Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace d’expression pour travailler, comme nous y enjoint Jean–Luc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore qu’un libre espace de parole, Notre Monde s’appuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°39 [mars 2002 - avril 2002]
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par Aarrg
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Aarrg (Apprentis Agitateurs pour un Réseau de Résistance Globale) vient de fêter sa première année d’existence : l’occasion de dresser le bilan de l’exercice en cours et d’esquisser quelques perspectives.
Résister
A l’origine d’Aarrg, il y eut la volonté de relayer le mouvement de résistance généralisé à la globalisation ultra-libérale et financière, apparu à Seattle en 1999. Aarrg est ainsi né il y a un peu plus d’un an, à la suite du contre-sommet manifestant de Nice, qui avait permis de constater l’existence d’un décalage relatif entre une mobilisation internationale déjà largement structurée et une mobilisation nationale forte mais plus éparse. Une place était à prendre, ou plutôt à définir, sur l’exemple d’organisations italiennes (notamment Ya Basta1 et les Invisibles2), espagnoles (Movimiento de Resistencia Global3) ou anglo-saxonnes (Direct action Network4, Reclaim the Streets5) : autant d’organisations dont les points communs étaient la jeunesse de leurs militants, le caractère pluri-thématique ou « global » de leur champ d’intervention, leur internationalisme et l’extrême créativité de leurs modes d’actions. A travers elles, des marionnettes, des tripodes, des déguisements, des combattants désobéissants, des impertinences, des occupations des lieux de pouvoir, des ré-appropriations festives de la rue sont apparus. Contre les effets locaux bien réels d’une logique mondiale diffuse aux mécanismes discrets, il s’agit à chaque fois de trouver et d’inventer les occasions d’une désobéissance civile : pour jouer les empêcheurs de mondialiser en rond, pour témoigner sans relâche de l’exercice d’une vigilance citoyenne et d’une résistance active à l’emprise démesurée du pouvoir économique sur nos sociétés.
Inventer et agir
La mondialisation en cours est faite de déréglementation des échanges, d’uniformisation des modes de vie et de régression sociale et culturelle. En arguant d’un impératif d’efficacité économique qui n’offrirait pas d’autre choix, elle se présente comme une fatalité macro-économique, elle encourage la résignation collective et profite d’une opinion publique souvent en proie à la sous-information, voire à la désinformation. Mais elle résulte aussi, dans une certaine mesure, de prises de décisions déterminées, elle a ses acteurs qui sont identifiables et qui redoutent le scandale. Partant de ce constat et pariant sur les possibles d’une démocratie vivante et conflictuelle au besoin, on peut alors élaborer une stratégie d’action à double entrée : il faut à la fois dénoncer des prises de décisions et traduire une mondialisation toujours plus ou moins abstraite en situations concrètes, en formes d’exploitation et d’exclusion.
Il faut alors investir des terrains d’intervention délaissés pour transformer des réalités méconnues ou tues en scandales, pour créer des gains de visibilités qui permettent de les dénoncer et de montrer une résistance qui s’y oppose. En prenant acte des analyses de groupes d’étude et de réflexion comme Attac6 et Corporate Watch7, ou plus spécialisés comme ASEED8, il est ainsi possible d’élaborer des stratégies d’actions et de discours ciblées et animées d’une dynamique symbolique capable de susciter un fort relais médiatique.
Il s’agit donc de compléter les formes de lutte existantes en forgeant des outils inédits, conçus en vue d’actions non violentes, spectaculaires et parfois festives. Aarrg est un laboratoire militant qui s’efforce d’inventer et de tester de nouveaux modes d’action et d’expression politique, dans un esprit créatif souvent ludique et parfois jouissif. Nos moyens d’actions sont la perturbation ou l’occupation matérielle de l’espace public le temps d’actions déterminées, préparées et ciblées ; nous construisons des machines, détournons des images, bloquons et re-décorons les lieux de pouvoir et les boutiques de la mondialisation. Contre cet usage de l’impertinence critique et symbolique, les adversaires n’offrent bien souvent qu’une réponse maladroite et apparaissent ainsi comme ce qu’ils sont véritablement : les vecteurs de la véritable violence – politique, économique et sociale.
Une résistance globalisée passe nécessairement par une participation active aux contre-sommets, qui sont autant de lieux de rencontres, de réflexions et d’actions. Aarrg était ainsi présent à Gênes en juillet 2001, organisant une randonnée transalpine symbolique (« Vaincre les sommets »), s’efforçant de trouver et de défendre des espaces de liberté au sein d’un dispositif policier fascisant, ultra-violent et manipulateur au besoin. A Bruxelles en décembre, nous nous sommes transformés en Robin des Bois pour dénoncer l’Europe-forteresse de la noblesse économique, nous avons aussi défilé pour dénoncer la politique de fichage des « hooligans politiques » mise en œuvre au sein de la Communauté européenne. Au dernier Forum Social Mondial de Porto Alegre, plus naturellement dédié aux rencontres et à la réflexion, Aarrg a participé à la préparation et à la tenue d’un atelier international sur les pratiques de lutte, qui a finalement donné naissance à Intergalaktika, un vaste réseau de coordination de résistance à la mondialisation libérale. Le prochain « May Day » devrait être la première occasion de mettre réellement en œuvre ce réseau international pour des actions entreprises ensemble, contre une même cible, simultanément et en des lieux différents. Des journées internationales de mobilisation et d’actions directes contre une multinationale choisie sont aussi envisagées.
Entre ces grandes échéances de mobilisation, des actions intermédiaires sont préparées et mises en œuvre. Les occasions et les cibles sont choisies en fonction de l’actualité des luttes (dénonciation de la criminalisation des luttes aux côtés de la Confédération Paysanne à Montpellier, actions de solidarité aux côtés des précaires de la restauration rapide à Paris), ou des opportunités médiatiques. L’occupation du génoplante d’Evry en mai 2001 par une armée de José Bové clonés a été l’occasion de dénoncer la politique française en matière d’OGM ; les occupations festives de centres commerciaux parisiens en juin et décembre 2001, aux côtés de syndicalistes locaux, ont permis d’intéressants coups de projecteur sur le développement rapide de la précarité de l’emploi dans ces secteurs. A Toulouse, en janvier, les méfaits de Total ont été rappelés à l’occasion du passage du Paris-Dakar qu’il sponsorise.
La théorie s’élabore dans la pratique : chaque action s’accompagne de la rédaction d’Aarrgu-ments circonstanciés qui exposent griefs et mobiles, où les concepts critiques s’éprouvent dans la pratique des luttes. Ces Aarrguments sont mis à la disposition des esprits curieux sous une forme papier-plié. Les actions, par l’agitation qu’elles suscitent, par leur exposition critique et par leur retentissement médiatique possible, deviennent ainsi parlantes. Elles permettent d’articuler le langage d’une résistance autour d’agitations visibles, bruyantes et réfléchies.
Exister
Sans programme préconçu, notre histoire s’est écrite comme elle s’est faite, au gré des rencontres et des occasions. Présent à Nantes, Marseille, Toulouse, Lyon et Paris, Aarrg fonctionne en réseau informel et sans statut légal déposé. Sans affiliation partisane ni doctrine préétablie, Aarrg s’efforce de multiplier les rencontres et les liens horizontaux : nous nous concevons comme un élément d’action d’un réseau qui a la cohérence de sa résistance, cohérence que nos actions manifestent et rendent visible. Notre mode d’action, non-violent et spectaculaire, n’est qu’une composante au sein d’une diversité de tactiques de résistance ; si ses limites sont peut-être celles de l’impact médiatique de chacune de ses manifestations, sa force réside sans doute dans sa créativité et dans l’expression concrète et démocratique de ses révoltes.
Aarrg se monte en kit : www.aarrg.org
Résister
A l’origine d’Aarrg, il y eut la volonté de relayer le mouvement de résistance généralisé à la globalisation ultra-libérale et financière, apparu à Seattle en 1999. Aarrg est ainsi né il y a un peu plus d’un an, à la suite du contre-sommet manifestant de Nice, qui avait permis de constater l’existence d’un décalage relatif entre une mobilisation internationale déjà largement structurée et une mobilisation nationale forte mais plus éparse. Une place était à prendre, ou plutôt à définir, sur l’exemple d’organisations italiennes (notamment Ya Basta1 et les Invisibles2), espagnoles (Movimiento de Resistencia Global3) ou anglo-saxonnes (Direct action Network4, Reclaim the Streets5) : autant d’organisations dont les points communs étaient la jeunesse de leurs militants, le caractère pluri-thématique ou « global » de leur champ d’intervention, leur internationalisme et l’extrême créativité de leurs modes d’actions. A travers elles, des marionnettes, des tripodes, des déguisements, des combattants désobéissants, des impertinences, des occupations des lieux de pouvoir, des ré-appropriations festives de la rue sont apparus. Contre les effets locaux bien réels d’une logique mondiale diffuse aux mécanismes discrets, il s’agit à chaque fois de trouver et d’inventer les occasions d’une désobéissance civile : pour jouer les empêcheurs de mondialiser en rond, pour témoigner sans relâche de l’exercice d’une vigilance citoyenne et d’une résistance active à l’emprise démesurée du pouvoir économique sur nos sociétés.
Inventer et agir
La mondialisation en cours est faite de déréglementation des échanges, d’uniformisation des modes de vie et de régression sociale et culturelle. En arguant d’un impératif d’efficacité économique qui n’offrirait pas d’autre choix, elle se présente comme une fatalité macro-économique, elle encourage la résignation collective et profite d’une opinion publique souvent en proie à la sous-information, voire à la désinformation. Mais elle résulte aussi, dans une certaine mesure, de prises de décisions déterminées, elle a ses acteurs qui sont identifiables et qui redoutent le scandale. Partant de ce constat et pariant sur les possibles d’une démocratie vivante et conflictuelle au besoin, on peut alors élaborer une stratégie d’action à double entrée : il faut à la fois dénoncer des prises de décisions et traduire une mondialisation toujours plus ou moins abstraite en situations concrètes, en formes d’exploitation et d’exclusion.
Il faut alors investir des terrains d’intervention délaissés pour transformer des réalités méconnues ou tues en scandales, pour créer des gains de visibilités qui permettent de les dénoncer et de montrer une résistance qui s’y oppose. En prenant acte des analyses de groupes d’étude et de réflexion comme Attac6 et Corporate Watch7, ou plus spécialisés comme ASEED8, il est ainsi possible d’élaborer des stratégies d’actions et de discours ciblées et animées d’une dynamique symbolique capable de susciter un fort relais médiatique.
Il s’agit donc de compléter les formes de lutte existantes en forgeant des outils inédits, conçus en vue d’actions non violentes, spectaculaires et parfois festives. Aarrg est un laboratoire militant qui s’efforce d’inventer et de tester de nouveaux modes d’action et d’expression politique, dans un esprit créatif souvent ludique et parfois jouissif. Nos moyens d’actions sont la perturbation ou l’occupation matérielle de l’espace public le temps d’actions déterminées, préparées et ciblées ; nous construisons des machines, détournons des images, bloquons et re-décorons les lieux de pouvoir et les boutiques de la mondialisation. Contre cet usage de l’impertinence critique et symbolique, les adversaires n’offrent bien souvent qu’une réponse maladroite et apparaissent ainsi comme ce qu’ils sont véritablement : les vecteurs de la véritable violence – politique, économique et sociale.
Une résistance globalisée passe nécessairement par une participation active aux contre-sommets, qui sont autant de lieux de rencontres, de réflexions et d’actions. Aarrg était ainsi présent à Gênes en juillet 2001, organisant une randonnée transalpine symbolique (« Vaincre les sommets »), s’efforçant de trouver et de défendre des espaces de liberté au sein d’un dispositif policier fascisant, ultra-violent et manipulateur au besoin. A Bruxelles en décembre, nous nous sommes transformés en Robin des Bois pour dénoncer l’Europe-forteresse de la noblesse économique, nous avons aussi défilé pour dénoncer la politique de fichage des « hooligans politiques » mise en œuvre au sein de la Communauté européenne. Au dernier Forum Social Mondial de Porto Alegre, plus naturellement dédié aux rencontres et à la réflexion, Aarrg a participé à la préparation et à la tenue d’un atelier international sur les pratiques de lutte, qui a finalement donné naissance à Intergalaktika, un vaste réseau de coordination de résistance à la mondialisation libérale. Le prochain « May Day » devrait être la première occasion de mettre réellement en œuvre ce réseau international pour des actions entreprises ensemble, contre une même cible, simultanément et en des lieux différents. Des journées internationales de mobilisation et d’actions directes contre une multinationale choisie sont aussi envisagées.
Entre ces grandes échéances de mobilisation, des actions intermédiaires sont préparées et mises en œuvre. Les occasions et les cibles sont choisies en fonction de l’actualité des luttes (dénonciation de la criminalisation des luttes aux côtés de la Confédération Paysanne à Montpellier, actions de solidarité aux côtés des précaires de la restauration rapide à Paris), ou des opportunités médiatiques. L’occupation du génoplante d’Evry en mai 2001 par une armée de José Bové clonés a été l’occasion de dénoncer la politique française en matière d’OGM ; les occupations festives de centres commerciaux parisiens en juin et décembre 2001, aux côtés de syndicalistes locaux, ont permis d’intéressants coups de projecteur sur le développement rapide de la précarité de l’emploi dans ces secteurs. A Toulouse, en janvier, les méfaits de Total ont été rappelés à l’occasion du passage du Paris-Dakar qu’il sponsorise.
La théorie s’élabore dans la pratique : chaque action s’accompagne de la rédaction d’Aarrgu-ments circonstanciés qui exposent griefs et mobiles, où les concepts critiques s’éprouvent dans la pratique des luttes. Ces Aarrguments sont mis à la disposition des esprits curieux sous une forme papier-plié. Les actions, par l’agitation qu’elles suscitent, par leur exposition critique et par leur retentissement médiatique possible, deviennent ainsi parlantes. Elles permettent d’articuler le langage d’une résistance autour d’agitations visibles, bruyantes et réfléchies.
Exister
Sans programme préconçu, notre histoire s’est écrite comme elle s’est faite, au gré des rencontres et des occasions. Présent à Nantes, Marseille, Toulouse, Lyon et Paris, Aarrg fonctionne en réseau informel et sans statut légal déposé. Sans affiliation partisane ni doctrine préétablie, Aarrg s’efforce de multiplier les rencontres et les liens horizontaux : nous nous concevons comme un élément d’action d’un réseau qui a la cohérence de sa résistance, cohérence que nos actions manifestent et rendent visible. Notre mode d’action, non-violent et spectaculaire, n’est qu’une composante au sein d’une diversité de tactiques de résistance ; si ses limites sont peut-être celles de l’impact médiatique de chacune de ses manifestations, sa force réside sans doute dans sa créativité et dans l’expression concrète et démocratique de ses révoltes.
Aarrg se monte en kit : www.aarrg.org