Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace d’expression pour travailler, comme nous y enjoint Jean–Luc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore qu’un libre espace de parole, Notre Monde s’appuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°42 [septembre 2002 - octobre 2002]
© Passant n°42 [septembre 2002 - octobre 2002]
par Cédric Jaburek
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Un séjour au bordel
(synopsis pour un film qui ne sera jamais tourné – sur un film qui n’aurait jamais dû être tourné)1
Personnages
Joséphine, artiste groenlandaise, 40 ans, féministe déclarée, elle entend des « voix ».
Nadia, prostituée moldave, 28 ans qu’elle ne fait pas, exerçant pour son propre compte dans un bordel à la frontière allemande.
Clovic, jeune interprète syldave ayant été engagé par Joséphine comme homme à tout faire. Sa docilité convient parfaitement à Joséphine.
Vera, tenancière du bordel, contrairement à la majorité des syldaves elle ne méprise pas les étrangers. Leur argent non plus.
M. le Principal, homme politique local aux grandes ambitions. Il tentera d’orienter le reportage de la vidéaste de façon à en contrôler le contenu, il ne se doute pas que sa prestation sera évacuée au montage.
Des policiers. Des prostituées. Des clients. Des maqueraux.
Un diseur de bonne aventure tzigane.
Introduction
Joséphine, vidéaste artistique, a reçu beaucoup d’argent d’une institution anonyme pour faire un travail sur les femmes (et, pourquoi pas, le corps). Un soir, dans un hôtel international, elle entend des sons provenant de la chambre d’à côté. Elle écoute attentivement. Il s’agit apparemment d’un couple en train de faire l’amour. Au moment de l’orgasme, il lui semble entendre comme un pleur. Une voix lui souffle alors son sujet : « Pourquoi les femmes, au moment de jouir, pleurent-elles » ? Elle décide de partir en Syldavie pour interroger les prostituées.
Séquence 1
Avec Clovic sur une route enneigée. Elle lui demande, sans succés, d’aborder les filles sur les restos-routes. Clovic est très impressionné. Il a peur des maqueraux et des filles qui l’insultent dès qu’il leur demande à les interviewer. Par où commencer ? Ils choisissent un hôtel modeste dont l’enseigne lumineuse est la moins criarde.
Séquence 2
Clovic commande deux chambres séparées malgré le souhait de Joséphine de faire des économies. Elle est toute excitée à la vue de quatres filles outrageusement maquillées assises devant la vitrine donnant sur l’extérieur. Elle aimerait les filmer, ce à quoi elles réagissent en criant et en s’éparpillant dans la pièce. Clovic est obligé d’officialiser leur présence et explique à la tenancière les projets de Joséphine. Vera inspire confiance, elle pourrait être aussi bien une vendeuse de chaussures. Elle respecte tous ses clients. Elle leur promet de leur faire rencontrer Nadia qui pourrait se prêter au jeu, étant donné qu’elle n’a pas de « chef » pouvant s’y opposer. Il faut attendre que Nadia descende, elle est en train de travailler. Elle est montée avec son client voilà une demi-heure. Joséphine demande à Clovic s’il trouve les filles excitantes.
Séquence 3
Nadia est très belle. Elle trouve Clovic, qui s’accomode vite de son mauvais syldave, sympathique. Elle est prête à se faire interviewer demain avant l’arrivée des clients sous condition qu’on ne voit à aucun moment son visage et que son nom ne soit pas mentionné. Promesse de Joséphine. Joséphine sort pour filmer les enseignes lumineuses (tout en espérant glaner en cachette des images avec des filles) et oblige Clovic à se faire lire la bonne aventure par un vieux charlatan. Pendant qu’elle filme le rituel, Clovic note les numéros qui le feront gagner au loto. Il finit par trouver ses numéros excitants.
Séquence 4
Le matin, rencontre avec M. le Principal. Il porte une écharpe blanche, à l’image du ministre de X., dont il prétend être un ami. Il parle pendant deux heures du problème de la prostitution qu’il semble avoir étudié. Il demande à ce qu’on le filme. Devant la caméra, il s’adresse aux « auditeurs occidentaux ». Il promet donner l’ordre à la police – il prétend en avoir le pouvoir – de montrer aux vidéastes tout ce qu’ils souhaiteront, y compris ce qu’ils ne souhaiteront pas. Il prend plaisir à raconter des histoires sordides.
Séquence 5
Nadia les introduit dans sa chambre privée, placée sous le grenier, au bout d’un long escalier très abrupte. Elle loue une autre chambre dans l’hôtel pour travailler. Joséphine lui demande de remonter encore une fois l’escalier afin de filmer en contre-plongée l’ondulation de ses fesses moulées dans un short en faux cuir rouge. Nadia parle beaucoup et avec aisance. Après avoir été maintes fois vendue, séquestrée et violée dans son pays natal, elle avait fini par atterrir dans ce village syldave en tant que danseuse en vitrine et préférée d’un chef d’une écurie internationale. Un an et demi d’esclavage. Après la découverte par la police d’un meurtre commis par son « chef » sur une fille trop réfractaire, celui-ci prend la fuite, avec son trésor de guerre : Nadia et deux autres filles. Un périple de plusieurs mois à travers le globe, avec Interpol aux trousses. Nadia réussit à échapper au « chef » (qu’elle appelle toujours par son petit nom), en lui dérobant un paquet d’argent, dans un hôtel à Prétoria. Elle reviendra alors dans ce même village syldave et pour s’y installer cette fois-ci sans « chef », fermement décidée à travailler seule. Clovic doit lui répéter trois fois la fameuse question à laquelle Joséphine semble tenir. Nadia, un peu étonnée, un peu gênée, répond qu’elle n’avait jamais entendu parler de femmes qui pleuraient parce qu’elles jouissaient. D’ailleurs, avec ses clients, elle fait semblant (elle fait une démonstration qui fait rougir Clovic de honte).
Séquence 6
Le soir, rendez-vous avec les policiers, qui les invitent à faire une ronde avec eux. Trois voitures de police avec girophares, tous les policiers du village sont mobilisés pour la grande mise-en-scène. Le sergent prétend connaître très bien un maquereau qui fut dans sa classe au collège. Quand il le voit, il lui demande : – Ca va ? – Ca va, répond le maquereau. Ils s’arrêtent devant des vitrines où les filles se couvrent pour ne pas paraître nues, verbalisent des filles rien que pour permettre à Joséphine de les filmer, les filles tentent de cacher leurs visages. Dans un night-club au milieu de la forêt, les policiers font fuir les clients. Discussion animée des policiers avec le propriétaire furax (une connaissance de M. le Pricipal ). Clovic prétend un malaise pour écourter la virée nocturne.
Séquence 7 - épilogue
Clovic chez lui, deux semaines plus tard. Il apprend que Nadia a dû changer d’hôtel, reconnue par un ancien « chef ». Il vient de visionner le film monté qui lui a été envoyé par Joséphine. Toutes les filles sont à visage découvert. Il sort la cassette et il l’écrabouille avec son talon. Tout fébrile, il déchire également un coupon de loto de la semaine dernière.
(1) Avertissement: tous les personnages sont des personnages de fiction et leur ressemblance à des personnes réelles ne sauraient être que le fruit d’un hasard.
(synopsis pour un film qui ne sera jamais tourné – sur un film qui n’aurait jamais dû être tourné)1
Personnages
Joséphine, artiste groenlandaise, 40 ans, féministe déclarée, elle entend des « voix ».
Nadia, prostituée moldave, 28 ans qu’elle ne fait pas, exerçant pour son propre compte dans un bordel à la frontière allemande.
Clovic, jeune interprète syldave ayant été engagé par Joséphine comme homme à tout faire. Sa docilité convient parfaitement à Joséphine.
Vera, tenancière du bordel, contrairement à la majorité des syldaves elle ne méprise pas les étrangers. Leur argent non plus.
M. le Principal, homme politique local aux grandes ambitions. Il tentera d’orienter le reportage de la vidéaste de façon à en contrôler le contenu, il ne se doute pas que sa prestation sera évacuée au montage.
Des policiers. Des prostituées. Des clients. Des maqueraux.
Un diseur de bonne aventure tzigane.
Introduction
Joséphine, vidéaste artistique, a reçu beaucoup d’argent d’une institution anonyme pour faire un travail sur les femmes (et, pourquoi pas, le corps). Un soir, dans un hôtel international, elle entend des sons provenant de la chambre d’à côté. Elle écoute attentivement. Il s’agit apparemment d’un couple en train de faire l’amour. Au moment de l’orgasme, il lui semble entendre comme un pleur. Une voix lui souffle alors son sujet : « Pourquoi les femmes, au moment de jouir, pleurent-elles » ? Elle décide de partir en Syldavie pour interroger les prostituées.
Séquence 1
Avec Clovic sur une route enneigée. Elle lui demande, sans succés, d’aborder les filles sur les restos-routes. Clovic est très impressionné. Il a peur des maqueraux et des filles qui l’insultent dès qu’il leur demande à les interviewer. Par où commencer ? Ils choisissent un hôtel modeste dont l’enseigne lumineuse est la moins criarde.
Séquence 2
Clovic commande deux chambres séparées malgré le souhait de Joséphine de faire des économies. Elle est toute excitée à la vue de quatres filles outrageusement maquillées assises devant la vitrine donnant sur l’extérieur. Elle aimerait les filmer, ce à quoi elles réagissent en criant et en s’éparpillant dans la pièce. Clovic est obligé d’officialiser leur présence et explique à la tenancière les projets de Joséphine. Vera inspire confiance, elle pourrait être aussi bien une vendeuse de chaussures. Elle respecte tous ses clients. Elle leur promet de leur faire rencontrer Nadia qui pourrait se prêter au jeu, étant donné qu’elle n’a pas de « chef » pouvant s’y opposer. Il faut attendre que Nadia descende, elle est en train de travailler. Elle est montée avec son client voilà une demi-heure. Joséphine demande à Clovic s’il trouve les filles excitantes.
Séquence 3
Nadia est très belle. Elle trouve Clovic, qui s’accomode vite de son mauvais syldave, sympathique. Elle est prête à se faire interviewer demain avant l’arrivée des clients sous condition qu’on ne voit à aucun moment son visage et que son nom ne soit pas mentionné. Promesse de Joséphine. Joséphine sort pour filmer les enseignes lumineuses (tout en espérant glaner en cachette des images avec des filles) et oblige Clovic à se faire lire la bonne aventure par un vieux charlatan. Pendant qu’elle filme le rituel, Clovic note les numéros qui le feront gagner au loto. Il finit par trouver ses numéros excitants.
Séquence 4
Le matin, rencontre avec M. le Principal. Il porte une écharpe blanche, à l’image du ministre de X., dont il prétend être un ami. Il parle pendant deux heures du problème de la prostitution qu’il semble avoir étudié. Il demande à ce qu’on le filme. Devant la caméra, il s’adresse aux « auditeurs occidentaux ». Il promet donner l’ordre à la police – il prétend en avoir le pouvoir – de montrer aux vidéastes tout ce qu’ils souhaiteront, y compris ce qu’ils ne souhaiteront pas. Il prend plaisir à raconter des histoires sordides.
Séquence 5
Nadia les introduit dans sa chambre privée, placée sous le grenier, au bout d’un long escalier très abrupte. Elle loue une autre chambre dans l’hôtel pour travailler. Joséphine lui demande de remonter encore une fois l’escalier afin de filmer en contre-plongée l’ondulation de ses fesses moulées dans un short en faux cuir rouge. Nadia parle beaucoup et avec aisance. Après avoir été maintes fois vendue, séquestrée et violée dans son pays natal, elle avait fini par atterrir dans ce village syldave en tant que danseuse en vitrine et préférée d’un chef d’une écurie internationale. Un an et demi d’esclavage. Après la découverte par la police d’un meurtre commis par son « chef » sur une fille trop réfractaire, celui-ci prend la fuite, avec son trésor de guerre : Nadia et deux autres filles. Un périple de plusieurs mois à travers le globe, avec Interpol aux trousses. Nadia réussit à échapper au « chef » (qu’elle appelle toujours par son petit nom), en lui dérobant un paquet d’argent, dans un hôtel à Prétoria. Elle reviendra alors dans ce même village syldave et pour s’y installer cette fois-ci sans « chef », fermement décidée à travailler seule. Clovic doit lui répéter trois fois la fameuse question à laquelle Joséphine semble tenir. Nadia, un peu étonnée, un peu gênée, répond qu’elle n’avait jamais entendu parler de femmes qui pleuraient parce qu’elles jouissaient. D’ailleurs, avec ses clients, elle fait semblant (elle fait une démonstration qui fait rougir Clovic de honte).
Séquence 6
Le soir, rendez-vous avec les policiers, qui les invitent à faire une ronde avec eux. Trois voitures de police avec girophares, tous les policiers du village sont mobilisés pour la grande mise-en-scène. Le sergent prétend connaître très bien un maquereau qui fut dans sa classe au collège. Quand il le voit, il lui demande : – Ca va ? – Ca va, répond le maquereau. Ils s’arrêtent devant des vitrines où les filles se couvrent pour ne pas paraître nues, verbalisent des filles rien que pour permettre à Joséphine de les filmer, les filles tentent de cacher leurs visages. Dans un night-club au milieu de la forêt, les policiers font fuir les clients. Discussion animée des policiers avec le propriétaire furax (une connaissance de M. le Pricipal ). Clovic prétend un malaise pour écourter la virée nocturne.
Séquence 7 - épilogue
Clovic chez lui, deux semaines plus tard. Il apprend que Nadia a dû changer d’hôtel, reconnue par un ancien « chef ». Il vient de visionner le film monté qui lui a été envoyé par Joséphine. Toutes les filles sont à visage découvert. Il sort la cassette et il l’écrabouille avec son talon. Tout fébrile, il déchire également un coupon de loto de la semaine dernière.
(1) Avertissement: tous les personnages sont des personnages de fiction et leur ressemblance à des personnes réelles ne sauraient être que le fruit d’un hasard.