Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace d’expression pour travailler, comme nous y enjoint Jean–Luc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore qu’un libre espace de parole, Notre Monde s’appuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°38 [janvier 2002 - février 2002]
© Passant n°38 [janvier 2002 - février 2002]
par Claude Corman
Imprimer l'articleEst-ce qu’on se regarde dans une glace en bois ?
Bruno Lavardez est guitariste flamenco. Nous avons fondé ensemble la Peña flamenca la Madruga il y a près de 10 ans. C’est au siège de la Peña que nous avons eu un soir cet entretien sur l’univers et l’imaginaire gitan.
Claude Corman : Bruno, pendant des siècles, l’origine des gitans demeura un mystère. Mais aujourd’hui la plupart des chercheurs semblent unanimes à reconnaître l’origine indienne des gitans. Or, tu penses, toi, que les gitans descendent d’une des dix tribus perdues d’Israël. Est-ce une vue personnelle ou cette filiation repose-t-elle sur une tradition ancienne ?
Bruno Lavardez : Les deux. D’après nos coutumes, enseignées depuis longtemps, nous rejoignons le monde antique d’Israël. La tradition préexistait à la migration des gitans de l’Inde. Que l’on soit croyant ou non, c’est l’enseignement des pères des pères. Et nous respectons la parole des anciens. On vient peut-être de l’Inde, mais dans le sens où l’on vient toujours d’ailleurs.
On vient toujours d’ailleurs. Ça me rappelle la blague juive : « Mon père est tailleur ».
L’origine indienne des gitans n’est pas fondamentale. L’Inde est un beau pays. C’est une grande philosophie. Mais le peuple calo n’est pas de là. Je vois les couleurs de l’Inde, toutes sortes de beautés, mais je n’y découvre aucune des traditions du peuple calo. Que nous ayons eu un brassage génétique en passant, c’est certain. On a vécu en Inde, on a pêché quelques truites dans l’Indus (je ne sais pas si on y trouve des truites). Mais en définitive, on vient de nulle part et de partout à la fois. Aujourd’hui, je suis en France, mais mes enfants ou les enfants de mon frère seront peut-être demain en Alaska.
En revenant sur la longue migration qui nous a conduit d’Inde en Europe et précisément en Espagne, l’essentiel est d’avoir gardé cette façon si singulière de garganter, de vivre cantando y bailando. Notre peine, notre manière de chanter ne vient pas du monde arabe, gitan ou juif. Elle vient de l’Orient et s’est nourrie des passages propres à notre condition de peuple nomade.
Tout le monde peut chanter une siguiriya. Mais une vraie siguiriya est gitane. Les Italiens ont chanté le flamenco, mais à la façon occidentale. La siguiriya est la première peine du monde flamenco. Le gitan l’amène avec lui. Elle a éclaté en Espagne, il y a 500 ans. Mais ni les Arabes ni les juifs ne chantent vraiment la siguiriya. Ils vont la chanter, mais pas avec cette chair de poule qui te cloue sur la chaise quand un gitan la chante. C’est autre chose qu’un chant, ou si c’est un chant, il remonte à des temps indéfinis.
La fréquence inhabituelle des noms de l’ancien Testament donnés aux enfants gitans (Abraham, Moïse, Nathanael, Jérémie, ou Sinaï...) est-il un signe de la proximité des traditions juives et gitanes ou est-ce un phénomène récent lié au poids de l’Église évangéliste dans les communautés gitanes ?
Les noms que nous avions avant notre arrivée en Espagne, nous ne les connaissons pas. Les sources linguistiques ont disparu. On ne pourra jamais savoir nos noms d’origine. Tu t’appelais Ibrahim ou Isaac, on te changeait de nom. Alors, oui, je crois que les églises évangélistes abusent des prénoms bibliques. Ils donnent des noms hébreux pour se rapprocher des temps bibliques, mais c’est très superficiel. Le nom ne suffit pas !
C’est comme quand j’entends tous ces jeunes gitans dire fièrement « Soy gitano ». Tout au plus peut-on se définir historiquement comme le peuple calo. Mais c’est l’Europe qui nous a nommés gitans. Gitans, gypsies, l’Egypte, la bohême, que sais-je ? Ce n’est pas notre nom. Soy gitano ! Qu’est-ce que ça veut dire ? Tu peux aussi dire « Soy toro ». Tous les toros sont toros.
Dans l’édit promulgué par Philippe V en octobre 1747, il est dit : « Ordre est donné de chasser les Gitans par le fer et par le feu. La Sainteté même des Temples pourra être violée afin de les poursuivre, les arrachant s’il le faut du pied des autels où ils parviendraient à trouver asile ! »
La violence de ces propos, les pogroms auxquels le souverain d’Espagne invite le peuple espagnol ont-ils laissé des traces indélébiles dans la mémoire gitane et comment ?
Oui, bien sûr et d’abord dans le langage, la langue maternelle. On coupait la langue des calos qui s’exprimaient dans leur langue d’origine. Alors, on ne sait plus très exactement ce que l’on parle de nos jours, le romanes, le calo ? La persécution a eu des conséquences durables sur la langue gitane. Le calo est littéralement une langue coupée. Et puis la persécution est toujours restée. Même si les temples ne sont plus bafoués pour les éliminer, les gitans inspirent toujours le rejet et sont imprégnés de ce rejet. L’esprit de la persécution, on le sent encore flotter de nos jours.
Quel était le danger gitan pour la monarchie catholique espagnole ?
Quelle menace, quel danger ? Ils ont décidé qu’il ne fallait pas laisser procréer les gitans. Pourquoi ? Parce que les gitans avaient d’autres rites, d’autres coutumes, une certaine obstination à rester gitans, qu’ils refusaient de vénérer les vierges que l’Église demandait au peuple d’idolâtrer. C’est à peu près tout. Les gitans n’ont jamais aspiré à prendre un quelconque pouvoir en Espagne ou ailleurs. Un peu de liberté. C’est tout ce que l’on demandait.
Le Roi d’Espagne Philippe V propose ni plus ni moins l’élimination des gitans, une sorte de « solution finale ». C’est plus qu’une discrimination.
On envoyait les gitans costauds servir dans les galères et ils prenaient les femmes qui ne se donnaient pas la mort. Ils se servaient d’eux et ils voulaient les exterminer. Où est la logique ?
Y a-t-il eu ou y a-t-il un rêve d’État gitan comme Herzl l’avait rêvé pour les Juifs à la fin du XIXe siècle, quand l’antisémitisme européen faisait rage ou la dispersion est-elle au cœur de la culture et de la vie gitanes ?
Le gitan est un nomade. Nous sommes passés de pays en pays, nous avons traversé des régions sans jamais être enfermés dans des carcans politiques. Bien sûr, j’ai rêvé d’avoir un État par la pensée, mais à quoi ça sert d’avoir un État, si c’est pour le perdre. Un État, c’est aussi des barrières, des défenses, des soldats, des frontières. L’être humain peut passer d’un lac à un autre, mais il ne peut pas franchir le barrage qui le fait couler. Quand tu vas d’un pré à un autre pré, s’il y a des barbelés, il faut les escalader, t’écorcher, te faire mal. A quoi bon ?
Mais l’absence de toute institution politique n’est-elle pas aussi une faiblesse ?
Il y a bien des représentations politiques du monde rom. Mais elles n’ont pas empêché de faire manger des petits tziganes par des chiens. On les avait accusés de voler. D’accord, mais les laisser dévorer par les chiens !
Le peuple gitan, qu’il soit ou non représenté, doit être rejeté à la mer. C’est un peuple paria !
Dans une mairie, un jour, on m’a dit : – Tu n’as rien à faire ici ! – Mais je suis français, ai-je dit. – Non, gitan !
Depuis la nuit des temps, nous traînons une malédiction qui nous fait aussi reconnaître les étincelles du bonheur, de la beauté. Tu manges du pain rassis et un jour tu as la chance de manger du pain frais.
Bruno, comment définirais-tu le racisme ? Pourquoi cette peur ou cette haine de l’étranger, du voyageur avec sa valise ou sa roulotte ? La biologie moderne a totalement réfuté les points de vue racistes qui établissaient des classements humains, des hiérarchies raciales et on a même découvert qu’il y avait davantage de variations génétiques entre deux Islandais qu’entre un Islandais et un Malien.
Comment comprendre alors cette pulsion raciste de la mise à l’écart, le choix fait a priori et sans conditions de la haine contre l’hospitalité ?
Elias Canetti dit de nous, êtres humains : « nous venons de très loin et nous nous portons vers trop peu ! » Est-ce que le racisme peut être décrit comme une courte vue, un défaut obstiné du regard à ne jamais se porter trop loin en arrière, vers la multitude des histoires humaines ?
Pour moi, l’être raciste est une personne malade. On se regarde, on n’est pas parfait : le nez, les oreilles, les jambes courtes. Le raciste est un être qui est malade de lui-même et comme il ne peut venir à bout de ses imperfections, il est malheureux, il a besoin des autres, de faire attention aux autres pour s’oublier, pour ne pas se mépriser. J’ai de la « compassion » pour les racistes. La base de l’être humain, c’est d’aller vers la clarté, le soleil, la poésie. On demande tous ça à la naissance. Dieu a permis cette beauté, quand tu chantes une buleria, quand tu fais une poésie, le bonheur est là ! Les propos racistes ne peuvent pas intéresser Dieu. Ils n’intéressent personne.
Pourtant, tu as souffert et tu souffres encore de ce regard raciste. Peut-on expliquer la survie illogique du racisme ?
Je te l’ai dit : ils se regardent dans la glace. Ils ont le nez trop gros, les oreilles décollées, le ventre tombant, la bite insuffisante. Ils sont en manque de quelque chose. Ils sont dans le malheur d’être. Et le plus fort, c’est qu’ils ne veulent pas s’en débarrasser, ils vivent de ça. C’est une terrible infirmité, profonde et somme toute assez vulgaire.
Pour toi, donc, le racisme n’est pas lié fondamentalement à la présence de l’autre. C’est bien plutôt une pathologie du Moi.
Eso es !
La question de la transmission, du relais d’une culture à travers des générations passantes, forcément éphémères est d’autant plus délicate quand la tradition se transmet essentiellement sur le mode oral.
Ne faudrait-il pas susciter au sein du monde gitan des hommes d’écrits, de témoignages, de science, capables de défendre la culture et les valeurs gitanes ?
Détrompe-toi ! La transmission orale est une grande force, une force inimaginable. C’est le soleil dans notre cœur. Si l’on n’a pas ça, on n’est plus rien. C’est une grande force poétique, elle habite en nous.
Ce que tu dis me rappelle la remarque d’un psychiatre juif, le Docteur Fritsch, après la mort de Papa : « Jeune homme, vous ne trouverez jamais dans les livres la lumière du regard de votre père ».
Les livres permettent cependant une transmission maîtrisée, un enseignement, des témoignages, des commentaires, une mémoire active, créatrice. On peut s’y référer à tout moment. Le besoin d’intellectuels gitans ne se fait-il pas sentir, dans une époque où l’identité gitane a bien du mal à réussir une assimilation créatrice ?
Il en faudrait, bien sûr, mais disons : Est-ce qu’ils resteraient eux-mêmes ? Là est la question. Parce que quand la chose est écrite, elle reste. L’écriture reste. Chaque verset de la Bible est un diamant à mille facettes. Dans la transmission orale, il y a toutes les lumières, toutes les facettes, pas une sélection ! Poètes, gitans, calos ! Je ne sais pas comment ils vont conserver cette lumière... Je ne peux pas te le dire !
Je pense à la génération de Lorca, d’Alberti, de Bergamin qui dans les années 20-30 a sauvegardé une part de la tradition flamenca, en organisant par exemple le concours de cante de Grenade. A cette occasion, beaucoup de choses intéressantes ont été écrites sur le cante jondo. Des coplas anciennes ou des genres musicaux en voie d’extinction ont été mis en sécurité, si j’ose dire, dans des livres.
Penses-tu que l’écriture soit condamnée à ôter une sorte de virginité, de clarté, de lumière à la tradition orale, à la parole vivante des ancêtres ?
Autrement dit, y a-t-il un risque de perversion ou de déclin du sens inhérent à la chose écrite, le risque par exemple de se perdre dans les subtilités et les délices de l’exégèse, dans les excès intellectuels de ce qu’autrefois on nomma, assez injustement à mon avis, le pharisaïsme ?
Quand ils arrivèrent en Espagne, certains gitans savaient lire et écrire. Mais l’État espagnol décréta l’interdiction de l’écriture gitane. Moi-même, je suis allé à l’école jusqu’à 14 ans. Je sais écrire, faire un chèque, mais dans mon esprit, je vais beaucoup plus loin.
Alors, est-ce qu’il le faudrait, est-ce qu’il faudrait des hommes d’écriture gitans ? Oui, il le faudrait, mais dans un monde meilleur ! Il faut rester secrets pour l’instant. On ne peut pas sortir du secret. Le monde n’est pas assez bon !
Je pense à la devise de Spinoza inscrite sur sa bague : Caute ! Tais-toi !
C’est ça. Restons secrets, vivons cachés ! Un jour, le monde méritera une expression plus libre.
Je repense aux guerres yougoslaves. Les grands oubliés de l’indignation internationale ont été les communautés roms. Comment expliquer l’absence d’émotion publique sur la funeste destinée des tziganes ? Est-ce que l’on n’est dignes d’être « parlés » par les autres que lorsque l’on a des représentants, des forces politiques et militaires, des aspirations nationales ?
Le poète yougoslave Rajko Duric a écrit un poème sur l’histoire d’un petit garçon de deux ans, Goran Matkovic, qui, mort d’une grave maladie n’a été porté en terre que six jours plus tard. Il fallut combattre pour avoir le droit de l’inhumer. Goran Matkovic était rom.
C’est absurde, c’est le néant complet. Que l’Église fasse ça ! Comment peut-on refuser l’inhumation dans la terre mère à un enfant afin que les vers aient raison de son corps ? Mais qu’est-ce que cette chrétienté ! Définis-moi le mot chrétien. C’est possible que des gens croient détenir la vérité en dissertant sur la Bible. Mais que ce soit un enfant de n’importe où, la raison d’être de Dieu est de le laisser reposer en paix dans la terre. Qui sont ces gens-là ? Ils font partie du néant ! Leur geste est incompréhensible. Au nom de quel droit ? Ou alors, il faut en revenir à la vieille histoire : celui qui tient les rênes du Monde, c’est le Diable, l’esprit du Mal. Tu vois un petit enfant mort, n’importe quel petit enfant mort, tu tombes à genoux, non !
Pour toi, Bruno, le Mal existe.
Le Mal prédomine de plus en plus dans le Monde. Heureusement qu’il y a encore des gens qui dialoguent ou qui écrivent !.. D’où vient la haine ? Le Mal est là. Dans tout, il y a le Mal !
Le Mal existe parce que l’être humain trouve le bonheur dans la complaisance du mal infligé. Demandjuk n’est qu’un être forcé. En se croyant heureux de faire le mal, il est lui-même un non-être poussé par des forces ennemies. Il vit dans les ténèbres du mal pour le mal. Pour le plaisir du mal, pour satisfaire l’être malfaisant du Diable, du Malin. Le Diable n’existe pas, mais Demandjuk ou d’autres le font exister.
Mais tout compte fait, ce sont eux qui perdent. Ils perdent leurs vies, un jour comme chacun de nous. Mais en plus ils restent des pauvres cons, des abrutis sanguinaires dans le jugement de l’Histoire.
Les gitans sont de plus en plus exposés à la disparition des petits métiers. Pour s’en tirer, ont-ils d’autres choix que le RMI, la délinquance ou les deux ?
La société française assiste aussi bien les gitans que les autres pauvres. De toutes manières, il y a trop de pauvres, aujourd’hui.
En revenant au monde gitan, on leur a enlevé la petite manne des poubelles avec les déchetteries. Certains gitans ramassaient jusqu’à 1 500 kg de ferraille. Soi-disant pour la propreté de l’environnement. Mais on ferme les décharges et on laisse les usines polluer et détruire la santé.
Oui, il faut l’instruction occidentale. Je serais fier que mes enfants ou ceux de mon frère deviennent médecins ou professeurs. Mais tous ne le seront pas. Arrêtons de mentir ! Alors quand on tue les petits métiers, le cuivre, les batteries, quand on enlève ça, c’est comme si on enlevait le pain de la bouche des enfants. Que fait le père ?
Avec 2 200 francs par mois, on ne donne pas à manger à ses enfants. Pourquoi faire ça ? J’aurais voulu comme musicien gagner ma vie avec la musique. Crois-moi que c’est autre chose que l’allocation de RMIste. Certains gitans font des conneries, c’est vrai, mais qu’on n’oublie pas la disparition des métiers traditionnels, la vannerie, le ramonage, la ferraille etc. De nos jours, il faut passer un brevet ou un bac pour démonter un gicleur de gaz. Les portes sont verrouillées. C’est désolant. Il faudrait tout de même voir un peu plus loin : un grand filet d’un côté et un petit poisson de l’autre !
Pour toi, Bruno, quel est le prix de la liberté ?
Je fais tout pour être libre et je le suis. Rien ne m’enlèvera la liberté. Si nous avons la liberté sans amour et l’amour sans liberté, nous n’arrivons à rien. Etre libre, c’est avoir l’amour en soi. Personne ne peut me l’empêcher. On m’enferme, on me coupe la tête, je serai toujours libre.
Le matin, mille choses m’oppressent, m’assaillent. C’est une souffrance de se lever chaque matin avec tant de questions qui bourdonnent sous ton crâne. Mais il y a cette liberté venue du fond des âges. Alors qu’est-ce que je vais faire aujourd’hui ? On en sourit. Je ne pourrai jamais être sérieux un seul jour de ma vie. Impossible ! Est-ce qu’on se regarde dans une glace en bois ?
Comment vois-tu l’avenir de notre Peña ?
L’avenir de la Peña ? Rien ne pourra la détrôner. La Peña, c’est un troisième être qui vit. Pour y arriver, que de difficultés ! Quand le maire de Saint Martory croyait que ça allait être les Saintes Maries de la Mer ! Et puis, non. Ça n’a pas été la catastrophe annoncée, le lieu de perdition, d’ivresse et de baston que les gens confusément imaginaient. Les gens ont fini par venir avec des mauvaises intentions et repartir avec des bonnes. Rien que pour ça, la Peña traversera les générations !
La Peña est un lieu de passage. Les gens accostent à un nouveau rivage. Par le flamenco, le vin, les tapas, les tableaux, les paroles sur les murs, quand on entre ici, il n’y a plus de conformisme. L’être humain se sent libre et égal. C’est le mystère du passage, de la Peña...
Dernière question : Qué te parece, maestro, lo mejor de la vida ?
Lo mejor de la vida es la libertad, es decir Buenos Días a la persona que yo quiero...
Bruno Lavardez et Claude Corman
Claude Corman : Bruno, pendant des siècles, l’origine des gitans demeura un mystère. Mais aujourd’hui la plupart des chercheurs semblent unanimes à reconnaître l’origine indienne des gitans. Or, tu penses, toi, que les gitans descendent d’une des dix tribus perdues d’Israël. Est-ce une vue personnelle ou cette filiation repose-t-elle sur une tradition ancienne ?
Bruno Lavardez : Les deux. D’après nos coutumes, enseignées depuis longtemps, nous rejoignons le monde antique d’Israël. La tradition préexistait à la migration des gitans de l’Inde. Que l’on soit croyant ou non, c’est l’enseignement des pères des pères. Et nous respectons la parole des anciens. On vient peut-être de l’Inde, mais dans le sens où l’on vient toujours d’ailleurs.
On vient toujours d’ailleurs. Ça me rappelle la blague juive : « Mon père est tailleur ».
L’origine indienne des gitans n’est pas fondamentale. L’Inde est un beau pays. C’est une grande philosophie. Mais le peuple calo n’est pas de là. Je vois les couleurs de l’Inde, toutes sortes de beautés, mais je n’y découvre aucune des traditions du peuple calo. Que nous ayons eu un brassage génétique en passant, c’est certain. On a vécu en Inde, on a pêché quelques truites dans l’Indus (je ne sais pas si on y trouve des truites). Mais en définitive, on vient de nulle part et de partout à la fois. Aujourd’hui, je suis en France, mais mes enfants ou les enfants de mon frère seront peut-être demain en Alaska.
En revenant sur la longue migration qui nous a conduit d’Inde en Europe et précisément en Espagne, l’essentiel est d’avoir gardé cette façon si singulière de garganter, de vivre cantando y bailando. Notre peine, notre manière de chanter ne vient pas du monde arabe, gitan ou juif. Elle vient de l’Orient et s’est nourrie des passages propres à notre condition de peuple nomade.
Tout le monde peut chanter une siguiriya. Mais une vraie siguiriya est gitane. Les Italiens ont chanté le flamenco, mais à la façon occidentale. La siguiriya est la première peine du monde flamenco. Le gitan l’amène avec lui. Elle a éclaté en Espagne, il y a 500 ans. Mais ni les Arabes ni les juifs ne chantent vraiment la siguiriya. Ils vont la chanter, mais pas avec cette chair de poule qui te cloue sur la chaise quand un gitan la chante. C’est autre chose qu’un chant, ou si c’est un chant, il remonte à des temps indéfinis.
La fréquence inhabituelle des noms de l’ancien Testament donnés aux enfants gitans (Abraham, Moïse, Nathanael, Jérémie, ou Sinaï...) est-il un signe de la proximité des traditions juives et gitanes ou est-ce un phénomène récent lié au poids de l’Église évangéliste dans les communautés gitanes ?
Les noms que nous avions avant notre arrivée en Espagne, nous ne les connaissons pas. Les sources linguistiques ont disparu. On ne pourra jamais savoir nos noms d’origine. Tu t’appelais Ibrahim ou Isaac, on te changeait de nom. Alors, oui, je crois que les églises évangélistes abusent des prénoms bibliques. Ils donnent des noms hébreux pour se rapprocher des temps bibliques, mais c’est très superficiel. Le nom ne suffit pas !
C’est comme quand j’entends tous ces jeunes gitans dire fièrement « Soy gitano ». Tout au plus peut-on se définir historiquement comme le peuple calo. Mais c’est l’Europe qui nous a nommés gitans. Gitans, gypsies, l’Egypte, la bohême, que sais-je ? Ce n’est pas notre nom. Soy gitano ! Qu’est-ce que ça veut dire ? Tu peux aussi dire « Soy toro ». Tous les toros sont toros.
Dans l’édit promulgué par Philippe V en octobre 1747, il est dit : « Ordre est donné de chasser les Gitans par le fer et par le feu. La Sainteté même des Temples pourra être violée afin de les poursuivre, les arrachant s’il le faut du pied des autels où ils parviendraient à trouver asile ! »
La violence de ces propos, les pogroms auxquels le souverain d’Espagne invite le peuple espagnol ont-ils laissé des traces indélébiles dans la mémoire gitane et comment ?
Oui, bien sûr et d’abord dans le langage, la langue maternelle. On coupait la langue des calos qui s’exprimaient dans leur langue d’origine. Alors, on ne sait plus très exactement ce que l’on parle de nos jours, le romanes, le calo ? La persécution a eu des conséquences durables sur la langue gitane. Le calo est littéralement une langue coupée. Et puis la persécution est toujours restée. Même si les temples ne sont plus bafoués pour les éliminer, les gitans inspirent toujours le rejet et sont imprégnés de ce rejet. L’esprit de la persécution, on le sent encore flotter de nos jours.
Quel était le danger gitan pour la monarchie catholique espagnole ?
Quelle menace, quel danger ? Ils ont décidé qu’il ne fallait pas laisser procréer les gitans. Pourquoi ? Parce que les gitans avaient d’autres rites, d’autres coutumes, une certaine obstination à rester gitans, qu’ils refusaient de vénérer les vierges que l’Église demandait au peuple d’idolâtrer. C’est à peu près tout. Les gitans n’ont jamais aspiré à prendre un quelconque pouvoir en Espagne ou ailleurs. Un peu de liberté. C’est tout ce que l’on demandait.
Le Roi d’Espagne Philippe V propose ni plus ni moins l’élimination des gitans, une sorte de « solution finale ». C’est plus qu’une discrimination.
On envoyait les gitans costauds servir dans les galères et ils prenaient les femmes qui ne se donnaient pas la mort. Ils se servaient d’eux et ils voulaient les exterminer. Où est la logique ?
Y a-t-il eu ou y a-t-il un rêve d’État gitan comme Herzl l’avait rêvé pour les Juifs à la fin du XIXe siècle, quand l’antisémitisme européen faisait rage ou la dispersion est-elle au cœur de la culture et de la vie gitanes ?
Le gitan est un nomade. Nous sommes passés de pays en pays, nous avons traversé des régions sans jamais être enfermés dans des carcans politiques. Bien sûr, j’ai rêvé d’avoir un État par la pensée, mais à quoi ça sert d’avoir un État, si c’est pour le perdre. Un État, c’est aussi des barrières, des défenses, des soldats, des frontières. L’être humain peut passer d’un lac à un autre, mais il ne peut pas franchir le barrage qui le fait couler. Quand tu vas d’un pré à un autre pré, s’il y a des barbelés, il faut les escalader, t’écorcher, te faire mal. A quoi bon ?
Mais l’absence de toute institution politique n’est-elle pas aussi une faiblesse ?
Il y a bien des représentations politiques du monde rom. Mais elles n’ont pas empêché de faire manger des petits tziganes par des chiens. On les avait accusés de voler. D’accord, mais les laisser dévorer par les chiens !
Le peuple gitan, qu’il soit ou non représenté, doit être rejeté à la mer. C’est un peuple paria !
Dans une mairie, un jour, on m’a dit : – Tu n’as rien à faire ici ! – Mais je suis français, ai-je dit. – Non, gitan !
Depuis la nuit des temps, nous traînons une malédiction qui nous fait aussi reconnaître les étincelles du bonheur, de la beauté. Tu manges du pain rassis et un jour tu as la chance de manger du pain frais.
Bruno, comment définirais-tu le racisme ? Pourquoi cette peur ou cette haine de l’étranger, du voyageur avec sa valise ou sa roulotte ? La biologie moderne a totalement réfuté les points de vue racistes qui établissaient des classements humains, des hiérarchies raciales et on a même découvert qu’il y avait davantage de variations génétiques entre deux Islandais qu’entre un Islandais et un Malien.
Comment comprendre alors cette pulsion raciste de la mise à l’écart, le choix fait a priori et sans conditions de la haine contre l’hospitalité ?
Elias Canetti dit de nous, êtres humains : « nous venons de très loin et nous nous portons vers trop peu ! » Est-ce que le racisme peut être décrit comme une courte vue, un défaut obstiné du regard à ne jamais se porter trop loin en arrière, vers la multitude des histoires humaines ?
Pour moi, l’être raciste est une personne malade. On se regarde, on n’est pas parfait : le nez, les oreilles, les jambes courtes. Le raciste est un être qui est malade de lui-même et comme il ne peut venir à bout de ses imperfections, il est malheureux, il a besoin des autres, de faire attention aux autres pour s’oublier, pour ne pas se mépriser. J’ai de la « compassion » pour les racistes. La base de l’être humain, c’est d’aller vers la clarté, le soleil, la poésie. On demande tous ça à la naissance. Dieu a permis cette beauté, quand tu chantes une buleria, quand tu fais une poésie, le bonheur est là ! Les propos racistes ne peuvent pas intéresser Dieu. Ils n’intéressent personne.
Pourtant, tu as souffert et tu souffres encore de ce regard raciste. Peut-on expliquer la survie illogique du racisme ?
Je te l’ai dit : ils se regardent dans la glace. Ils ont le nez trop gros, les oreilles décollées, le ventre tombant, la bite insuffisante. Ils sont en manque de quelque chose. Ils sont dans le malheur d’être. Et le plus fort, c’est qu’ils ne veulent pas s’en débarrasser, ils vivent de ça. C’est une terrible infirmité, profonde et somme toute assez vulgaire.
Pour toi, donc, le racisme n’est pas lié fondamentalement à la présence de l’autre. C’est bien plutôt une pathologie du Moi.
Eso es !
La question de la transmission, du relais d’une culture à travers des générations passantes, forcément éphémères est d’autant plus délicate quand la tradition se transmet essentiellement sur le mode oral.
Ne faudrait-il pas susciter au sein du monde gitan des hommes d’écrits, de témoignages, de science, capables de défendre la culture et les valeurs gitanes ?
Détrompe-toi ! La transmission orale est une grande force, une force inimaginable. C’est le soleil dans notre cœur. Si l’on n’a pas ça, on n’est plus rien. C’est une grande force poétique, elle habite en nous.
Ce que tu dis me rappelle la remarque d’un psychiatre juif, le Docteur Fritsch, après la mort de Papa : « Jeune homme, vous ne trouverez jamais dans les livres la lumière du regard de votre père ».
Les livres permettent cependant une transmission maîtrisée, un enseignement, des témoignages, des commentaires, une mémoire active, créatrice. On peut s’y référer à tout moment. Le besoin d’intellectuels gitans ne se fait-il pas sentir, dans une époque où l’identité gitane a bien du mal à réussir une assimilation créatrice ?
Il en faudrait, bien sûr, mais disons : Est-ce qu’ils resteraient eux-mêmes ? Là est la question. Parce que quand la chose est écrite, elle reste. L’écriture reste. Chaque verset de la Bible est un diamant à mille facettes. Dans la transmission orale, il y a toutes les lumières, toutes les facettes, pas une sélection ! Poètes, gitans, calos ! Je ne sais pas comment ils vont conserver cette lumière... Je ne peux pas te le dire !
Je pense à la génération de Lorca, d’Alberti, de Bergamin qui dans les années 20-30 a sauvegardé une part de la tradition flamenca, en organisant par exemple le concours de cante de Grenade. A cette occasion, beaucoup de choses intéressantes ont été écrites sur le cante jondo. Des coplas anciennes ou des genres musicaux en voie d’extinction ont été mis en sécurité, si j’ose dire, dans des livres.
Penses-tu que l’écriture soit condamnée à ôter une sorte de virginité, de clarté, de lumière à la tradition orale, à la parole vivante des ancêtres ?
Autrement dit, y a-t-il un risque de perversion ou de déclin du sens inhérent à la chose écrite, le risque par exemple de se perdre dans les subtilités et les délices de l’exégèse, dans les excès intellectuels de ce qu’autrefois on nomma, assez injustement à mon avis, le pharisaïsme ?
Quand ils arrivèrent en Espagne, certains gitans savaient lire et écrire. Mais l’État espagnol décréta l’interdiction de l’écriture gitane. Moi-même, je suis allé à l’école jusqu’à 14 ans. Je sais écrire, faire un chèque, mais dans mon esprit, je vais beaucoup plus loin.
Alors, est-ce qu’il le faudrait, est-ce qu’il faudrait des hommes d’écriture gitans ? Oui, il le faudrait, mais dans un monde meilleur ! Il faut rester secrets pour l’instant. On ne peut pas sortir du secret. Le monde n’est pas assez bon !
Je pense à la devise de Spinoza inscrite sur sa bague : Caute ! Tais-toi !
C’est ça. Restons secrets, vivons cachés ! Un jour, le monde méritera une expression plus libre.
Je repense aux guerres yougoslaves. Les grands oubliés de l’indignation internationale ont été les communautés roms. Comment expliquer l’absence d’émotion publique sur la funeste destinée des tziganes ? Est-ce que l’on n’est dignes d’être « parlés » par les autres que lorsque l’on a des représentants, des forces politiques et militaires, des aspirations nationales ?
Le poète yougoslave Rajko Duric a écrit un poème sur l’histoire d’un petit garçon de deux ans, Goran Matkovic, qui, mort d’une grave maladie n’a été porté en terre que six jours plus tard. Il fallut combattre pour avoir le droit de l’inhumer. Goran Matkovic était rom.
C’est absurde, c’est le néant complet. Que l’Église fasse ça ! Comment peut-on refuser l’inhumation dans la terre mère à un enfant afin que les vers aient raison de son corps ? Mais qu’est-ce que cette chrétienté ! Définis-moi le mot chrétien. C’est possible que des gens croient détenir la vérité en dissertant sur la Bible. Mais que ce soit un enfant de n’importe où, la raison d’être de Dieu est de le laisser reposer en paix dans la terre. Qui sont ces gens-là ? Ils font partie du néant ! Leur geste est incompréhensible. Au nom de quel droit ? Ou alors, il faut en revenir à la vieille histoire : celui qui tient les rênes du Monde, c’est le Diable, l’esprit du Mal. Tu vois un petit enfant mort, n’importe quel petit enfant mort, tu tombes à genoux, non !
Pour toi, Bruno, le Mal existe.
Le Mal prédomine de plus en plus dans le Monde. Heureusement qu’il y a encore des gens qui dialoguent ou qui écrivent !.. D’où vient la haine ? Le Mal est là. Dans tout, il y a le Mal !
Le Mal existe parce que l’être humain trouve le bonheur dans la complaisance du mal infligé. Demandjuk n’est qu’un être forcé. En se croyant heureux de faire le mal, il est lui-même un non-être poussé par des forces ennemies. Il vit dans les ténèbres du mal pour le mal. Pour le plaisir du mal, pour satisfaire l’être malfaisant du Diable, du Malin. Le Diable n’existe pas, mais Demandjuk ou d’autres le font exister.
Mais tout compte fait, ce sont eux qui perdent. Ils perdent leurs vies, un jour comme chacun de nous. Mais en plus ils restent des pauvres cons, des abrutis sanguinaires dans le jugement de l’Histoire.
Les gitans sont de plus en plus exposés à la disparition des petits métiers. Pour s’en tirer, ont-ils d’autres choix que le RMI, la délinquance ou les deux ?
La société française assiste aussi bien les gitans que les autres pauvres. De toutes manières, il y a trop de pauvres, aujourd’hui.
En revenant au monde gitan, on leur a enlevé la petite manne des poubelles avec les déchetteries. Certains gitans ramassaient jusqu’à 1 500 kg de ferraille. Soi-disant pour la propreté de l’environnement. Mais on ferme les décharges et on laisse les usines polluer et détruire la santé.
Oui, il faut l’instruction occidentale. Je serais fier que mes enfants ou ceux de mon frère deviennent médecins ou professeurs. Mais tous ne le seront pas. Arrêtons de mentir ! Alors quand on tue les petits métiers, le cuivre, les batteries, quand on enlève ça, c’est comme si on enlevait le pain de la bouche des enfants. Que fait le père ?
Avec 2 200 francs par mois, on ne donne pas à manger à ses enfants. Pourquoi faire ça ? J’aurais voulu comme musicien gagner ma vie avec la musique. Crois-moi que c’est autre chose que l’allocation de RMIste. Certains gitans font des conneries, c’est vrai, mais qu’on n’oublie pas la disparition des métiers traditionnels, la vannerie, le ramonage, la ferraille etc. De nos jours, il faut passer un brevet ou un bac pour démonter un gicleur de gaz. Les portes sont verrouillées. C’est désolant. Il faudrait tout de même voir un peu plus loin : un grand filet d’un côté et un petit poisson de l’autre !
Pour toi, Bruno, quel est le prix de la liberté ?
Je fais tout pour être libre et je le suis. Rien ne m’enlèvera la liberté. Si nous avons la liberté sans amour et l’amour sans liberté, nous n’arrivons à rien. Etre libre, c’est avoir l’amour en soi. Personne ne peut me l’empêcher. On m’enferme, on me coupe la tête, je serai toujours libre.
Le matin, mille choses m’oppressent, m’assaillent. C’est une souffrance de se lever chaque matin avec tant de questions qui bourdonnent sous ton crâne. Mais il y a cette liberté venue du fond des âges. Alors qu’est-ce que je vais faire aujourd’hui ? On en sourit. Je ne pourrai jamais être sérieux un seul jour de ma vie. Impossible ! Est-ce qu’on se regarde dans une glace en bois ?
Comment vois-tu l’avenir de notre Peña ?
L’avenir de la Peña ? Rien ne pourra la détrôner. La Peña, c’est un troisième être qui vit. Pour y arriver, que de difficultés ! Quand le maire de Saint Martory croyait que ça allait être les Saintes Maries de la Mer ! Et puis, non. Ça n’a pas été la catastrophe annoncée, le lieu de perdition, d’ivresse et de baston que les gens confusément imaginaient. Les gens ont fini par venir avec des mauvaises intentions et repartir avec des bonnes. Rien que pour ça, la Peña traversera les générations !
La Peña est un lieu de passage. Les gens accostent à un nouveau rivage. Par le flamenco, le vin, les tapas, les tableaux, les paroles sur les murs, quand on entre ici, il n’y a plus de conformisme. L’être humain se sent libre et égal. C’est le mystère du passage, de la Peña...
Dernière question : Qué te parece, maestro, lo mejor de la vida ?
Lo mejor de la vida es la libertad, es decir Buenos Días a la persona que yo quiero...
Bruno Lavardez et Claude Corman
* Guitariste, il vient d’enregistrer un magnifique album, Noche muy flamenca en la Madruga, que vous pouvez vous procurer en écrivant à la rédaction et en nous adressant un chèque de 15,24 E
** Auteur de Sur la piste des Marranes, de Sefarad à Seattle, Coll. Poches de résistance, éd. du Passant, 2000 13,5 E.
*** Tendance Floue.
** Auteur de Sur la piste des Marranes, de Sefarad à Seattle, Coll. Poches de résistance, éd. du Passant, 2000 13,5 E.
*** Tendance Floue.