
Les retraites promises, les pensions, les loyers,
A tous les amoureux de l’art d’être grand-père
Qui s’obstineront à devenir centenaires.
Combien de grands-mères qui sont parties joyeuses
Tisser des layettes finiront les joues creuses !
La seule solution : capitalisation !
Un unique sauveur : c’est le fonds de pension !
Miroir aux alouettes, enchanté, fascinant,
Un mythe apparaît, enfle et devient tout-puissant :
L’enrichissement sans nulle cause et sans fin.
Le capital, n’ayant de source qu’en son sein,
Accède au rang de dieu, gage d’éternité
Pour ceux qui arrivent au bout de leur été.
L’obscène capital entretient l’illusion
D’un double miracle, misérable potion,
Celui de la bourse et celui de notre vie :
Accumulez et vous vivrez à l’infini.
Amassez tout, c’est le fonds qui manque le plus
Pour maintenir vivant le grand âge en surplus.
Je suis banquier sans foi ou assureur sans loi !
Et toi, oui toi, et vous, laissez venir à moi
Les tout petits magots, les tout petits pécules,
Je vais de place en place, et ainsi j’accumule
L’argent, toujours l’argent, cette merde du monde,
Sans odeur, sans honneur, dans ma bourse bien ronde.
Cassette, rendez-moi ma cassette remplie
Du sang et des larmes des enfants bengalis.
Capital, seul objet de mon ressentiment,
Capital, à qui vient son bras d’immoler les enfants,
Capital, que l’on voit se repaître dans l’or,
Capital, que je hais car il nous déshonore.
Ne vous y trompez pas : capital sans travail
Est la fable idiote qui sert d’épouvantail.
Ami, entends-tu le vol noir de ces corbeaux :
« Je vous aime chômeurs, je vous pousse au tombeau. »
De Wall Street à Paris, où ils tournent manège,
Une pause à Davos, où ils forment cortège,
Avant de repartir pour Zurich et Tokyo,
Frankfort ou Mexico, dans tous leurs casinos.
Si tu vas à Rio, n’oublie ma paire d’yeux,
Tout se vend, tout s’achète en ce temps délicieux.
Entendez-vous la triste et sournoise campagne
Des nouveaux chiens de garde autour d’ignobles bagnes
Où de petites mains confectionnent et assemblent
Pour le bien de marchés qui s’affolent et tremblent
A l’idée qu’elles puissent vouloir à leur tour
Un tout petit peu plus qu’un seul dollar par jour,
Un tout petit peu mieux qu’une eau nauséabonde,
Quand la richesse est là, qui ruisselle et abonde.
Affairistes véreux, politiciens bornés,
Faux économistes, vendus, disciplinés,
Ils ont trouvé l’astuce afin d’entretenir
La guerre entre peuples, condamner l’avenir,
Et imposer silence aux nouveaux moyens pauvres :
Partir à la curée des plus pauvres des pauvres,
Arracher en bourse le fruit de leur effort,
Sachant qu’il y règne le seul droit du plus fort :
Celui de prélever la substance d’autrui,
Comme un cannibale qui se repaît sans bruit.
Sans le moindre risque pour le boursicoteur
Qui jouit et se goinfre en apprenant sur l’heure
Que le CAC 40 s’est envoyé en l’air
Et qui, béat, sourit et prône le laisser-faire.
Qui veut noyer l’impôt l’accuse du naufrage
Des services publics en brouillant leur image
Pour préparer le lit des privatisations
De l’eau, de la santé et de l’éducation.
Dans ce far-west contre les damnés de la terre,
Chacun est un Indien mourant comme son père,
Victime sacrifiée sur l’autel du profit,
A la gloire du fric. Que vouliez-vous qu’il fît ?
Qu’il vécût ! Dès demain, on tue la concurrence.
Prolétaires d’ici, on crée l’effervescence,
Prolétaires d’ailleurs, prenez la liberté
De construire avec nous la solidarité.
Et quand nous referons le beau temps des cerises,
Ecrirons notre page et peindrons notre frise :
La productivité servira les humains,
Au lieu de l’inhumain qui nourrit les requins.
Les sanglots longs fuyant du noyau de l’atome
Irradiant la rosée pour des siècles sans hommes,
Irriguent la bourse de si gros bénéfices
Que les actionnaires se pâment avec délices,
Tandis que trois ou quatre ogres ventrus et voraces
Condamnent paysans et leurs plantes vivaces
A éteindre à jamais le souffle renaissant
Chaque saison du bel aubépin verdissant,
Parce qu’un projet fou de breveter la mort
Fut conçu et si bien nommé Terminator
Qui tuera la planète, et la chose en est sûre ;
C’est l’unique raison de ma triste figure.
Ô rage, ô désespoir, ô vieillesse ennemie,
N’ai-je donc tant pensé que pour cette infamie ?
Et ne suis-je blanchi dans les contestations
Que pour voir en un jour flétrir tant de passions ?
Nous partons à l’attaque et nous romprons des lances
Pour garder les moulins égrenant nos romances.
Entre celui qui pense et celui qui dépense,
Le plus riche des deux n’est pas celui qu’on pense.
Pour les âmes mal nées, la vraie valeur s’inscrit
En lettres décorées qui n’ont jamais de prix
Et qui viennent s’unir dans le mot utopie,
Un pays où le plus beau trésor d’Olympie
Est formé de ce choix auquel on vous convie :
Les cordons de la bourse ou le fil de la vie !
Nous fûmes vingt-cinq mille pour inverser le sort
Qui nous était promis par les dieux du malheur :
Mille morts. Percés jusques au fond du cœur
D’une atteinte imprévue aussi bien que mortelle,
Que l’on nous fît croire comme étant naturelle :
La vocation du monde est d’être marchandise,
La soumission des hommes est tenue pour acquise.
Il y a trop de vieux qui s’attardent et encombrent,
Beaucoup trop de jeunes, sauvageons en surnombre,
Mais on manque de vieux, contents du minimum,
Y’a pas assez de jeunes, accrocs de cet opium,
Travail précarisé, petits boulots flexibles,
Amortisseurs de crise et servant de fusibles.
Dans vingt ans, soi-disant, on ne pourra payer
Les retraites promises, les pensions, les loyers,
A tous les amoureux de l’art d’être grand-père
Qui s’obstineront à devenir centenaires.
Combien de grands-mères qui sont parties joyeuses
Tisser des layettes finiront les joues creuses !
La seule solution : capitalisation !
Un unique sauveur : c’est le fonds de pension !
Miroir aux alouettes, enchanté, fascinant,
Un mythe apparaît, enfle et devient tout-puissant :
L’enrichissement sans nulle cause et sans fin.
Le capital, n’ayant de source qu’en son sein,
Accède au rang de dieu, gage d’éternité
Pour ceux qui arrivent au bout de leur été.
L’obscène capital entretient l’illusion
D’un double miracle, misérable potion,
Celui de la bourse et celui de notre vie :
Accumulez et vous vivrez à l’infini.
Amassez tout, c’est le fonds qui manque le plus
Pour maintenir vivant le grand âge en surplus.
Je suis banquier sans foi ou assureur sans loi !
Et toi, oui toi, et vous, laissez venir à moi
Les tout petits magots, les tout petits pécules,
Je vais de place en place, et ainsi j’accumule
L’argent, toujours l’argent, cette merde du monde,
Sans odeur, sans honneur, dans ma bourse bien ronde.
Cassette, rendez-moi ma cassette remplie
Du sang et des larmes des enfants bengalis.
Capital, seul objet de mon ressentiment,
Capital, à qui vient son bras d’immoler les enfants,
Capital, que l’on voit se repaître dans l’or,
Capital, que je hais car il nous déshonore.
Ne vous y trompez pas : capital sans travail
Est la fable idiote qui sert d’épouvantail.
Ami, entends-tu le vol noir de ces corbeaux :
« Je vous aime chômeurs, je vous pousse au tombeau. »
De Wall Street à Paris, où ils tournent manège,
Une pause à Davos, où ils forment cortège,
Avant de repartir pour Zurich et Tokyo,
Frankfort ou Mexico, dans tous leurs casinos.
Si tu vas à Rio, n’oublie ma paire d’yeux,
Tout se vend, tout s’achète en ce temps délicieux.
Entendez-vous la triste et sournoise campagne
Des nouveaux chiens de garde autour d’ignobles bagnes
Où de petites mains confectionnent et assemblent
Pour le bien de marchés qui s’affolent et tremblent
A l’idée qu’elles puissent vouloir à leur tour
Un tout petit peu plus qu’un seul dollar par jour,
Un tout petit peu mieux qu’une eau nauséabonde,
Quand la richesse est là, qui ruisselle et abonde.
Affairistes véreux, politiciens bornés,
Faux économistes, vendus, disciplinés,
Ils ont trouvé l’astuce afin d’entretenir
La guerre entre peuples, condamner l’avenir,
Et imposer silence aux nouveaux moyens pauvres :
Partir à la curée des plus pauvres des pauvres,
Arracher en bourse le fruit de leur effort,
Sachant qu’il y règne le seul droit du plus fort :
Celui de prélever la substance d’autrui,
Comme un cannibale qui se repaît sans bruit.
Sans le moindre risque pour le boursicoteur
Qui jouit et se goinfre en apprenant sur l’heure
Que le CAC 40 s’est envoyé en l’air
Et qui, béat, sourit et prône le laisser-faire.
Qui veut noyer l’impôt l’accuse du naufrage
Des services publics en brouillant leur image
Pour préparer le lit des privatisations
De l’eau, de la santé et de l’éducation.
Dans ce far-west contre les damnés de la terre,
Chacun est un Indien mourant comme son père,
Victime sacrifiée sur l’autel du profit,
A la gloire du fric. Que vouliez-vous qu’il fît ?
Qu’il vécût ! Dès demain, on tue la concurrence.
Prolétaires d’ici, on crée l’effervescence,
Prolétaires d’ailleurs, prenez la liberté
De construire avec nous la solidarité.
Et quand nous referons le beau temps des cerises,
Ecrirons notre page et peindrons notre frise :
La productivité servira les humains,
Au lieu de l’inhumain qui nourrit les requins.
Les sanglots longs fuyant du noyau de l’atome
Irradiant la rosée pour des siècles sans hommes,
Irriguent la bourse de si gros bénéfices
Que les actionnaires se pâment avec délices,
Tandis que trois ou quatre ogres ventrus et voraces
Condamnent paysans et leurs plantes vivaces
A éteindre à jamais le souffle renaissant
Chaque saison du bel aubépin verdissant,
Parce qu’un projet fou de breveter la mort
Fut conçu et si bien nommé Terminator
Qui tuera la planète, et la chose en est sûre ;
C’est l’unique raison de ma triste figure.
Ô rage, ô désespoir, ô vieillesse ennemie,
N’ai-je donc tant pensé que pour cette infamie ?
Et ne suis-je blanchi dans les contestations
Que pour voir en un jour flétrir tant de passions ?
Nous partons à l’attaque et nous romprons des lances
Pour garder les moulins égrenant nos romances.
Entre celui qui pense et celui qui dépense,
Le plus riche des deux n’est pas celui qu’on pense.
Pour les âmes mal nées, la vraie valeur s’inscrit
En lettres décorées qui n’ont jamais de prix
Et qui viennent s’unir dans le mot utopie,
Un pays où le plus beau trésor d’Olympie
Est formé de ce choix auquel on vous convie :
Les cordons de la bourse ou le fil de la vie !
Pour cet hommage à la culture face à la mondialisation capitaliste, il faut remercier par ordre d’entrée en scène : Pierre Corneille, Victor Hugo, Jean de la Fontaine, Karl Marx, Jean-Baptiste Poquelin, Paul Nizan, Eugène Pottier, Jean-Baptiste Clément, Paul Verlaine, Pierre de Ronsard, Miguel de Cervantès, Bertrand Larsabal, …
(1) Une première version de ce texte fut présentée lors de la soirée du Passant Ordinaire « Y a un risque ? » le 29 janvier 2000. Une seconde version augmentée fut présentée sous les traits de Don Quichotte lors de la fête d’ATTAC-33 à Uzeste le 18 juin 2000 dans le cadre d’un débat sur « Culture et mondialisation ».
(1) Une première version de ce texte fut présentée lors de la soirée du Passant Ordinaire « Y a un risque ? » le 29 janvier 2000. Une seconde version augmentée fut présentée sous les traits de Don Quichotte lors de la fête d’ATTAC-33 à Uzeste le 18 juin 2000 dans le cadre d’un débat sur « Culture et mondialisation ».