Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace d’expression pour travailler, comme nous y enjoint Jean–Luc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore qu’un libre espace de parole, Notre Monde s’appuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°36 [septembre 2001 - octobre 2001]
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par Bernard Daguerre
Imprimer l'articleQuelques aperçus du polar polaire
C’est peut-être les spécificités culturelles (le poids bien connu du déterminisme du protestantisme puritain, l’importance du communautarisme) qui ont pu mettre quelque temps les peuples du Nord à l’abri des tendances les plus négatives des transformations du reste du monde. Le polar témoigne durement, sous l’aspect de la fiction que cet aspect-là des choses, chez nos Scandinaves et Finlandais, est en train de changer.
Prenons par exemple le Danois Serbe de Leif Davidsen1. Il s’agit d’un thriller fort bien agencé dans lequel une journaliste et un policier danois vont s’efforcer de protéger une femme écrivain condamnée à mort par les dignitaires iraniens, lesquels téléguident le bras armé d’un tueur à gages. Celui-ci a la particularité d’avoir vécu sa jeunesse au Danemark et d’être un nationaliste serbe devenu mercenaire. Pendant qu’il prépare son coup pendable, il a la faculté d’observer les modifications sociales à l’œuvre dans ce petit pays, où le fossé entre riches et pauvres lui paraît plus important. L’autre constat fait par ce roman est celui de l’internationalisation des conflits existants en cette fin du XXe siècle ; le Danemark, même à son corps défendant, est là aussi confronté à une problématique nouvelle pour lui, menaçante pour les fondements consensuels de ce petit pays.
Si l’on franchit le pont qui désormais le relie, depuis peu de temps, à la Suède, c’est une problématique proche des transformations de la société et de la manière d’y répondre qu’expriment les romans de Henning Mankell2. Certes pas de avec le même angle de vision : les romans du Suédois sont des enquêtes policières très réussies, même si les dernières ont tendance à être un peu répétitives. On y voit un policier très professionnel, Kurt Wallander, personnage que Mankell a su rendre très attachant, extrêmement scrupuleux (c’est d’ailleurs la minutie de ses enquêtes, dont il sait faire partager le parcours à ses lecteurs qui fait toute la qualité de ses romans), aidé par une petite équipe issue tout comme lui de la ville d’Ystad, en Scanie, s’attacher à résoudre en un temps record des meurtres en série particulièrement horribles ; ces crimes témoignent pour ces flics de la dégradation de la société suédoise. Wallander et ses collègues s’inquiètent par exemple de la montée en force de ligues de citoyens qui veulent faire justice eux-mêmes, tout comme du spectacle attristant de policiers corrompus, liés à des mafias criminelles, ou encore de la xénophobie croissante de leurs compatriotes.
Autre motif de mécontentement : la réorganisation de la police par le pouvoir politique est synonyme d’économies de moyens.
Ce sombre tableau, on le retrouve dans le dernier roman du finlandais Joensuu3, dont le policier, héros de ses trois romans parus en France en Série Noire, l’inspecteur Harjunpää, s’insurge contre les projets de réformes de même nature projetées dans son pays. Autre similitude avec le Suédois Wallander : l’épaisseur du personnage inventé par le romancier, qui dessine un caractère solide, complet et attachant. Mais le trait dominant de l’œuvre du Finlandais, c’est le spleen de son inspecteur, confronté à des enquêtes aisément qualifiables de glauques. La plus réussie étant de ce point de vue Harjunpää et les lois de l’amour.
J’ai gardé le meilleur pour la fin. La cinquième affaire de Thomas Ribe de Oystein Lonn4 est un curieux polar, roman étrange et pénétrant, dont on ne saisit pas grand-chose, puisqu’il a l’air d’un puzzle, avec des éléments cachés. C’est quand même paradoxal pour un récit policier qu’au terme de l’enquête, le mystère soit plus épais encore qu’au début, même si le narrateur déclare qu’il a tout compris. Le sens caché du roman, peut-être faut-il le trouver dans ce secret des origines du flic enquêteur, qui revient dans son village natal pour résoudre comme lui dit sa fille « toutes les énigmes. L’énigme du sphinx ».5
Prenons par exemple le Danois Serbe de Leif Davidsen1. Il s’agit d’un thriller fort bien agencé dans lequel une journaliste et un policier danois vont s’efforcer de protéger une femme écrivain condamnée à mort par les dignitaires iraniens, lesquels téléguident le bras armé d’un tueur à gages. Celui-ci a la particularité d’avoir vécu sa jeunesse au Danemark et d’être un nationaliste serbe devenu mercenaire. Pendant qu’il prépare son coup pendable, il a la faculté d’observer les modifications sociales à l’œuvre dans ce petit pays, où le fossé entre riches et pauvres lui paraît plus important. L’autre constat fait par ce roman est celui de l’internationalisation des conflits existants en cette fin du XXe siècle ; le Danemark, même à son corps défendant, est là aussi confronté à une problématique nouvelle pour lui, menaçante pour les fondements consensuels de ce petit pays.
Si l’on franchit le pont qui désormais le relie, depuis peu de temps, à la Suède, c’est une problématique proche des transformations de la société et de la manière d’y répondre qu’expriment les romans de Henning Mankell2. Certes pas de avec le même angle de vision : les romans du Suédois sont des enquêtes policières très réussies, même si les dernières ont tendance à être un peu répétitives. On y voit un policier très professionnel, Kurt Wallander, personnage que Mankell a su rendre très attachant, extrêmement scrupuleux (c’est d’ailleurs la minutie de ses enquêtes, dont il sait faire partager le parcours à ses lecteurs qui fait toute la qualité de ses romans), aidé par une petite équipe issue tout comme lui de la ville d’Ystad, en Scanie, s’attacher à résoudre en un temps record des meurtres en série particulièrement horribles ; ces crimes témoignent pour ces flics de la dégradation de la société suédoise. Wallander et ses collègues s’inquiètent par exemple de la montée en force de ligues de citoyens qui veulent faire justice eux-mêmes, tout comme du spectacle attristant de policiers corrompus, liés à des mafias criminelles, ou encore de la xénophobie croissante de leurs compatriotes.
Autre motif de mécontentement : la réorganisation de la police par le pouvoir politique est synonyme d’économies de moyens.
Ce sombre tableau, on le retrouve dans le dernier roman du finlandais Joensuu3, dont le policier, héros de ses trois romans parus en France en Série Noire, l’inspecteur Harjunpää, s’insurge contre les projets de réformes de même nature projetées dans son pays. Autre similitude avec le Suédois Wallander : l’épaisseur du personnage inventé par le romancier, qui dessine un caractère solide, complet et attachant. Mais le trait dominant de l’œuvre du Finlandais, c’est le spleen de son inspecteur, confronté à des enquêtes aisément qualifiables de glauques. La plus réussie étant de ce point de vue Harjunpää et les lois de l’amour.
J’ai gardé le meilleur pour la fin. La cinquième affaire de Thomas Ribe de Oystein Lonn4 est un curieux polar, roman étrange et pénétrant, dont on ne saisit pas grand-chose, puisqu’il a l’air d’un puzzle, avec des éléments cachés. C’est quand même paradoxal pour un récit policier qu’au terme de l’enquête, le mystère soit plus épais encore qu’au début, même si le narrateur déclare qu’il a tout compris. Le sens caché du roman, peut-être faut-il le trouver dans ce secret des origines du flic enquêteur, qui revient dans son village natal pour résoudre comme lui dit sa fille « toutes les énigmes. L’énigme du sphinx ».5
(1) Leif Davidsen : Le Danois Serbe (traduit du danois par Monique Christiansen, Ed. Gaïa, 139 F.).
(2) Hennig Mankell : Meurtriers sans visage (traduit du suédois par Philippe Bouquet, Bourgois éditeur, 1994), Le guerrier solitaire (traduit par Christopher Bjurström, Points Seuil), Les morts de la Saint- Jean (traduit par Anna Gibson, Seuil Policier) et La cinquième femme (traduit par Anna Gibson, Points Seuil).
(3) Matti Yrjänä Joensuu : Harjunpää et le fils du policier ; Harjunpää et les lois de l’amour ; Harjunpää et l’homme-oiseau (tous les trois traduits par Paula et Christian Nabais, Série Noire).
(4) Oystein Lonn : La cinquième affaire de Thomas Ribe (traduit du norvégien par Alain Gnaedig, Série Noire).
(5) Et aussi : Incertitude de Michael Larsen (traduit du danois par Alain Gnaedig, Rivages/Noir) et Le cercle celtique de Björn Larsson (traduit du suédois par Christine Hammarstrand, Folio policier).
(2) Hennig Mankell : Meurtriers sans visage (traduit du suédois par Philippe Bouquet, Bourgois éditeur, 1994), Le guerrier solitaire (traduit par Christopher Bjurström, Points Seuil), Les morts de la Saint- Jean (traduit par Anna Gibson, Seuil Policier) et La cinquième femme (traduit par Anna Gibson, Points Seuil).
(3) Matti Yrjänä Joensuu : Harjunpää et le fils du policier ; Harjunpää et les lois de l’amour ; Harjunpää et l’homme-oiseau (tous les trois traduits par Paula et Christian Nabais, Série Noire).
(4) Oystein Lonn : La cinquième affaire de Thomas Ribe (traduit du norvégien par Alain Gnaedig, Série Noire).
(5) Et aussi : Incertitude de Michael Larsen (traduit du danois par Alain Gnaedig, Rivages/Noir) et Le cercle celtique de Björn Larsson (traduit du suédois par Christine Hammarstrand, Folio policier).