Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace d’expression pour travailler, comme nous y enjoint Jean–Luc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore qu’un libre espace de parole, Notre Monde s’appuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°32 [décembre 2000 - janvier 2001]
© Passant n°32 [décembre 2000 - janvier 2001]
par Bernard Daguerre
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Les cinéastes étrangers qui viennent tourner à Hollywood, attirés par les charmes considérables de la Babylone du cinéma perdent-ils leur âme et leur puissance en s’y établissant ? Vaste question que cet article ne pourra pas résoudre en dépit de toute ma bonne volonté. Peter Weir, Stephan Frears, Barbet Schroeder, John Woo sont parmi les derniers des acteurs de cette loi des séries qui commença jadis avant même Chaplin et Eric von Stroheim. Ken Loach, à son tour, y succombe avec Bread and Roses, son dernier film, tourné à Hollywood, et en situe l’action à Los Angeles à la fin des années 90. On y voit justement, les « travailleurs de l’invisible » que sont les gens de ménage, comme ils se nomment eux-mêmes, s’organiser pour gagner le droit à des conditions de travail plus décentes. Ils sont tous d’origine étrangère comme Maya, la Mexicaine que sa sœur aînée Rosa a réussi à faire venir en payant cher son voyage à des passeurs. Comme souvent chez Loach, les histoires de famille sont inséparables du combat contre les injustices sociales ; les deux sœurs ont commis ou commettent soit un acte délictueux (Maya), soit une série d’actes attentatoires à la dignité (Rosa) qui les situent en marge de la légalité, mais montrent aussi leur souffrance et la violence que leur impose l’accès à la société dont elles rêvent. Avec tout son savoir faire de cinéaste, avec tout son engagement politique, Loach sait mettre en harmonie, et la ténacité de ces immigrés, et la répression plus ou moins feutrée de la société américaine, qui peut être une formidable machine à intégration ou à exclusion. C’est peut-être là un des enseignements paradoxaux du film : parfait examen de passage d’un brillant cinéaste à l’usine des rêves, mais aussi et symboliquement échec de l’accès au rêve américain. A méditer donc.
Après seize mois passés à l’ombre, Léo Handler est décidé à s’acheter une conduite, dès sa sortie de prison. Il se veut bon fils, bon cousin , bon copain, rangé des voitures pour le vol desquelles, justement il chuta. Mais hélas, il y a la mécanique imparable d’une tragédie noire qui fuse, à l’image de la rame de métro qui emporte notre héros, gêné par le regard inquisiteur d’un policier, première forte séquence du film. Tel est l’argument de The yards (Les entrepôts) le dernier film de James Gray. Placé sous le contrôle de la caméra scrutatrice, Léo se débat, pris entre la fidélité envers son pote Willy qui l’entraîne sur les chemins du crime, la passion muette pour sa cousine, l’amour pour sa mère souffrante et les œuvres ténébreuses de son oncle par alliance, Frank, interprété par un James Caan en grande forme. Frank fait son beurre de la corruption politique du district new-yorkais. Patron d’une entreprise de construction du métro, il conquiert des marchés par des moyens peu orthodoxes et l’ordinaire de ces pratiques renvoie à une tradition du noir vivace depuis les années trente. Forte et belle illustration du genre avec une chute surprenante, dans la rédemption qu’elle met en scène.
Conversation secrète de Francis Ford Coppola date déjà d’un quart de siècle. Réalisé après le Parrain I et II, il fait figure d’œuvre intimiste à côté de ces gigantesques machines. Harry Caul, interprété par Gene Hackman, est un mercenaire, du genre « plombier ». Son métier consiste à enregistrer clandestinement des conversations, art dans lequel il est passé maître. Sa virtuosité reconnue dans le monde clos et très performant des professionnels de l’électronique a un pendant : son obsession du secret, qui recouvre également la sphère de sa vie privée. Hackman campe ici un personnage de maniaque puritain, hanté par l’obsession du péché, de la concupiscence et de la solitude affective. Amené à découvrir ce qu’il croit être un complot contre le couple adultère qu’il a espionné, il n’a de cesse de l’empêcher, en vain. Déjà taraudé par la culpabilité de meurtres qu’il a déclenchée par des écoutes, il y a quelques années, il sombre dans une folie destructrice. Le film est traversé de scènes fulgurantes : opacité du confessionnal dans une église, drague alcoolisée de célibataires en goguette aussi triste que celle de Husbands de Cassavetes mais aussi en plus étriqué, découvertes de traces sanglantes d’un crime dans la lunette des toilettes d’une chambre anonyme d’hôtes… Surveillance et manipulation, ces deux mamelles de la société technologique, avancée américaine sont déjà ici, splendidement mises en image.
Après seize mois passés à l’ombre, Léo Handler est décidé à s’acheter une conduite, dès sa sortie de prison. Il se veut bon fils, bon cousin , bon copain, rangé des voitures pour le vol desquelles, justement il chuta. Mais hélas, il y a la mécanique imparable d’une tragédie noire qui fuse, à l’image de la rame de métro qui emporte notre héros, gêné par le regard inquisiteur d’un policier, première forte séquence du film. Tel est l’argument de The yards (Les entrepôts) le dernier film de James Gray. Placé sous le contrôle de la caméra scrutatrice, Léo se débat, pris entre la fidélité envers son pote Willy qui l’entraîne sur les chemins du crime, la passion muette pour sa cousine, l’amour pour sa mère souffrante et les œuvres ténébreuses de son oncle par alliance, Frank, interprété par un James Caan en grande forme. Frank fait son beurre de la corruption politique du district new-yorkais. Patron d’une entreprise de construction du métro, il conquiert des marchés par des moyens peu orthodoxes et l’ordinaire de ces pratiques renvoie à une tradition du noir vivace depuis les années trente. Forte et belle illustration du genre avec une chute surprenante, dans la rédemption qu’elle met en scène.
Conversation secrète de Francis Ford Coppola date déjà d’un quart de siècle. Réalisé après le Parrain I et II, il fait figure d’œuvre intimiste à côté de ces gigantesques machines. Harry Caul, interprété par Gene Hackman, est un mercenaire, du genre « plombier ». Son métier consiste à enregistrer clandestinement des conversations, art dans lequel il est passé maître. Sa virtuosité reconnue dans le monde clos et très performant des professionnels de l’électronique a un pendant : son obsession du secret, qui recouvre également la sphère de sa vie privée. Hackman campe ici un personnage de maniaque puritain, hanté par l’obsession du péché, de la concupiscence et de la solitude affective. Amené à découvrir ce qu’il croit être un complot contre le couple adultère qu’il a espionné, il n’a de cesse de l’empêcher, en vain. Déjà taraudé par la culpabilité de meurtres qu’il a déclenchée par des écoutes, il y a quelques années, il sombre dans une folie destructrice. Le film est traversé de scènes fulgurantes : opacité du confessionnal dans une église, drague alcoolisée de célibataires en goguette aussi triste que celle de Husbands de Cassavetes mais aussi en plus étriqué, découvertes de traces sanglantes d’un crime dans la lunette des toilettes d’une chambre anonyme d’hôtes… Surveillance et manipulation, ces deux mamelles de la société technologique, avancée américaine sont déjà ici, splendidement mises en image.