Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace d’expression pour travailler, comme nous y enjoint Jean–Luc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore qu’un libre espace de parole, Notre Monde s’appuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°44 [avril 2003 - mai 2003]
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par Christine Vivier
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Quand le mouvement anticapitaliste gagne ses étoiles…De mouvement contestataire à mouvement capable de proposer et mettre en œuvre de véritables alternatives politiques et sociales, le chemin était plus que difficile. C’est pourtant ce à quoi sont parvenues les milliers de personnes réunies au Forum social européen de Florence. Si dans les cantines néolibérales, d’aucuns souffrent de quelques troubles digestifs, il faut reconnaître que le FSE a bien mérité une étoile de plus au guide de l’utopie concrète.
Un lieu commun d’abord – sans doute un sentiment commun serait plus juste (même si précision et justesse semblent un peu dé-suètes à notre épo-que1) : l’impression d’étouffer sous les discours creux et nauséabonds, d’être soigneusement tenus à une distance raisonnable des problèmes qui pourraient nous concerner (et ce par le truchement d’un panel de distractions toutes plus « lobotomisantes » les unes que les autres), de ne pas avoir son mot à dire, et quand bien même, de n’avoir aucun interlocuteur conséquent. Nul besoin de s’appesantir sur les tenants et les aboutissants de notre sentiment ô combien partagé : les analyses ont été, sont et à n’en pas douter seront faites, le sujet a été cerné, défini, délimité, décortiqué, tout a été dit, la même chose sera répétée autrement – il faut bien écrire sur quelque chose. Evidemment, certains se plaignent encore. Contestataires éternels, nostalgiques d’un temps inexistant, romantiques anachroniques, effluves adolescentes de rébellion, énergumènes en tout genre, irresponsables en tout cas, évidemment rêveurs. Ils se plaignent donc, et de tout en plus – on ne leur dira plus comme il est outrant de les voir ainsi sinon mépriser, tout au moins ignorer la chance qui est la leur de vivre dans une démocratie, d’avoir tant de libertés… Suffit. Et quand on va dans leur sens, quand on prend notre plume pour défendre leurs causes, quand à notre tour on défend la minorité et l’opprimé, voilà qu’on se fait accuser d’être politiquement correct2. Eternels insatisfaits ?
Une variante maintenant : nous baignons ainsi dans l’eau du consensus, qui ne cesse d’être alimenté par des discours pseudo critiques, lesquels ont pour unique vocation d’être la forêt qui cache la montagne des problèmes réels, qui ont pour seul objet de faire taire les ventres affamés avec des coupe-faim. Un leurre parmi d’autres, qui pour aussi efficace qu’il soit la plupart du temps, n’en demeure pas moins inutile lorsque la faim ne peut plus être trompée. C’est ainsi que nous voyons les gens descendre dans la rue par centaines de milliers pour défendre leurs droits sociaux mis en péril par des projets gouvernementaux absurdes, c’est Seattle, Porto Alegre, Millau, Gênes. Ce sont donc des millions de personnes qui décident de dire non, autre chose, autrement. Des gens qui, après la crise de foie du néolibéralisme, osent exprimer leur envie de bouffer autre chose que cette merde.
Une surprise enfin. Au menu, toujours la même chose. Il semble même que ça empire. Une fourchette de guerre par-là, une cuillérée de sécuritaire par-ci, l’expulsion des sans-papiers pour maman, la diminution des retraites pour papa… Il y a de quoi virer à l’anorexique, non ? Sauf que ce n’est plus à la mode. Alors on décide de changer le menu. On a dit non, maintenant on compose nous-mêmes, on apprend à faire la bouffe, et on choisit bien les ingrédients. Et tout ça, dans les fourneaux géants de Florence. Parce que le FSE (Forum social européen), c’est avant tout ça. C’est vrai, il y a eu une belle manifestation à la fin ; mais elle était au Forum ce que la cerise est au gâteau : la touche finale. Au contraire des divers rassemblements qui ont germé partout dans le monde ces dernières années, le Forum social européen n’était pas simplement un rassemblement de contestation, mais de construction3. Les critiques ont eu la part belle évidemment, mais elles n’étaient que le prélude à une multitude de propositions, d’alternatives véritables. Le côté « grande bouffe entre potes », c’est plutôt sympa, mais quand il s’agit de faire dans la grande cuisine, je peux vous assurer que ça demande un vrai travail. Si certains – soyons précis une fois de plus –, si beaucoup, et tous absents ça va de soit, ont pu dire de ce Forum qu’il n’était rien d’autre qu’une kermesse – ou un carnaval, les adjectifs ne manquent pas – de plus (Blair en tête, c’est rassurant), c’est qu’ils devaient être assis à d’autres tables4. Parce que ce n’est pas à Florence, comme ce ne sera certainement pas à Saint-Denis, que le festin a été dégusté. Mais c’est bel et bien dans ces lieux qu’il se prépare. Pas exclusivement, c’est certain. Chacun y travaille quotidiennement ; mais c’est au Forum que les ingrédients sont rassemblés, dosés, mélangés. Que la plupart soient revenus débordants d’enthousiasmes, c’est, à n’en pas douter, grâce aux menus alléchants qu’ils ont commencé à élaborer. Ici comme en cuisine, la patience est un ingrédient essentiel : faites cuire trop fort, votre plat brûle. Tous l’ont compris à Florence, d’autant plus déterminés à continuer à Saint-Denis. Et personne ne peut douter de la patience et de la détermination dont font preuve les centaines de personnes qui se réunissent depuis quelques mois à travers l’Europe pour préparer le prochain FSE. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, surtout lorsque l’on est habitué à se faire servir, c’est là une tâche bien difficile : chacun y va de sa recette, de sa spécialité, de sa région… mais tous sont fermement décidés à mettre la main à la pâte5. Tous sont également invités à apporter leur épice. Et peut-être d’ailleurs que, en plus de cet appétissant amuse-gueule qu’ont été les manifestations anti-guerre de ces derniers jours qui, ne l’oublions pas, ont été préparées dans la marmite de Florence, cette invitation à parti-ciper à sa préparation est la garantie la plus fiable d’un repas succulent ; quant à ceux
qui préfèrent attendre qu’on le leur serve tout prêt, il y a fort à parier qu’ils trouvent leur compte dans le menu actuel ; en tout cas, qu’ils ne viennent pas faire les fines bouches.
Un lieu commun d’abord – sans doute un sentiment commun serait plus juste (même si précision et justesse semblent un peu dé-suètes à notre épo-que1) : l’impression d’étouffer sous les discours creux et nauséabonds, d’être soigneusement tenus à une distance raisonnable des problèmes qui pourraient nous concerner (et ce par le truchement d’un panel de distractions toutes plus « lobotomisantes » les unes que les autres), de ne pas avoir son mot à dire, et quand bien même, de n’avoir aucun interlocuteur conséquent. Nul besoin de s’appesantir sur les tenants et les aboutissants de notre sentiment ô combien partagé : les analyses ont été, sont et à n’en pas douter seront faites, le sujet a été cerné, défini, délimité, décortiqué, tout a été dit, la même chose sera répétée autrement – il faut bien écrire sur quelque chose. Evidemment, certains se plaignent encore. Contestataires éternels, nostalgiques d’un temps inexistant, romantiques anachroniques, effluves adolescentes de rébellion, énergumènes en tout genre, irresponsables en tout cas, évidemment rêveurs. Ils se plaignent donc, et de tout en plus – on ne leur dira plus comme il est outrant de les voir ainsi sinon mépriser, tout au moins ignorer la chance qui est la leur de vivre dans une démocratie, d’avoir tant de libertés… Suffit. Et quand on va dans leur sens, quand on prend notre plume pour défendre leurs causes, quand à notre tour on défend la minorité et l’opprimé, voilà qu’on se fait accuser d’être politiquement correct2. Eternels insatisfaits ?
Une variante maintenant : nous baignons ainsi dans l’eau du consensus, qui ne cesse d’être alimenté par des discours pseudo critiques, lesquels ont pour unique vocation d’être la forêt qui cache la montagne des problèmes réels, qui ont pour seul objet de faire taire les ventres affamés avec des coupe-faim. Un leurre parmi d’autres, qui pour aussi efficace qu’il soit la plupart du temps, n’en demeure pas moins inutile lorsque la faim ne peut plus être trompée. C’est ainsi que nous voyons les gens descendre dans la rue par centaines de milliers pour défendre leurs droits sociaux mis en péril par des projets gouvernementaux absurdes, c’est Seattle, Porto Alegre, Millau, Gênes. Ce sont donc des millions de personnes qui décident de dire non, autre chose, autrement. Des gens qui, après la crise de foie du néolibéralisme, osent exprimer leur envie de bouffer autre chose que cette merde.
Une surprise enfin. Au menu, toujours la même chose. Il semble même que ça empire. Une fourchette de guerre par-là, une cuillérée de sécuritaire par-ci, l’expulsion des sans-papiers pour maman, la diminution des retraites pour papa… Il y a de quoi virer à l’anorexique, non ? Sauf que ce n’est plus à la mode. Alors on décide de changer le menu. On a dit non, maintenant on compose nous-mêmes, on apprend à faire la bouffe, et on choisit bien les ingrédients. Et tout ça, dans les fourneaux géants de Florence. Parce que le FSE (Forum social européen), c’est avant tout ça. C’est vrai, il y a eu une belle manifestation à la fin ; mais elle était au Forum ce que la cerise est au gâteau : la touche finale. Au contraire des divers rassemblements qui ont germé partout dans le monde ces dernières années, le Forum social européen n’était pas simplement un rassemblement de contestation, mais de construction3. Les critiques ont eu la part belle évidemment, mais elles n’étaient que le prélude à une multitude de propositions, d’alternatives véritables. Le côté « grande bouffe entre potes », c’est plutôt sympa, mais quand il s’agit de faire dans la grande cuisine, je peux vous assurer que ça demande un vrai travail. Si certains – soyons précis une fois de plus –, si beaucoup, et tous absents ça va de soit, ont pu dire de ce Forum qu’il n’était rien d’autre qu’une kermesse – ou un carnaval, les adjectifs ne manquent pas – de plus (Blair en tête, c’est rassurant), c’est qu’ils devaient être assis à d’autres tables4. Parce que ce n’est pas à Florence, comme ce ne sera certainement pas à Saint-Denis, que le festin a été dégusté. Mais c’est bel et bien dans ces lieux qu’il se prépare. Pas exclusivement, c’est certain. Chacun y travaille quotidiennement ; mais c’est au Forum que les ingrédients sont rassemblés, dosés, mélangés. Que la plupart soient revenus débordants d’enthousiasmes, c’est, à n’en pas douter, grâce aux menus alléchants qu’ils ont commencé à élaborer. Ici comme en cuisine, la patience est un ingrédient essentiel : faites cuire trop fort, votre plat brûle. Tous l’ont compris à Florence, d’autant plus déterminés à continuer à Saint-Denis. Et personne ne peut douter de la patience et de la détermination dont font preuve les centaines de personnes qui se réunissent depuis quelques mois à travers l’Europe pour préparer le prochain FSE. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, surtout lorsque l’on est habitué à se faire servir, c’est là une tâche bien difficile : chacun y va de sa recette, de sa spécialité, de sa région… mais tous sont fermement décidés à mettre la main à la pâte5. Tous sont également invités à apporter leur épice. Et peut-être d’ailleurs que, en plus de cet appétissant amuse-gueule qu’ont été les manifestations anti-guerre de ces derniers jours qui, ne l’oublions pas, ont été préparées dans la marmite de Florence, cette invitation à parti-ciper à sa préparation est la garantie la plus fiable d’un repas succulent ; quant à ceux
qui préfèrent attendre qu’on le leur serve tout prêt, il y a fort à parier qu’ils trouvent leur compte dans le menu actuel ; en tout cas, qu’ils ne viennent pas faire les fines bouches.
(1) Jetons un œil – mais pas plus – sur l’article de Laurence Caramel, « Forum de Florence : offensive de la gauche radicale », publié dans Le Monde du 16 novembre 2002, qui est un exemple de plus de la partialité, pour ne pas dire de l’incompétence, de ceux qui pourtant affichent comme vocation la transmission des réalités. Et regardons attentivement la réponse de Salvatore Cannavo, « Qui a peur de Florence ? », publiée dans Le Monde du 11 décembre 2002, qui expose très justement les rapports entre les différents mouvements sociaux et politiques présents à Florence. L’article de François Vercammen, « Naissance d’un nouveau mouvement social européen », publié dans le numéro d’Inprecor de décembre 2002, est également très éclairant sur les enjeux véritables du FSE de Florence.
(2) Nous trouvons, dans l’ouvrage de Slavoj Zizek, Révolution at the Gates : Selected writings of Lenin from 1917 (Verso, 2002), plusieurs passages croustillants sur l’hypocrisie des intellectuels qui, sous l’apparence d’une critique du système néo-libéral et d’une défense des minorités opprimées, ne font en réalité que contribuer à renforcer ce système et cette oppression – assurant, bien entendu, par là même la pérennité de leur situation socioprofessionnelle – en jouant le rôle de tampons entre les insatisfaits et les différents dirigeants (toujours au détriment des premiers, ça va de soit, en leur donnant l’illusion de défendre effectivement leur cause).
(3) Il suffit de regarder le programme du FSE de Florence sur le site : www.fse-esf.org, ou encore les propositions du Comité français d’initiative pour les plénières du prochain FSE de Saint-Denis : Pour une Europe de la paix et de la solidarité ; Pour une Europe sociale et démocratique ; Pour une Europe du développement soutenable et solidaire ; Pour une Europe démocratique de l’information, de la culture et de l’éducation,
pour une science éthique…
(4) Les activités des participants au Forum pendant ces trois jours étaient on ne peut plus sérieuses. Chacun était conscient d’être confronté à une situation générale très dure et de la nécessité d’analyser pour changer les choses. C’est la raison pour laquelle tant d’ateliers, de débats, de séminaires… furent organisés. A croire que ce ne sont ni les discours ni les actes qui sont garant du sérieux, mais le fait d’avoir l’air triste, de s’emmerder, ou de faire la gueule…
(5) Le FSE de Florence se distingue ainsi des autres rassemblements de ce genre qui l’ont précédé sur plusieurs points : par le brassage de cultures entre mouvements jeunes anti-capitaliste et mouvement syndical (le service d’ordre du FSE était ainsi assuré par la FIOM, le syndicat des métallurgistes italiens ; les COBAS – syndicats de base – étaient également très présents). Ce brassage est le signe manifeste du passage d’une étape importante : si à Seattle un des leitmotiv était « teamsters and turtles together at last » (syndicalistes routiers et jeunes écolos enfin ensemble), aussi inattendu que fut ce phénomène, il n’était pas, à ce moment-là, très crédible comme alliance. Florence a montré que cette synthèse pouvait devenir solide. De même, on a pu voir qu’il y avait beaucoup moins de conflits entre les mouvements sociaux et les partis politiques de la gauche radicale (Rifondazione comunista a ainsi joué un rôle central dans l’organisation du Forum, sans tomber sous l’accusation classique d’instrumentalisation). Le clivage réel était donc politique, entre la gauche radicale et la gauche libérale ; mais qui dit clivage ne dit pas exclusion : si opposition il y a, elle est politique, au sens fort du terme, et non idéologique : Florence a été le lieu d’un véritable dialogue, aussi houleux fut-il, entre les différents partis et mouvements (y compris la gauche social-démocrate, qui a demandé à participer au débat politique imposé par la gauche radicale) ; comme l’écrit F. Vercammen : « Politiquement parlant, Florence a été le théâtre d’un choc inconnu depuis les années 1968, entre la gauche radicale et la gauche social-démocrate » (art. cit.). Enfin, un autre point significatif est l’aspect très rouge et radical, et en même temps très jeune, qui dément l’idée répandue de la passivité ou de l’apolitisme de la jeunesse (et qui a servi d’argument à certains pour soutenir le manque de sérieux du Forum (CQFD)).
(2) Nous trouvons, dans l’ouvrage de Slavoj Zizek, Révolution at the Gates : Selected writings of Lenin from 1917 (Verso, 2002), plusieurs passages croustillants sur l’hypocrisie des intellectuels qui, sous l’apparence d’une critique du système néo-libéral et d’une défense des minorités opprimées, ne font en réalité que contribuer à renforcer ce système et cette oppression – assurant, bien entendu, par là même la pérennité de leur situation socioprofessionnelle – en jouant le rôle de tampons entre les insatisfaits et les différents dirigeants (toujours au détriment des premiers, ça va de soit, en leur donnant l’illusion de défendre effectivement leur cause).
(3) Il suffit de regarder le programme du FSE de Florence sur le site : www.fse-esf.org, ou encore les propositions du Comité français d’initiative pour les plénières du prochain FSE de Saint-Denis : Pour une Europe de la paix et de la solidarité ; Pour une Europe sociale et démocratique ; Pour une Europe du développement soutenable et solidaire ; Pour une Europe démocratique de l’information, de la culture et de l’éducation,
pour une science éthique…
(4) Les activités des participants au Forum pendant ces trois jours étaient on ne peut plus sérieuses. Chacun était conscient d’être confronté à une situation générale très dure et de la nécessité d’analyser pour changer les choses. C’est la raison pour laquelle tant d’ateliers, de débats, de séminaires… furent organisés. A croire que ce ne sont ni les discours ni les actes qui sont garant du sérieux, mais le fait d’avoir l’air triste, de s’emmerder, ou de faire la gueule…
(5) Le FSE de Florence se distingue ainsi des autres rassemblements de ce genre qui l’ont précédé sur plusieurs points : par le brassage de cultures entre mouvements jeunes anti-capitaliste et mouvement syndical (le service d’ordre du FSE était ainsi assuré par la FIOM, le syndicat des métallurgistes italiens ; les COBAS – syndicats de base – étaient également très présents). Ce brassage est le signe manifeste du passage d’une étape importante : si à Seattle un des leitmotiv était « teamsters and turtles together at last » (syndicalistes routiers et jeunes écolos enfin ensemble), aussi inattendu que fut ce phénomène, il n’était pas, à ce moment-là, très crédible comme alliance. Florence a montré que cette synthèse pouvait devenir solide. De même, on a pu voir qu’il y avait beaucoup moins de conflits entre les mouvements sociaux et les partis politiques de la gauche radicale (Rifondazione comunista a ainsi joué un rôle central dans l’organisation du Forum, sans tomber sous l’accusation classique d’instrumentalisation). Le clivage réel était donc politique, entre la gauche radicale et la gauche libérale ; mais qui dit clivage ne dit pas exclusion : si opposition il y a, elle est politique, au sens fort du terme, et non idéologique : Florence a été le lieu d’un véritable dialogue, aussi houleux fut-il, entre les différents partis et mouvements (y compris la gauche social-démocrate, qui a demandé à participer au débat politique imposé par la gauche radicale) ; comme l’écrit F. Vercammen : « Politiquement parlant, Florence a été le théâtre d’un choc inconnu depuis les années 1968, entre la gauche radicale et la gauche social-démocrate » (art. cit.). Enfin, un autre point significatif est l’aspect très rouge et radical, et en même temps très jeune, qui dément l’idée répandue de la passivité ou de l’apolitisme de la jeunesse (et qui a servi d’argument à certains pour soutenir le manque de sérieux du Forum (CQFD)).