Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace d’expression pour travailler, comme nous y enjoint Jean–Luc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore qu’un libre espace de parole, Notre Monde s’appuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°37 [novembre 2001 - décembre 2001]
© Passant n°37 [novembre 2001 - décembre 2001]
par Pat Cadigan
Imprimer l'articleL’effet d’une bombe
On parle beaucoup d’explosions en ce moment, et pour cause : des terroristes
viennent de transformer en bombes des avions civils, faisant vaciller nos
certitudes... Pat Cadigan, premier auteur de fiction à avoir traité des
bouleversements induits par la mise au point d’une interface corporelle entre l’homme et l’ordinateur – la fameuse « prise neurale » jusque-là tenue pour
acquise par la littérature cyberpunk – imaginait en 1996, lors de la conférence Word Bombs1, les « bombes verbales » qui menacent et menaceront bientôt la
tranquillité de tout un chacun. On est loin du carnage du World Trade Center et de ses enjeux humains et géopolitiques, bien sûr, mais les ondes de choc dont il est question n’en sont pas moins dévastatrices.
Où l’on voit que la boîte à outils science-fictive, loin de déréaliser le monde qui nous entoure, peut permettre au contraire de mieux l’appréhender...
N.M.
Des paroles qui vous explosent au nez. Des mots qui font l’effet d’une bombe. Intervenant ici au titre de la partie technologique du programme, je me suis efforcée de plancher très sérieusement sur le sujet. Les bombes sont des créations technologiques, somme toute ; et quant à moi, les mots me font vivre. Ainsi donc, des bombes. Verbales. Qui détonent. Avec un seul n.
La bombe verbale sera obligatoirement de nature explosive. Il devra y avoir éclats d’obus, dégâts, réparables ou pas. Elle provoquera un changement permanent, ainsi que de probables symptômes de stress post-traumatique. Toute bombe, quelle qu’elle soit, vous prend en général par surprise, mais ce n’est pas systématique. Il en existe certaines qu’on voit venir de loin, tout en sachant qu’on ne peut les éviter : où qu’on se trouve, on sera toujours au point d’impact.
Voilà qui colle bien à notre sujet. La bombe verbale est un missile thermique à tête chercheuse, et c’est VOUS qu’elle cherche. Une fois lancée/lâchée/projetée, elle ne s’arrête plus tant qu’elle n’a pas explosé, pour vous seul.
Elle est violente par nature. Son propulseur est un dessein, son déclencheur, la passion. Ce qui arme cette bombe, c’est la foi, la croyance : l’explosion est due à la collision entre ladite foi ou croyance et la réalité brute. La déflagration aura lieu que vous y croyiez ou pas – de la même façon que vous pouvez vous évertuer à répéter que la gravité n’existe pas, que c’est juste la Terre qui vous aspire... et pourtant, une chute du haut de l’Empire State Building ne vous en tuera pas moins.
Ce que la bombe verbale réduit à néant, c’est le sens ; confronté à la réalité, le sens peut se voir entièrement rasé. Les intentions, bonnes ou mauvaises, reviennent toutes au même dans la période qui suit l’explosion de la bombe. Elles pavent pareillement le chemin de l’enfer.
Jésus est mort pour nos péchés. J’ai toujours traduit : Jésus est mort par ta faute. Je répondais systématiquement : Jésus est mort et même sans moi, il se serait débrouillé pour trouver un prétexte.
De la même façon, les bombes – toutes les bombes – sont vouées à exploser. Elles ne perdent pas cette caractéristique parce que vous avez changé d’avis après les avoir jetées.
Alors, quel effet pour celles qui nous occupent ? J’ai tenté d’imaginer quelques bombes verbales, que chacun ou presque est susceptible d’entendre au fil d’une journée lambda. Cette première liste est subjective et non exhaustive.
« Je t’aime. »
Voilà qui possède toutes les caractéristiques nécessaires : c’est explosif ; une fois lâché, lancé ou projeté par l’autre, cela tend à induire un changement permanent dans le mode de relation entre les deux personnes (et particulièrement s’il y a PLUS de deux personnes).
« Vous êtes en état d’arrestation. »
Raté. En fait, cela relève plus de la mine antipersonnelle, en ce sens qu’on peut poser le pied ou sauter dessus à pieds joints sans le vouloir véritablement. Pour vertueux qu’on soit, ou veuille être, cette bombe-ci est vraiment à prendre avec des pincettes puisqu’elle peut présager quantité d’autres phrases encore moins douces aux oreilles.
« Je suis enceinte. »
Dans la bouche de votre amante, cela prend surtout l’aspect d’une bombe si vous êtes 1) vasectomisé ou 2) une autre femme. Mais même lorsque cette nouvelle est entièrement bienvenue, elle n’en reste pas moins explosive. Et quoi qu’il advienne ensuite, plus rien ne sera jamais comme avant, bien sûr. Susceptible d’être sauvé ? Peut-être. Comme avant ? Jamais.
« Votre test est positif. »
Ce qui vient après n’a presque aucune importance. C’est l’un des pires spécimens parce que, dans presque tous les autres contextes, « positif » implique quelque chose de bon. Qu’il s’agisse de vous-même, de votre amant(e), de votre enfant, d’un parent, de votre idole ou d’un inconnu assis de l’autre côté du couloir à la clinique, l’explosion semble se répercuter à l’infini, catastrophe post-moderne à petit feu.
Mais quid des bombes verbales de l’avenir ? Toutes les versions contemporaines auront sans doute encore droit de cité, bien sûr. Simplement, d’autres surgiront à leurs côtés. A l’instar de la précédente, cette liste ne se veut ni exhaustive, ni absolue, ni exacte à 100%. (Si vous ne jurez que par l’exhaustif, l’absolu, et l’exact à 100%, jetez-moi la première pierre. Dans le cas contraire, ôtez vos chaussures et détendez-vous.)
« Je t’ai cloné. »
Naturellement, puisqu’il s’agit d’une bombe, le clone sera un pirate ou une contrefaçon, imparfaite d’une façon ou d’une autre. Votre clone fera les quatre volontés du cloneur, volontés qui seront diamétralement opposées à toutes vos convictions ou tout ce qui vous tient à cœur. Vous aurez l’impression inimitable d’avoir été simultanément volé et violé ; au mieux, vous serez peut-être en mesure d’intenter un procès pour infraction aux lois sur le copyright. Vous ne trouverez pas ça détestable, le moment venu ?
« Je me suis cloné. »
Que deviennent les rapports amoureux dans cet avenir où l’on peut être simultanément monogame et polygame ? Réfléchissez à la version monogame, ou son équivalent. Quel que soit le type de relation que vous entretenez, chacune présente un certain degré d’engagement, de l’ordre de : « Oui, je veux bien l’admettre – devant toi du moins –, il y a une certaine forme de lien entre nous, pour l’instant et pour l’avenir tel que je peux l’envisager. »
Mais progressons encore d’une étape et considérons une forme de relation établie, à long terme, entre deux personnes – au moins deux, peut-être plus, je n’y vois pas d’inconvénient. Voici que l’une de ces personnes – pas vous – annonce : « Je me suis cloné. » Et vous savez que ce clone aura juste la charge des responsabilités professionnelles courantes, pour permettre à l’original de passer plus de temps avec vous ou le groupe familial. Le clone relève d’un autre monde.
C’est l’une de ces bombes classiques susceptibles de vous exploser à la figure dans le courant d’une vie. Cela signifie-t-il qu’une part de votre conjoint désire toujours être ailleurs, aurait souhaité qu’il n’y ait jamais rien entre vous ? A quoi ressemble le clone ? Est-il plus sexy, plus drôle, plus heureux, plus triste ? Et surtout, le clone et l’original se rencontrent-ils parfois, et échangent-ils leurs places respectives sans rien en dire à personne ?
« Je suis le clone. »
Variation sur une bombe. Cela fait-il de vous un sujet d’expérience, dont on peut se débarrasser au gré de sa fantaisie une fois qu’on ne le trouve plus amusant ni intéressant ?
« Tu es le clone. »
Depuis quand ? Combien d’autres personnes sont au courant, et pourquoi ne vous en a-t-on pas informé ? Il s’agit peut-être d’un canular cruel. Quand cela vous sautera aux yeux, vous serez malgré tout gagné par l’obsession de trouver votre soi-disant « original ».
« Je suis ton clone. »
Pleased to meet me2, pourvu que je devine mon nom – premier refrain. Impossible. Votre clone est censé posséder sa propre existence, que fabrique-t-il à vous ennuyer ainsi ? Comment être certain qu’il s’agit réellement de lui, et pas d’un simple petit escroc qui s’essaie à l’arnaque sur la base d’une ressemblance fortuite ? La similitude n’est pas frappante. Vous n’avez pas les yeux aussi petits, vous vous tenez bien mieux que lui – si bien que vous avez toujours semblé plus grand –, vos goûts et vos choix de taille en matière de vêtements sont bien supérieurs.
Que pourrait vouloir de vous votre clone ? Et s’il se révélait un tordu de première ? Beeeuuurk. Est-ce la manifestation d’une caractéristique déjà présente en vous, l’original, ou le clone possède-t-il ses propres signes distinctifs ?
Et qu’adviendrait-il si vous échangiez vos places, juste une journée, et que vous tâtiez d’une vie qui aurait pu être la vôtre dans un univers parallèle ?
« Je suis l’original. »
Ravi de faire ma connaissance, deuxième refrain. Si vous êtes celui qui lâche ou lance cette bombe, c’est peut-être que vous et votre clone avez échangé vos places et qu’ayant appris, sinon à aimer, du moins à apprécier et respecter le sujet/l’objet de l’affection de votre clone, vous vous sentez obligé d’avouer. Autant pour cette relation et ses chances de s’inscrire un jour dans la confiance. Vous avez volé, trompé, simulé. Espèce de faux frère ! Vous avez subverti la réalité de quelqu’un sans autorisation, et cette personne veut savoir pourquoi, qui a eu cette idée et ce que vous et votre clone tout aussi méprisable anticipez pour l’avenir.
Bien entendu, la réalité étant ce qu’elle est, frapper le premier ne donne pas toujours le résultat escompté, et la moitié de votre clone disposera d’une bombe à vous renvoyer en cloche, du genre :
« Je sais.»
Pat Cadigan*
viennent de transformer en bombes des avions civils, faisant vaciller nos
certitudes... Pat Cadigan, premier auteur de fiction à avoir traité des
bouleversements induits par la mise au point d’une interface corporelle entre l’homme et l’ordinateur – la fameuse « prise neurale » jusque-là tenue pour
acquise par la littérature cyberpunk – imaginait en 1996, lors de la conférence Word Bombs1, les « bombes verbales » qui menacent et menaceront bientôt la
tranquillité de tout un chacun. On est loin du carnage du World Trade Center et de ses enjeux humains et géopolitiques, bien sûr, mais les ondes de choc dont il est question n’en sont pas moins dévastatrices.
Où l’on voit que la boîte à outils science-fictive, loin de déréaliser le monde qui nous entoure, peut permettre au contraire de mieux l’appréhender...
N.M.
Des paroles qui vous explosent au nez. Des mots qui font l’effet d’une bombe. Intervenant ici au titre de la partie technologique du programme, je me suis efforcée de plancher très sérieusement sur le sujet. Les bombes sont des créations technologiques, somme toute ; et quant à moi, les mots me font vivre. Ainsi donc, des bombes. Verbales. Qui détonent. Avec un seul n.
La bombe verbale sera obligatoirement de nature explosive. Il devra y avoir éclats d’obus, dégâts, réparables ou pas. Elle provoquera un changement permanent, ainsi que de probables symptômes de stress post-traumatique. Toute bombe, quelle qu’elle soit, vous prend en général par surprise, mais ce n’est pas systématique. Il en existe certaines qu’on voit venir de loin, tout en sachant qu’on ne peut les éviter : où qu’on se trouve, on sera toujours au point d’impact.
Voilà qui colle bien à notre sujet. La bombe verbale est un missile thermique à tête chercheuse, et c’est VOUS qu’elle cherche. Une fois lancée/lâchée/projetée, elle ne s’arrête plus tant qu’elle n’a pas explosé, pour vous seul.
Elle est violente par nature. Son propulseur est un dessein, son déclencheur, la passion. Ce qui arme cette bombe, c’est la foi, la croyance : l’explosion est due à la collision entre ladite foi ou croyance et la réalité brute. La déflagration aura lieu que vous y croyiez ou pas – de la même façon que vous pouvez vous évertuer à répéter que la gravité n’existe pas, que c’est juste la Terre qui vous aspire... et pourtant, une chute du haut de l’Empire State Building ne vous en tuera pas moins.
Ce que la bombe verbale réduit à néant, c’est le sens ; confronté à la réalité, le sens peut se voir entièrement rasé. Les intentions, bonnes ou mauvaises, reviennent toutes au même dans la période qui suit l’explosion de la bombe. Elles pavent pareillement le chemin de l’enfer.
Jésus est mort pour nos péchés. J’ai toujours traduit : Jésus est mort par ta faute. Je répondais systématiquement : Jésus est mort et même sans moi, il se serait débrouillé pour trouver un prétexte.
De la même façon, les bombes – toutes les bombes – sont vouées à exploser. Elles ne perdent pas cette caractéristique parce que vous avez changé d’avis après les avoir jetées.
Alors, quel effet pour celles qui nous occupent ? J’ai tenté d’imaginer quelques bombes verbales, que chacun ou presque est susceptible d’entendre au fil d’une journée lambda. Cette première liste est subjective et non exhaustive.
« Je t’aime. »
Voilà qui possède toutes les caractéristiques nécessaires : c’est explosif ; une fois lâché, lancé ou projeté par l’autre, cela tend à induire un changement permanent dans le mode de relation entre les deux personnes (et particulièrement s’il y a PLUS de deux personnes).
« Vous êtes en état d’arrestation. »
Raté. En fait, cela relève plus de la mine antipersonnelle, en ce sens qu’on peut poser le pied ou sauter dessus à pieds joints sans le vouloir véritablement. Pour vertueux qu’on soit, ou veuille être, cette bombe-ci est vraiment à prendre avec des pincettes puisqu’elle peut présager quantité d’autres phrases encore moins douces aux oreilles.
« Je suis enceinte. »
Dans la bouche de votre amante, cela prend surtout l’aspect d’une bombe si vous êtes 1) vasectomisé ou 2) une autre femme. Mais même lorsque cette nouvelle est entièrement bienvenue, elle n’en reste pas moins explosive. Et quoi qu’il advienne ensuite, plus rien ne sera jamais comme avant, bien sûr. Susceptible d’être sauvé ? Peut-être. Comme avant ? Jamais.
« Votre test est positif. »
Ce qui vient après n’a presque aucune importance. C’est l’un des pires spécimens parce que, dans presque tous les autres contextes, « positif » implique quelque chose de bon. Qu’il s’agisse de vous-même, de votre amant(e), de votre enfant, d’un parent, de votre idole ou d’un inconnu assis de l’autre côté du couloir à la clinique, l’explosion semble se répercuter à l’infini, catastrophe post-moderne à petit feu.
Mais quid des bombes verbales de l’avenir ? Toutes les versions contemporaines auront sans doute encore droit de cité, bien sûr. Simplement, d’autres surgiront à leurs côtés. A l’instar de la précédente, cette liste ne se veut ni exhaustive, ni absolue, ni exacte à 100%. (Si vous ne jurez que par l’exhaustif, l’absolu, et l’exact à 100%, jetez-moi la première pierre. Dans le cas contraire, ôtez vos chaussures et détendez-vous.)
« Je t’ai cloné. »
Naturellement, puisqu’il s’agit d’une bombe, le clone sera un pirate ou une contrefaçon, imparfaite d’une façon ou d’une autre. Votre clone fera les quatre volontés du cloneur, volontés qui seront diamétralement opposées à toutes vos convictions ou tout ce qui vous tient à cœur. Vous aurez l’impression inimitable d’avoir été simultanément volé et violé ; au mieux, vous serez peut-être en mesure d’intenter un procès pour infraction aux lois sur le copyright. Vous ne trouverez pas ça détestable, le moment venu ?
« Je me suis cloné. »
Que deviennent les rapports amoureux dans cet avenir où l’on peut être simultanément monogame et polygame ? Réfléchissez à la version monogame, ou son équivalent. Quel que soit le type de relation que vous entretenez, chacune présente un certain degré d’engagement, de l’ordre de : « Oui, je veux bien l’admettre – devant toi du moins –, il y a une certaine forme de lien entre nous, pour l’instant et pour l’avenir tel que je peux l’envisager. »
Mais progressons encore d’une étape et considérons une forme de relation établie, à long terme, entre deux personnes – au moins deux, peut-être plus, je n’y vois pas d’inconvénient. Voici que l’une de ces personnes – pas vous – annonce : « Je me suis cloné. » Et vous savez que ce clone aura juste la charge des responsabilités professionnelles courantes, pour permettre à l’original de passer plus de temps avec vous ou le groupe familial. Le clone relève d’un autre monde.
C’est l’une de ces bombes classiques susceptibles de vous exploser à la figure dans le courant d’une vie. Cela signifie-t-il qu’une part de votre conjoint désire toujours être ailleurs, aurait souhaité qu’il n’y ait jamais rien entre vous ? A quoi ressemble le clone ? Est-il plus sexy, plus drôle, plus heureux, plus triste ? Et surtout, le clone et l’original se rencontrent-ils parfois, et échangent-ils leurs places respectives sans rien en dire à personne ?
« Je suis le clone. »
Variation sur une bombe. Cela fait-il de vous un sujet d’expérience, dont on peut se débarrasser au gré de sa fantaisie une fois qu’on ne le trouve plus amusant ni intéressant ?
« Tu es le clone. »
Depuis quand ? Combien d’autres personnes sont au courant, et pourquoi ne vous en a-t-on pas informé ? Il s’agit peut-être d’un canular cruel. Quand cela vous sautera aux yeux, vous serez malgré tout gagné par l’obsession de trouver votre soi-disant « original ».
« Je suis ton clone. »
Pleased to meet me2, pourvu que je devine mon nom – premier refrain. Impossible. Votre clone est censé posséder sa propre existence, que fabrique-t-il à vous ennuyer ainsi ? Comment être certain qu’il s’agit réellement de lui, et pas d’un simple petit escroc qui s’essaie à l’arnaque sur la base d’une ressemblance fortuite ? La similitude n’est pas frappante. Vous n’avez pas les yeux aussi petits, vous vous tenez bien mieux que lui – si bien que vous avez toujours semblé plus grand –, vos goûts et vos choix de taille en matière de vêtements sont bien supérieurs.
Que pourrait vouloir de vous votre clone ? Et s’il se révélait un tordu de première ? Beeeuuurk. Est-ce la manifestation d’une caractéristique déjà présente en vous, l’original, ou le clone possède-t-il ses propres signes distinctifs ?
Et qu’adviendrait-il si vous échangiez vos places, juste une journée, et que vous tâtiez d’une vie qui aurait pu être la vôtre dans un univers parallèle ?
« Je suis l’original. »
Ravi de faire ma connaissance, deuxième refrain. Si vous êtes celui qui lâche ou lance cette bombe, c’est peut-être que vous et votre clone avez échangé vos places et qu’ayant appris, sinon à aimer, du moins à apprécier et respecter le sujet/l’objet de l’affection de votre clone, vous vous sentez obligé d’avouer. Autant pour cette relation et ses chances de s’inscrire un jour dans la confiance. Vous avez volé, trompé, simulé. Espèce de faux frère ! Vous avez subverti la réalité de quelqu’un sans autorisation, et cette personne veut savoir pourquoi, qui a eu cette idée et ce que vous et votre clone tout aussi méprisable anticipez pour l’avenir.
Bien entendu, la réalité étant ce qu’elle est, frapper le premier ne donne pas toujours le résultat escompté, et la moitié de votre clone disposera d’une bombe à vous renvoyer en cloche, du genre :
« Je sais.»
Pat Cadigan*
Traduit par Nathalie Mège
(merci à Stéphanie Benson)
* Romancière américaine.
(1) Manifestation vouée à célébrer « toute écriture qui possède un effet instrumental sur le monde », dans laquelle intervenaient également Ronald Sukenick, Mark Amerika, l’auteur du Manifeste avant-pop, et de nombreux autres papiers ou multimédia travaillant autour de la sexualité, de la politique ou de la technologie.
(2) « Ravi de faire ma connaissance », clin d’œil à la chanson Sympathy For the Devil, des Rolling Stones, et titre d’un album des Replacements. (N.d.T.)
(merci à Stéphanie Benson)
* Romancière américaine.
(1) Manifestation vouée à célébrer « toute écriture qui possède un effet instrumental sur le monde », dans laquelle intervenaient également Ronald Sukenick, Mark Amerika, l’auteur du Manifeste avant-pop, et de nombreux autres papiers ou multimédia travaillant autour de la sexualité, de la politique ou de la technologie.
(2) « Ravi de faire ma connaissance », clin d’œil à la chanson Sympathy For the Devil, des Rolling Stones, et titre d’un album des Replacements. (N.d.T.)