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Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas Lacoste
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© Passant n°43 [février 2003 - mars 2003]
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Florence-Millau aller et retour


Tous les participants du Forum social européen de Florence sont revenus galvanisés, mobilisés par les débats, encouragés par la présence d’une nouvelle génération de militants, et impressionnés par la grande manifestation de clôture. Beau rayon de soleil dans un automne politiquement gris, qui donne envie que quelque chose se passe l’année prochaine en France lorsque le G8 se réunira à Evian, lorsque le prochain Forum social européen se tiendra à Saint-Denis. Ces grands rassemblements anti-mondialisation semblent maintenant capables d’éviter l’engrenage de la violence et de sa répression aveugle, en prenant ainsi modèle sur ce qui s’était passé à Millau il y a trois ans à l’occasion du premier procès de José Bové. Espérons qu’ils contribueront au travail de reconstruction idéologique et programmatique qui fait tant défaut à la gauche, tout en initiant des alliances larges et nouvelles entre forces politiques, syndicats et mouvements associatifs. Il faut cependant reconnaître que les bénéfices politiques de telles réunions ne peuvent plus concerner aujourd’hui que le long terme. Alors que les premiers rassemblements alter-mondialisation1 son-naient comme des coups de tonnerre, qu’ils ébranlaient tout le paysage médiatique et politique en raison de leur nouveauté et de leur incroyable puissance de désorganisation, comme à Seattle, des rassemblements comme ceux de Florence font déjà figure de routine, en outre, qu’ils parviennent à contourner la confrontation violente renforce un effet de banalisation qui limite leur impact politique à l’échelle des militants et des sympathisants déjà mobilisés.

A lui seul, le nom de José Bové met cette limite en lumière. Symbole de ces grands rassemblements, il représentait également la tentative d’articuler une réflexion politique de fond sur des questions comme la souveraineté alimentaire, et des formes de luttes ponctuelles et spectaculaires permettant de faire entrer de force des questions comme celle des OGM dans le débat public. Le voilà aujourd’hui menacé d’un nouveau séjour en prison, plus long et plus dur encore que le précédent, et finalement définitivement empêché de poursuivre l’action directe qui permettait de relayer dans le court terme les effets à long terme des rassemblements alter-mondialisation ; ainsi la Confédération paysanne est-elle aujourd’hui réduite à en appeler à de nouveaux José Bové qui mettraient en application les mêmes principes d’action directe, on ne saurait trop relayer ce message !

A elle seule, l’éventualité d’une nouvelle incarcération de José Bové est tout simplement écœurante. On entend que la loi est la loi et qu’il serait injuste qu’elle ne s’applique pas à lui comme à tout autre2. Mais comment ne pas voir que les actions de la FNSEA ne font presque jamais l’objet de poursuites même lorsqu’elles se soldent par la destruction de biens privés ou publics ; comment ne pas mettre en balance la sévérité de ce jugement avec la quasi-impunité dont bénéficient bon nombre d’hommes politiques de premier plan ; comment ne pas s’étonner de cette peine de prison ferme là où les acti-vistes anti-IVG voient leurs peines de sursis s’additionner presque sans limites ?

Manifestement, la justice est plus sensible à la nécessité de protéger l’ordre social qu’à l’exigence de faire valoir le droit. Ainsi le criminel contre l’humanité, Papon, peut-il sortir de prison alors que les détenus d’Action Directe sont maintenus à l’isolement malgré la gravité de leur état physique et psychique3 ; ainsi José Bové, partisan de l’action directe non-violente au nom de la justice sociale, finira en prison parce qu’il s’en prend à des intérêts assez puissants pour que leur défense apparaisse comme un impératif absolu. Constater tout cela est déjà assez pénible, devoir en plus implorer la grâce de Chirac4 alors que l’on s’est déjà fait couillonner une fois en votant pour lui, lui conférant ainsi une immunité de fait !

Mais plus généralement, l’éventuali-té de cette incarcération pose le pro-blème des formes actuelles de la lutte politique. Dans une situation où les mouvements syndicaux semblent éprouver de grandes difficultés à mobiliser – l’échec de la grève des routiers l’a bien illustré –, seules des formes d’action directe non violentes comme celles de la Confédération paysanne pourraient relayer les grandes réunions internationales en les in-scrivant dans un espace politique local, en conférant ainsi à ces mobilisations ponctuelles la durée et l’attention publique sans laquelle il n’est pas de politique possible. Le mouvement alter-mondialisation doit certes lutter con-tre l’ordre international actuel, mais l’espace premier des mobilisations reste aujourd’hui un espace régional et na-tional qu’il faut investir encore et en-core, pour que les prochains rassemblements d’Evian et de Saint-Denis ne finissent pas par ressembler aux gran-des kermesses qui chaque année suivent chacune des étapes du Tour de France.

(1) Alter-mondialisation et non anti-mondialisation, car il ne s’agit pas de lutter contre la mondialisation, mais pour une autre mondialisation, plus généralement, parce que ce qui est révolutionnaire, ce n’est pas la résistance, c’est l’alternative, comme le suggère Etienne Balibar dans ce même numéro (lire p. 46).
(2) M. Laval, « Dura Lex, José Bové, sed lex », Le Monde, 30/11/2002, p. 15.
(3) Georges Cipriani a sombré dans la folie après avoir été maintenu à l’isolement contre l’avis des médecins. Le cas de Nathalie Ménigon est lui aussi hautement inquiétant, voir à ce propos, D. Simonnot, « Jurispru-dence Papon pour Action Directe ? Leurs avocats et le PCF demandent la libération de deux prisonniers malades », Libération, 26/09/2002.
(4) Pour participer à la campagne de grâce, voir www.confederationpaysanne.fr ou consulter le site de la revue.

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