Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace d’expression pour travailler, comme nous y enjoint Jean–Luc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore qu’un libre espace de parole, Notre Monde s’appuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°38 [janvier 2002 - février 2002]
© Passant n°38 [janvier 2002 - février 2002]
par Bernard Daguerre
Imprimer l'articleAux deux extrêmes de la vitalité cinématographique
La France et l’Extrême OrientDans la France du Sud-Ouest, apparaît un trio de jeunes cinéastes. Et d’abord à tout seigneur tout honneur, Alain Giraudie, auteur de Ce vieux rêve qui bouge. Rien de plus banalement contemporain comme trame, mais rarement montrée à l’écran, que celle d’un ouvrier venu démonter quelques machines dans une usine condamnée à la fermeture, que hantent les rares silhouettes des derniers ouvriers restés sur le site, ainsi que celle d’un col blanc, contremaître ou patron, on ne sait. Quelques superbes plans fixes, toujours les mêmes, d’une friche industrielle, de hangars déserts, et de quelques pièces à dessouder. Le dernier quarteron de prolétaires tue l’ennui en buvant, beaucoup, en tapant le carton, en rodant autour du démonteur. Le ballet ouvrier tourne aussi à l’homosexualité latente, autour d’une douche moins évocatrice que celle où Roger Hanin venait tenter sa chance auprès du tendre Delon dans Rocco et ses frères. Non, ici le désir attrapé par l’extrémité de ces étranges pièces de métal se lit et se dit franchement. C’est triste et joyeux comme un vieux monde qui s’en va vers sa fin, dans une très belle dernière scène, où les héros fatigués, comme ceux d’un vieux western de Peckinpah ou de Randolph Scott, partent vers leur destinée.
Du Tarn ouvrier on passe à la Haute-Vienne paysanne : un adolescent au crane rasé, David, y affiche son mal de vivre et sa révolte. Le souffle de Damien Odoul raconte le rite de passage, beuverie et petite chevauchée sanglante à l’appui, du garçon, soutenu par un groupe de paysans aussi bien croqués que la fratrie des Goupi filmée par Jacques Becker, il y a bien longtemps. Le souffle, c’est celui de la vie animale (le mouton égorgé pour le méchoui, les loups qui peuplent les rêves oniriques de David), et un élan original vers la vie, les mots pour le dire sont banals, mais les images de ce beau film en noir et blanc ne le sont certainement pas.
C’est encore du côté de Gaillac qu’Yves Caumon évoque un improbable Amour d’enfance. Un étudiant attardé, finement interprété par Mathieu Amalric, se penche sur son passé rural, à jamais disparu. Cela donne une œuvre mélancolique et douce, où la vitalité des seconds rôles est à l’image de Bernard Blancan, qui campe avec finesse un personnage de doux idiot de village collectionneur de coquillages.
De Kinji Fukasaku, cinéaste japonais de l’ultra violence et des films de yakusa, on avait apprécié en France, il y a une quinzaine d’années, un film glamour, Le Lézard Noir, où Mishima le sulfureux et fasciste écrivain, incarnait un amant de cire de la superbe héroïne, développant, statufié, sa belle plastique dont on sait qu’il était très fier. Battle Royale est un « remake » nippon des Chasses du Comte Zarof, où une classe de 40 lycéens doit s’affronter à mort sur une île de quelques hectares dans un jeu télévisé où le dernier survivant aura la vie sauve. Ce jeu de massacre est arbitré par « Beat » (c’est son nom de scène) Takeshi Kitano, professeur chahuté qui trouve ici une revanche voluptueuse sur tous ces jeunes écervelés qui l’ont tant fait souffrir. Il faut le voir dans la salle de classe quadrillée par l’armée où il expose les règles du jeu de massacre et fait quelques cartons, pour l’exemple, sur les écoliers terrifiés. La suite du film n’est peut-être pas à la hauteur de l’introduction, mais ce film kitch vaut le détour par les salles obscures qui le programment.
J’ai moins aimé Time and Tide, une Hong-Kongerie du maître du cinéma d’action de là-bas, Tsui- Hark. Dans le genre parodique, John Woo est plus à mon goût.
J’ai gardé pour la bonne bouche Millennium Mambo du Taiwanais Hou Hsiao-Hsien. Dans les boîtes technos, les appartements minuscules, les chambres d’hôtel maussades, Vicki, l’héroïne, promène sa beauté translucide et un peu intemporelle. Manipulée tout à tour par un jeune dealer macho et un gangster mûrissant, elle incarne l’indicible du temps qui fut et qui fuit, un grand moment de splendeur cinématographique.
Du Tarn ouvrier on passe à la Haute-Vienne paysanne : un adolescent au crane rasé, David, y affiche son mal de vivre et sa révolte. Le souffle de Damien Odoul raconte le rite de passage, beuverie et petite chevauchée sanglante à l’appui, du garçon, soutenu par un groupe de paysans aussi bien croqués que la fratrie des Goupi filmée par Jacques Becker, il y a bien longtemps. Le souffle, c’est celui de la vie animale (le mouton égorgé pour le méchoui, les loups qui peuplent les rêves oniriques de David), et un élan original vers la vie, les mots pour le dire sont banals, mais les images de ce beau film en noir et blanc ne le sont certainement pas.
C’est encore du côté de Gaillac qu’Yves Caumon évoque un improbable Amour d’enfance. Un étudiant attardé, finement interprété par Mathieu Amalric, se penche sur son passé rural, à jamais disparu. Cela donne une œuvre mélancolique et douce, où la vitalité des seconds rôles est à l’image de Bernard Blancan, qui campe avec finesse un personnage de doux idiot de village collectionneur de coquillages.
De Kinji Fukasaku, cinéaste japonais de l’ultra violence et des films de yakusa, on avait apprécié en France, il y a une quinzaine d’années, un film glamour, Le Lézard Noir, où Mishima le sulfureux et fasciste écrivain, incarnait un amant de cire de la superbe héroïne, développant, statufié, sa belle plastique dont on sait qu’il était très fier. Battle Royale est un « remake » nippon des Chasses du Comte Zarof, où une classe de 40 lycéens doit s’affronter à mort sur une île de quelques hectares dans un jeu télévisé où le dernier survivant aura la vie sauve. Ce jeu de massacre est arbitré par « Beat » (c’est son nom de scène) Takeshi Kitano, professeur chahuté qui trouve ici une revanche voluptueuse sur tous ces jeunes écervelés qui l’ont tant fait souffrir. Il faut le voir dans la salle de classe quadrillée par l’armée où il expose les règles du jeu de massacre et fait quelques cartons, pour l’exemple, sur les écoliers terrifiés. La suite du film n’est peut-être pas à la hauteur de l’introduction, mais ce film kitch vaut le détour par les salles obscures qui le programment.
J’ai moins aimé Time and Tide, une Hong-Kongerie du maître du cinéma d’action de là-bas, Tsui- Hark. Dans le genre parodique, John Woo est plus à mon goût.
J’ai gardé pour la bonne bouche Millennium Mambo du Taiwanais Hou Hsiao-Hsien. Dans les boîtes technos, les appartements minuscules, les chambres d’hôtel maussades, Vicki, l’héroïne, promène sa beauté translucide et un peu intemporelle. Manipulée tout à tour par un jeune dealer macho et un gangster mûrissant, elle incarne l’indicible du temps qui fut et qui fuit, un grand moment de splendeur cinématographique.