Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace d’expression pour travailler, comme nous y enjoint Jean–Luc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore qu’un libre espace de parole, Notre Monde s’appuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°37 [novembre 2001 - décembre 2001]
© Passant n°37 [novembre 2001 - décembre 2001]
par Jambonneau
Imprimer l'articlePutain de dieu !
J’avais arrêté de bouffer du curé depuis quelque temps – indigeste la bête –, par tolérance me disais-je, par ramollissement peut-être aussi, un avachissement cérébral tel un surplus pondéral qui s’immisce lentement, puis il y avait d’autres combats à mener, plus intéressants, plus essentiels. Et puis chacun affronte la mort à sa façon, alors s’ils ont besoin de Dieu, d’un Dieu, tant qu’ils ne tuent pas au nom de ce Dieu, qu’ils aillent en paix dans la vallée des larmes.
Mais l’horreur du World Trade Center perpétrée par des fous de Dieu qui dévoient sauvagement l’Islam, le sermon médiatique diffusé en boucle, le cérémonial religieusement scénarisé de la compassion – je hais les minutes de silence, une minute de silence des siècles de massacre –, le « monumental combat du bien contre le mal » de George W Bush… et l’envie m’a repris de blasphémer, une envie violente, tripale : PUTAIN DE DIEU DE PUTAIN DE DIEU ! QUE DIEU AILLE EN ENFER ! ! ! Pour l’éternité.
L’envie d’en découdre, au risque de l’excès, avec leur bigoterie, leur bondieuserie affligeante, une bonne grosse cure de curé, de pasteur, de mollah, de pope, de rabbin… que sais-je ? Prêt pour une crise de foie carabinée. Comme disait l’ami Desproges, « Dieu me tripote » et, comme surenchérissait l’ami Polo, « Quand Dieu me tripote, il me les brise menues. » Et ils nous les brisent ! Menues !
Je rappellerai juste en passant que toutes ces religions ne sont jamais que des sectes qui ont réussi et qu’elles auraient le bon ton de s’en souvenir une fois pour toutes. Leur vérité n’est pas universelle, elle ne vaut que pour ceux qui y croient, pas plus.
Croire les empêcherait-il donc de comprendre ? Faut croire ! Alors que tout est complexe, diablement complexe, alors que ces attentats soulèvent plus de questions qu’ils n’apportent de réponses – si ce n’est la nécessité de la lutte contre le terrorisme –, eux font dans le binaire, dans le syndrome Microsoft, les gates du Paradis ouvertes à tous les vents maléfiques. Que Bush Jr y aille de sa croisade avec les Américains derrière lui, on n’en attendait pas moins : les Etats-Unis ont été bâtis sur la quête de l’Eden, frontière religieuse, absolue, entre eux, le Bien et les autres le Mal. Dès que ce peuple, qui se juge élu, est touché dans sa chair, cette référence inexpugnable jaillit. Et les guns sortent, chargés pour la riposte vengeresse.
Mais que chez nous, par contamination, les politiques, les éditorialistes et tant d’autres de tous poils hérissés entonnent en chœur la même litanie, c’est le sang qui se glace. « Nous sommes tous Américains ». Entendre : « Nous sommes tous le Bien ». Sous entendu : « Si vous n’êtes pas avec nous, vous êtes le Mal ». Au bûcher !
Quand ils ânonnent cette pathétique croisade, ils ne voient pas la spirale destructrice qui s’enclenche, ils n’entrevoient pas le piège tendu par le fanatisme religieux qui ne demande qu’à se refermer : que les conflits futurs puissent opposer des civilisations définies essentiellement par la frontière de leur religion de référence ?
Que ceux qui se réclament du Bien soient ceux-là mêmes qui aient enfanté ceux qu’ils fustigent d’être le Mal ne les questionne pas sur la fragilité, sur la porosité de la frontière entre le Bien et le Mal ?
Que les talibans ici et d’autres dictateurs ailleurs aient joui d’une telle impunité pour opprimer leur peuple ne réveille en eux aucune crainte quant aux mobiles économiques et géostratégiques qui dictent tout sous couvert d’alibis humanitaires ou religieux ?
Quand nos chers politiques en France ou ailleurs ont un œil larmoyant posé sur les télévisions et l’autre rivé sur les sondages de popularité – qui grimpe qui grimpe1 –, ne les interroge en rien sur l’utilisation politique de la religion ?
Quand on nous explique que c’est la lutte de la démocratie contre l’obscurantisme alors que la mondialisation capitaliste est imposée par une minorité à une majorité d’êtres humains, ce modèle démocratique là leur apparaît toujours aussi légitime ? On aurait souhaité plus de discernement !
Mais c’est vrai qu’ils aiment ça faire le Bien, faire le Bien des autres à la place des autres. Car ils savent ce qu’est le Bien puisque que le Bien, c’est eux sur terre, pour eux sur terre. Ils ont été élus pour ça, par Dieu d’abord, par l’urne ensuite. Mais leur Dieu est moribond et leur urne funéraire.
Et il nous faudrait donc en plus choisir, car l’on nous somme de choisir. Mais moi je refuse qu’on m’impose un tel non-choix. Il me semble que nous les humains, pour le plus grand nombre, nous faisons comme nous pouvons, nous tentons de faire aussi bien que nous le pouvons et c’est déjà pas si mal. Nous ne sommes ni du côté du bien, ni du côté du mal, mais à cheval sur une frontière faseyante dont on tente de nous imposer une illusoire rectitude.
Nous, nous sommes tout simplement des humains ballottés entre beauté et laideur, doutes et certitudes, bonheurs et peines, rieurs et pleureurs à la fois, parfois debout, parfois penchés, souvent même couchés sous le joug que Dieu et ses apôtres de chair et de d’argent font peser sur nos épaules. On pourrait d’ailleurs s’entendre sur un programme minimum commun : « que le bonheur des uns ne fasse pas le malheur des autres »2.
Alors s’ils veulent croire, qu’ils continuent à croire, chez eux, pour eux, sans croisade, sans djihad, sans prosélytisme aucun. Ça, ce serait un vrai et bel acte de foi en l’Homme : laisser à chacun la liberté de penser et de choisir. Et qu’ils arrêtent de nous les briser menues, nom de dieu !
Mais l’horreur du World Trade Center perpétrée par des fous de Dieu qui dévoient sauvagement l’Islam, le sermon médiatique diffusé en boucle, le cérémonial religieusement scénarisé de la compassion – je hais les minutes de silence, une minute de silence des siècles de massacre –, le « monumental combat du bien contre le mal » de George W Bush… et l’envie m’a repris de blasphémer, une envie violente, tripale : PUTAIN DE DIEU DE PUTAIN DE DIEU ! QUE DIEU AILLE EN ENFER ! ! ! Pour l’éternité.
L’envie d’en découdre, au risque de l’excès, avec leur bigoterie, leur bondieuserie affligeante, une bonne grosse cure de curé, de pasteur, de mollah, de pope, de rabbin… que sais-je ? Prêt pour une crise de foie carabinée. Comme disait l’ami Desproges, « Dieu me tripote » et, comme surenchérissait l’ami Polo, « Quand Dieu me tripote, il me les brise menues. » Et ils nous les brisent ! Menues !
Je rappellerai juste en passant que toutes ces religions ne sont jamais que des sectes qui ont réussi et qu’elles auraient le bon ton de s’en souvenir une fois pour toutes. Leur vérité n’est pas universelle, elle ne vaut que pour ceux qui y croient, pas plus.
Croire les empêcherait-il donc de comprendre ? Faut croire ! Alors que tout est complexe, diablement complexe, alors que ces attentats soulèvent plus de questions qu’ils n’apportent de réponses – si ce n’est la nécessité de la lutte contre le terrorisme –, eux font dans le binaire, dans le syndrome Microsoft, les gates du Paradis ouvertes à tous les vents maléfiques. Que Bush Jr y aille de sa croisade avec les Américains derrière lui, on n’en attendait pas moins : les Etats-Unis ont été bâtis sur la quête de l’Eden, frontière religieuse, absolue, entre eux, le Bien et les autres le Mal. Dès que ce peuple, qui se juge élu, est touché dans sa chair, cette référence inexpugnable jaillit. Et les guns sortent, chargés pour la riposte vengeresse.
Mais que chez nous, par contamination, les politiques, les éditorialistes et tant d’autres de tous poils hérissés entonnent en chœur la même litanie, c’est le sang qui se glace. « Nous sommes tous Américains ». Entendre : « Nous sommes tous le Bien ». Sous entendu : « Si vous n’êtes pas avec nous, vous êtes le Mal ». Au bûcher !
Quand ils ânonnent cette pathétique croisade, ils ne voient pas la spirale destructrice qui s’enclenche, ils n’entrevoient pas le piège tendu par le fanatisme religieux qui ne demande qu’à se refermer : que les conflits futurs puissent opposer des civilisations définies essentiellement par la frontière de leur religion de référence ?
Que ceux qui se réclament du Bien soient ceux-là mêmes qui aient enfanté ceux qu’ils fustigent d’être le Mal ne les questionne pas sur la fragilité, sur la porosité de la frontière entre le Bien et le Mal ?
Que les talibans ici et d’autres dictateurs ailleurs aient joui d’une telle impunité pour opprimer leur peuple ne réveille en eux aucune crainte quant aux mobiles économiques et géostratégiques qui dictent tout sous couvert d’alibis humanitaires ou religieux ?
Quand nos chers politiques en France ou ailleurs ont un œil larmoyant posé sur les télévisions et l’autre rivé sur les sondages de popularité – qui grimpe qui grimpe1 –, ne les interroge en rien sur l’utilisation politique de la religion ?
Quand on nous explique que c’est la lutte de la démocratie contre l’obscurantisme alors que la mondialisation capitaliste est imposée par une minorité à une majorité d’êtres humains, ce modèle démocratique là leur apparaît toujours aussi légitime ? On aurait souhaité plus de discernement !
Mais c’est vrai qu’ils aiment ça faire le Bien, faire le Bien des autres à la place des autres. Car ils savent ce qu’est le Bien puisque que le Bien, c’est eux sur terre, pour eux sur terre. Ils ont été élus pour ça, par Dieu d’abord, par l’urne ensuite. Mais leur Dieu est moribond et leur urne funéraire.
Et il nous faudrait donc en plus choisir, car l’on nous somme de choisir. Mais moi je refuse qu’on m’impose un tel non-choix. Il me semble que nous les humains, pour le plus grand nombre, nous faisons comme nous pouvons, nous tentons de faire aussi bien que nous le pouvons et c’est déjà pas si mal. Nous ne sommes ni du côté du bien, ni du côté du mal, mais à cheval sur une frontière faseyante dont on tente de nous imposer une illusoire rectitude.
Nous, nous sommes tout simplement des humains ballottés entre beauté et laideur, doutes et certitudes, bonheurs et peines, rieurs et pleureurs à la fois, parfois debout, parfois penchés, souvent même couchés sous le joug que Dieu et ses apôtres de chair et de d’argent font peser sur nos épaules. On pourrait d’ailleurs s’entendre sur un programme minimum commun : « que le bonheur des uns ne fasse pas le malheur des autres »2.
Alors s’ils veulent croire, qu’ils continuent à croire, chez eux, pour eux, sans croisade, sans djihad, sans prosélytisme aucun. Ça, ce serait un vrai et bel acte de foi en l’Homme : laisser à chacun la liberté de penser et de choisir. Et qu’ils arrêtent de nous les briser menues, nom de dieu !
(1) La lecture de la page 2 du Canard Enchaîné du 19 septembre 2001 – c’est-à-dire une semaine après les attentats – est à ce propos fort édifiante. Florilège : Dominique de Villepin, couille droite à Chirac : « Il n’y aura pas de campagne. Le Président va s’imposer, sa légitimité aller grandissante. Tout cela ne peut que faciliter sa réélection. » Joli, non ! Place Beauvau, au ministère de l’Intérieur, le renforcement du plan vigipirate est une aubaine. Un haut fonctionnaire : « cela vient à point nommé pour redresser la mauvaise courbe des chiffres de la délinquance. » Et plus loin : « la lutte antiterroriste va permettre, à travers la traque des réseaux islamiques, de justifier des décisions sécuritaires. Et celles-ci empêcheront Chirac de monopoliser le thème de la sécurité. » Un attentat est toujours recyclable politiquement. Quant aux basanés et aux délinquants, garez vos miches !
(2) Philippe Val dans son édito du 19 septembre 2001, n°483, Charlie Hebdo.
(2) Philippe Val dans son édito du 19 septembre 2001, n°483, Charlie Hebdo.