Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace d’expression pour travailler, comme nous y enjoint Jean–Luc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore qu’un libre espace de parole, Notre Monde s’appuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°37 [novembre 2001 - décembre 2001]
© Passant n°37 [novembre 2001 - décembre 2001]
par Bernard Daguerre
Imprimer l'articleDeux regards sur le radicalisme des frontières
Deux regards sur le radicalisme des frontières à l’intérieur du genre noir : Jackson raconte un pan du mouvement ouvrier américain, et l’aller simple de la trahison au repentir. Woodrell s’attache dans un roman très littéraire à décrire l’univers des exclus du rêve américain.
Jon A. Jackson, Go by go (traduit de l’américain par Janine Hérisson, Série Noire, 344 p., 7,62 E (50F). Ce n’est certes pas la première fois que la vie de Dashiell Hammett est mise en pages par un auteur de roman noir américain (voir en particulier l’intéressant Hammett de Joe Gores dont Wim Wenders tira la matière d’un film plutôt médiocre), ce n’est pas davantage la première évocation de l’histoire du mouvement ouvrier américain dans un roman noir (des livres de Howard Fast à Martha la Rouge de Michael Collins). Jon A. Jackson, solide auteur de polars parus en Série Noire sur la ville de Detroit, réunit ici cette double approche. Il imagine un apprenti détective, Godwin Ryder, tout juste sorti de l’adolescence, chargé d’infiltrer l’organisation syndicale des mineurs dans une mine du Montana en 1917. La rencontre avec un syndicaliste révolutionnaire va bouleverser sa vie, même si le militant, traqué par les diverses bandes armées du capital (et en particulier la fameuse Agence Pinkerton), y laisse sa peau. Devenu un écrivain célèbre, Godwin va devoir revenir sur son passé à l’occasion des enquêtes autour de la « black list » quelques 34 ans plus tard. Roman d’apprentissage, livre sur la trahison et l’espérance ; fresque bâtie sur les meetings ouvriers et la description de paysages magnifiques éventrés par une industrialisation sans retenue, pages nostalgiques enfin sur la fin de vie d’un écrivain poitrinaire, c’est tout cela que Jackson réussit par l’émotion de son récit qui manie lyrisme et intimisme avec beaucoup de bonheur.
Daniel Woodrell, La fille aux cheveux rouges (traduit de l’américain par Frank Reichert, Rivages/Noir, 273 p., 59 F.). « Tu n’es pas un ange, tu sais donc comment ce genre de trucs arrive : vendredi, c’est jour de paie… tu cherches un peu de compagnie pour tromper ton ennui », c’est ainsi que débute le roman et tout bascule : lors d’un casse nocturne avorté de fin de semaine, alors qu’il est copieusement chargé à la bière et à la coke, Sammy Barlach, le narrateur, manœuvre dans une usine de nourriture pour chiens à West Table (Missouri), rencontre deux étranges et fascinants anges gardiens. Jason et sa sœur Jamelee vivent un quartier assez sordide où « la merde et la misère passent allégrement, circulant sans encombres et enduisant tout à la ronde, de fond en comble ». La distance avec les riches est plutôt grande, et les héros de ce roman glauque verront ce qu’il en coûte de se mesurer à eux. Dans ce récit écrit par un idiot, où les images cocasses ou provocatrices abondent, le ton passe de la nonchalance à la révolte ; plus qu’à l’univers de Jim Thomson, c’est à celui de romans comme La Conjuration des imbéciles ou le Seigneur des porcheries que Woodrell fait penser.
Jon A. Jackson, Go by go (traduit de l’américain par Janine Hérisson, Série Noire, 344 p., 7,62 E (50F). Ce n’est certes pas la première fois que la vie de Dashiell Hammett est mise en pages par un auteur de roman noir américain (voir en particulier l’intéressant Hammett de Joe Gores dont Wim Wenders tira la matière d’un film plutôt médiocre), ce n’est pas davantage la première évocation de l’histoire du mouvement ouvrier américain dans un roman noir (des livres de Howard Fast à Martha la Rouge de Michael Collins). Jon A. Jackson, solide auteur de polars parus en Série Noire sur la ville de Detroit, réunit ici cette double approche. Il imagine un apprenti détective, Godwin Ryder, tout juste sorti de l’adolescence, chargé d’infiltrer l’organisation syndicale des mineurs dans une mine du Montana en 1917. La rencontre avec un syndicaliste révolutionnaire va bouleverser sa vie, même si le militant, traqué par les diverses bandes armées du capital (et en particulier la fameuse Agence Pinkerton), y laisse sa peau. Devenu un écrivain célèbre, Godwin va devoir revenir sur son passé à l’occasion des enquêtes autour de la « black list » quelques 34 ans plus tard. Roman d’apprentissage, livre sur la trahison et l’espérance ; fresque bâtie sur les meetings ouvriers et la description de paysages magnifiques éventrés par une industrialisation sans retenue, pages nostalgiques enfin sur la fin de vie d’un écrivain poitrinaire, c’est tout cela que Jackson réussit par l’émotion de son récit qui manie lyrisme et intimisme avec beaucoup de bonheur.
Daniel Woodrell, La fille aux cheveux rouges (traduit de l’américain par Frank Reichert, Rivages/Noir, 273 p., 59 F.). « Tu n’es pas un ange, tu sais donc comment ce genre de trucs arrive : vendredi, c’est jour de paie… tu cherches un peu de compagnie pour tromper ton ennui », c’est ainsi que débute le roman et tout bascule : lors d’un casse nocturne avorté de fin de semaine, alors qu’il est copieusement chargé à la bière et à la coke, Sammy Barlach, le narrateur, manœuvre dans une usine de nourriture pour chiens à West Table (Missouri), rencontre deux étranges et fascinants anges gardiens. Jason et sa sœur Jamelee vivent un quartier assez sordide où « la merde et la misère passent allégrement, circulant sans encombres et enduisant tout à la ronde, de fond en comble ». La distance avec les riches est plutôt grande, et les héros de ce roman glauque verront ce qu’il en coûte de se mesurer à eux. Dans ce récit écrit par un idiot, où les images cocasses ou provocatrices abondent, le ton passe de la nonchalance à la révolte ; plus qu’à l’univers de Jim Thomson, c’est à celui de romans comme La Conjuration des imbéciles ou le Seigneur des porcheries que Woodrell fait penser.