Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace d’expression pour travailler, comme nous y enjoint Jean–Luc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore qu’un libre espace de parole, Notre Monde s’appuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°43 [février 2003 - mars 2003]
© Passant n°43 [février 2003 - mars 2003]
par Iraj Mortazavi
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Les spectateurs qui montaient les marches du palais du festival de Cannes en 1998 ne s’attendaient sûrement pas à entendre l’Internationale comme prélude à la projection du film provocateur de Lars Von Trier, Les Idiots. Toutefois, même s’il s’agit d’un point d’inflexion important dans la carrière cinématographique de Von Trier, ce n’est certainement pas son film le plus politique. C’est du côté d’Europa qu’il faudrait plutôt le chercher. Pamphlet politique ou saga poétique, entre deux mondes, à la fin de la deuxième guerre mondiale, ce film plonge l’homme occidental moderne dans les profondeurs de son destin tragique et démantèle les dernières illusions de survie d’une culture européenne épique. Le lieu géographique, l’Allemagne de l’an « zéro », est celui vers lequel l’Europe entière (mais également son rejeton outre-atlantique) converge pour finalement s’y épuiser, un épuisement historique et identitaire qui toucherait toutes les générations jusqu’à nos jours. La force d’Europa découle de sa capacité époustouflante à recréer cette atmosphère d’une manière prophétique. Loin des complaisances et des clichés, les doutes et les certitudes à l’égard du monde vont s’effondrer tous ensemble au nom d’un continent qui n’a cessé de se chercher en se déchirant. On peut se demander s’il est possible de pousser plus loin que ne le fait Lars Von Trier l’exploration de tous les paradoxes logiques et esthétiques d’une telle identité. Vacillant entre la couleur et le noir et blanc, entre le défi et la résignation, entre l’espoir et le renoncement, il abandonne enfin le spectateur à une « unité » tendue comme un piège pour attraper rien moins que notre conscience.