Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace d’expression pour travailler, comme nous y enjoint Jean–Luc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore qu’un libre espace de parole, Notre Monde s’appuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°44 [avril 2003 - mai 2003]
© Passant n°44 [avril 2003 - mai 2003]
par Christine César
Imprimer l'articleFenêtre sur place
C’est fou ce que sans bouger on peut voir de sa fenêtre… et madame Queenty passait beaucoup de temps devant sa fenêtre. Non qu’elle fût vieille ou paralysée, mais elle n’était qu’à moitié… à moitié asiatique, à moitié jeune, à moitié célibataire, à moitié sociologue (puisqu’elle n’avait qu’un poste à mi-temps) et à moitié un personnage de fiction ! Aux moments chauds des conflits moyen-orientaux, elle devenait aussi à moitié juive (par son père) en se précipitant au milieu des « jeunes » pour contrer les insultes antisémites. Elle recueillait alors des excuses piteuses de ceux qui découvraient brutalement la judéité de madame Queenty.
Elle passait donc beaucoup de temps derrière sa fenêtre car son ordinateur était devant. De là elle découvrait une Place (5 acacias, 2 bancs, 4 lampadaires style Hittorff sur 150 m2). Cette Place était le théâtre où s’activaient différents groupes : « jeunes », policiers, propriétaires, locataires en transit, cafetiers, touristes, naufragés… chacun tentant plus ou moins formellement d’organiser des usages légitimes sur ce microscopique territoire. Ces groupes porteurs de logiques et d’intérêts différents forgeaient autant de représentations du Quartier qui se heurtaient à l’image monolithique produite par des journalistes, des sociologues pressés.
Surtout ne pas voir L’effet écran de l’image médiatique
La presse écrite joue un rôle clé dans la construction de la représentation d’un quartier : « Une poignée de journalistes, copains de galeristes ou d’attachés de presse par exemple, peuvent aujourd’hui faire monter une rue du jour au lendemain »1. La multiplication des reportages consacrés à cette Rue en est l’illustration. A lire le magazine Elle, cette Rue fait maintenant partie des « petites rues très courues […] un petit coin perché […] qui fleure bon le Paris d’antan : les enfants dévalent les rues, les voisins papotent sur des chaises en bas de chez eux, les artistes passent d’une maison à l’autre… épatant pour grignoter au soleil et dîner d’une assiette de tapas ou d’un plat bistrot. »
Cette description contraste avec le diagnostic réalisé par la Ville de Paris : « Ce quartier présente en effet les stigmates de la pauvreté : insalubrité généralisée des immeubles, exiguïté et inconfort des logements, présence de trafic de drogue et de prostitution, activités souterraines (ateliers de confection), précarité des emplois et des statuts d’occupation des logements »2. Voilà donc un quartier pauvre et insalubre qui fait la une des « nouveaux spots pour sortir ».
A l’avenant, les photos produites par cette presse sont encore plus révélatrices… par ce qu’elles cachent. Toutes masquent, en y faisant dos, le côté de la place occupé par une Mission évangélique parmi les sans-logis. Cet effet écran gomme physiquement la présence « d’indésirables sociaux » dont on comprend qu’ils dépareraient dans un univers « délicieux ». Tout se passe donc comme si les solidarités de l’espace social et médiatique faisaient disparaître les hostilités (matérielles ou symboliques) liées à « d’encombrantes » proximités physiques.
La fausse heuristique d’un concept ramolli
Deux sociologues s’interrogeant sur les mutations des quartiers parisiens ont tenté de répondre à cette question « problématique » : « Comment et pourquoi une population qui se veut et se vit d’avant-garde jette-t-elle son dévolu sur ces vieux quartiers délaissés ? »3. Ils mobilisent le concept de gentrification4, et mettent l’accent sur les « facteurs urbains », les lois du marché immobilier, la « dimension culturelle », les artistes (pionniers à la recherche de vastes espaces de vie et de travail) qui rendent possible le processus : « Les nouveaux habitants, dans un processus classique de gentrification, ont aménagé les espaces artisanaux ou résidentiels en laissant nombre de traces d’une époque où le peuple ouvrier était l’occupant hégémonique ».
Ces sociologues consacrent quelques lignes à la Rue décrite ici, mais ils n’analysent pas dans leur contribution la dimension de conflits5 qui est le corollaire de ce genre de processus.
En l’occurrence, les artistes (précaires, tous vivent d’un travail alimentaire ou des minima sociaux) ne pouvaient impulser seul ce processus (ni ne le voulaient). C’est la combinatoire d’opérations commerciales qui est à l’origine de « l’ascension » de la Rue. En effet, cette Place est devenue un lieu où des brasseurs de la Bastille ont décidé d’investir dans le prolongement du vent furieusement « branché » qui soufflait déjà à un kilomètre de là sur la rue Oberkampf. Le nombre de bars-restaurants ne cessa d’augmenter pour passer (en moins de 5 ans) de 5 à plus de 15 sur à peine 200 mètres !
Le pionner de ces implantations commerciales a su rebondir sur un esprit de « village » (vocable repris dans le logo de l’association de quartier) ; la vie du Quartier s’est restructurée autour de la place du « village », ses cafés, sa Cantine, sa Mission (et surtout son pasteur), ses fêtes, sa lutte historique pour empêcher la démolition de l’îlot (en espérant une réhabilitation efficace), ses démons et ses stars locales etc.6
Mais sur la Place où il n’y avait plus de commerce depuis une dizaine d’années, cette installation ne s’est pas faite sans heurts. Cette dimension qui est constitutive du processus de gentrification permet de comprendre le mode de réalisation pratique de l’embourgeoisement (version Bobo). On peut alors pousser le concept de gentrification au-delà d’une construction idéologique pacifiée et lui restituer quelques vertus heuristiques.
Les habitants
Chez une partie des habitants, ces images-écrans diffusées à grands tirages fonctionnent aussi ; elles suscitent l’étonnement des rédacteurs de l’étude commanditée par la Ville de Paris qui met l’accent sur « un fort décalage entre les caractéristiques de la population résidente et l’image véhiculée par une fraction des occupants récents qui mettent en avant le caractère villageois et convivial du quartier ». En fonction des différents acteurs, ce contraste peut se rigidifier.
Les jeunes7
« Ici, c’est un quartier pourri, mais maintenant il y a les nouveaux et il faut s’adapter à l’atmosphère qu’ils veulent imposer dans le secteur, tu vois le délire… Ils veulent imposer une atmosphère digne du XVIe arrondissement. […] Il y a des réalisateurs qui habitent là, ils touchent 45 000 francs par mois, l’autre il est chanteur, dessinateur, l’autre à Canal Plus… et ils viennent habiter ici. Alors pourquoi ils viennent habiter ici ? Ben… parce qu’ils disent qu’ils aiment bien le vieux Paris. Mais pourquoi ils se plaignent de ce qui se passe dehors ? Est-ce que ça fait partie de leur loyer ou de leur traite ? Je ne comprends pas ! »
Les nouveaux propriétaires
Parmi les nouveaux propriétaires, certains se sont concertés pour rédiger un document de 7 pages intitulé Incivilité et insécurité dans le Quartier (comme pour rebondir sur les catégories impensées de TF1). Ils tentent de révéler « la signification réelle de faits d’apparence mineure » dans une analyse peu freudienne. Ils proposent ensuite leur catalogue de « l’ incivilité et de la délinquance ordinaire : un groupe de jeunes adultes, entre 20 et 30 ans, occupe la Rue, les cours et les cages d’escalier l’après-midi et la soirée jusqu’à une heure avancée de la nuit. […] Certains ont un comportement violent, d’autres non, quelques-uns ont fait de la prison. […] Ces jeunes stationnent en groupe de trois à plus d’une dizaine. Les passants sont obligés de passer parmi eux ou de les contourner […]. Cela ne serait pas gênant si ces jeunes ne montraient une certaine hostilité en ne répondant pas au salut qui leur est adressé […] Ces jeunes stationnent maintenant dans [un petit bras de la Rue], il y a un an ou deux ils étaient sur la Place. Discussions, rires, disputes, bouteilles cassées, musique d’autoradio font beaucoup de tapage […] Devant ces comportements incivils et délictueux, quelle est la réaction des autori-
tés […] ? »
Madame Queenty avait en réunion qualifié ce texte de « réactionnaire » : ces rédacteurs s’étaient sentis insultés dans leur sensibilité-de-gauche, ce qui montre à quel point le vent sécuritaire a fait du chemin pour se naturaliser de la sorte (merci encore à TF1 & Co !) Le plus étonnant dans la démarche de ce « manifeste » était de s’adresser d’abord aux « autorités » plutôt que d’aller à la rencontre des « jeunes ». Dans la discussion, madame Queenty et le président de l’association de quartier livrèrent des éléments d’explication pour comprendre des pics (relatifs) d’agitation (pour cela il fallait croiser des faits de natures diverses dont la conjonction était fortuite et ponctuelle). Tous convinrent ensuite de la nécessité de se saisir de toutes les occasions de la vicinalité pour engager le « dialogue » (et c’est dans ce cadre que madame Queenty proposa de réaliser quelques entretiens). Le « manifeste » en resta là, il ne circula plus.
Mais cette opposition des discours entre ceux qui ont une place dans l’espace physique (et social) et ceux qui n’en n’ont pas (ou si peu) est un clivage commun à de nombreux conflits qui irriguent les luttes pour l’appropriation de l’espace.
Deux moments forts de la journée permettaient de croiser les autres strates de résidants révélant un substrat social d’une extrême précarité (parfois proche d’un sous-prolétariat).
Les « domiciliés »
Le matin madame Queenty allait boire son café au PMU de la rue voisine. Pour cela, il lui fallait passer devant une haie d’honneur un peu particulière liée à la présence de la Mission évangélique parmi les sans-logis depuis 1987. Une des activités sociales de la Mission consiste à organiser la domiciliation de populations précarisées (des SDF, des réfugiés…) plus de 5000 en 2002. Cette adresse est pour eux une porte ouverte vers « une identité, l’obtention de subsides, des nouvelles de la famille etc. »8. Chaque jour, en fonction de leur nationalité, ils se pressent dès l’aube tapissant les murs de la Place pour être sûrs de pouvoir retirer lettre-chèque du RMI, documents administratifs, etc. Tous les matins madame Queenty traversait donc cette salle d’attente à ciel ouvert pour prendre son café ; tous les matins il lui fallait affronter ce corridor du bunker Schengen et ce n’était pas si simple…
Les intermittants
Madame Queenty déjeunait tous les midis à la Cantine (restaurant associatif construit par les intermittents du spectacle et où, pour 3 euros, des habitants de la Rue font à manger pour d’autres. Cette initiative s’est mise à prospérer quand d’anciens ateliers de confections, des boutiques abandonnées, ont été investies par de jeunes artistes désargentés (sculpteur, vitrailliste, peintre, styliste, potier, photographe, danseur, musicien…). Ils ont constitué une population captive idéale pour faire vivre la Cantine comme carrefour de convivialité, de création et de précarité.
Chronique des usagés
C’est de 1994 que date la première grosse installation commerciale et la multiplication des conflits (surtout à partir de 1997 avec l’installation d’une première terrasse sur la Place). Ils opposèrent régulièrement le cafetier paternaliste-de-gauche ou ses client(e)s aux « jeunes » résidants fixés sur la Place où ils avaient l’habitude de pratiquer jeux de balles, mécanique, négoce (pas encore légalisé), fumerie et bavardage.
Les jeunes
« On est les plus anciens du quartier et on est les plus maltraités ! Ma parole, quand on rentre dans les cafés, ils nous regardent comme si on était des touristes, alors que nous on connaît le lieu depuis toujours ! »
Conformément à la tradition d’accueil de ces quartiers populaires9, les parents de ces « jeunes » y sont arrivés dans les années 60 avec les grandes vagues de migrations. Certains améliorant leurs conditions de vie sont partis, cédant leur location à d’autres migrants, le bas Belleville servant ainsi de « sas » (un tiers du parc locatif a été renouvelé ces trois dernières années), d’autres notamment s’ils avaient achetés sont restés.
Les jeunes
« Ici, c’est un quartier pourri, c’est un quartier qui est normalement pour les gens qui arrivent de loin10. Quand ils arrivent de leur pays, ils trouvent un logement d’attente ici, c’est la première étape : le mec il vient ici, il loue un petit studio pour 1000 balles – maintenant pour eux, ils ont augmenté le loyer à 4000 – et puis ils trouvent du travail, des papiers et tout doucement comme il essaye de s’en sortir, un jour il s’en va. »
La plupart de ces « jeunes » vivent donc là depuis leur enfance, moyennant quoi mada-me Queenty les avait toujours connus. Les interventions de la police, des pompiers, des habitants etc. se multipliaient pour régler les différends entre bistrotier (employant par moment certains de ces jeunes) et les « jeunes » collectivement stimulés par l’arrivée soudaine et massive d’une population bourgeoise venant se repaître du vieux Paris au son de l’accordéon.
L’exaspération du cafetier, conjuguée à une mauvaise gestion (des ressources humaines et financières) mirent fin à cette première expérience qui vit au plus fort de la crise le cafetier pseudo-débonnaire-de-gauche dé-bouller sur la Place avec un pistolet à grenaille.
Il chercha à vendre en présentant comme suit la situation à la seule personne qu’il pensait pouvoir faire face (parce qu’elle avait réussi, dans le même arrondissement à transformer un PMU malfamé en bar chantant) :
Le nouveau bistrotier
« Le premier truc ça a été qu’il m’a dit : j’ai des mecs qui m’envahissent mon bar, je ne peux pas faire des concerts sans que les musiciens se fassent racketter, il y a des bastons sur la place, l’autre qui habite en face, il m’a menacé avec un poignard hier soir, l’autre il a sorti un pétard, mon barman n’en peut plus… je n’en peux plus, j’ai trop de stress, je m’en vais… pour un mec qui voulait vendre son affaire, c’était très honnête mais ça refroidissait un petit peu. »
La terrasse ou le foot
Après la faillite de ce premier bar11, le successeur élu releva donc le défi. L’« Ober-kampfisation » s’accéléra, tous les coins étaient maintenant occupés par des bars-restaus (n’ouvrant pas avant 17 heures) et, nouvelle étape, d’immenses terrasses se mirent à fleurir sur la Place ou sur les trottoirs jusqu’au milieu de la nuit pour des bourgeois venant s’encanailler à Belleville (vieille vocation de la Courtille du XVIIIe siècle).
Le nouveau bistrotier
« C’est vrai que l’on a imposé une terrasse et on ne voulait pas faire comme le café voisin en sortant une table par une table, parce que ça montrait que l’on avait peur des mecs qui voulaient dominer la Place et que nous il fallait aussi que l’on renvoie ce rapport de force en installant une terrasse massive, en essayant qu’il y ait le plus de monde pour qu’ils ne se sentent pas possesseur de cette place […] »
Cette occupation physique de la Place exacerba les conflits d’usages : elle rendait les jeux de ballons impossibles puisqu’il était difficile d’éviter les sorties de « terrain » :
Le nouveau bistrotier
« Alors pendant tout l’été, il y a eu des parties de foot très violentes qui avaient pour unique objectif de vider les terrasses, les ballons qui passaient sur les tables pour faire peur aux gens… mais je dois dire aussi que ma clientèle à moi a beaucoup plus résisté que celle du café voisin, nos clients ont résisté, ils gardaient le ballon, ils parlaient alors qu’à côté la terrasse se vidait en 3 temps, 3 mouvements, parce que c’était des gens plus bobos […] ; et puis nous on appelait les flics assez régulièrement quand ça commençait
à chauffer, mais en se posant des ques-
tions… ce n’était pas notre truc d’appeler les flics. »
Cela contraignit peu à peu les « jeunes » joueurs à abandonner la Place pour se replier d’abord sur la chaussée, puis enfin à l’écart bien en contrebas dans un passage de la Rue peu circulant. De leur côté, les cafetiers se mirent à déborder, ne respectant ni les surfaces allouées par la préfecture, ni les horaires négociés avec l’association de quartier : l’affluence devint telle que la Place étaient aux beaux jours un parking à scooters et les bancs, les annexes des restaurants.
Etre au banc… et en être chassé
Or, les 2 bancs de la Place faisaient l’objet d’usages réglés au cours de la journée. S’il arrivait parfois d’y trouver au petit matin des formes emmitouflées dans un duvet et attendant l’ouverture de la Mission évangélique parmi les sans-logis, s’y installait tous les jours à partir de 15 heures une population de « mangeurs de soupe » (avec quelques éléments alcoolisés) espérant le repas offert à 17 heures par la Mission. Sur ces horaires, les « jeunes » qui y discutaient à longueur d’après-midis laissaient leur place aux naufragés12 peut-être par peur de « contamination » et/ou pour éviter tout risque d’amalgame. Ces SDF trouvaient là un temps pour se poser tranquillement à l’abri des regards. En face, la pression des branchés au téléphone et à l’ordinateur nomades, copieusement étalés en terrasse avec vue imprenable sur ces bancs a contribué à rendre plus volatile ces populations qui ne peuvent pas toujours soutenir le regard et ne cherchent pas à être encore plus stigmatisées. Trois univers s’affrontent et les plus faibles sont repoussés dans des zones moins exposées, plus périphériques : les halls d’immeubles, les rebords de trottoirs ou de murets.
C’est ce même phénomène de « sur-exposition » de l’espace privé que vivent les habitants dont les logements ouvrent de plein pieds sur les cours (démunies parfois de portes et souvent de code d’accès électronique). Ils sont en effet « visités » le week-end par des hordes de marcheurs (un guide de randonnée à pieds récemment publié en soulignant le caractère « pittoresque »). Ainsi, ils sont livrés dans leurs activités quotidiennes (traverser la cour pour se rendre aux toilettes communes, faire le ménage, boire un café, déjeuner, ne rien faire…) aux sarcasmes des « bien pensants » qui croient lire dans la dégradation du bâti des indices de la déliquescence morale de ceux qui y résident… vieil « effet Montesquieu »13 persistant !
La politique urbaine tend à transformer cette Rue en aire de « piétonnisation » : les zones de stationnements ont été supprimées par le rétrécissement de la chaussée et l’installation d’un cordon de plot. Conçue pour fluidifier le transit routier (déjà faible), éviter le stationnement des voitures, cette politique du « passant » cherche à faire circuler hommes et voitures.
Deux autres exemples d’aménagement (parmi d’autres) allaient dans le même sens : les habitants avaient demandé à ce qu’une fontaine (type Wallace) occupe le centre de la Place et la mairie de l’époque avait répondu « non, pour ne pas fixer[sic] une population de toxicomanes » ; puis plus récemment, la Place avait d’abord été encerclée d’un cordon de « mobiliers bas » (des petites colonnes assez larges de section et hautes de 55 cm) directement utilisés par les « jeunes » et les SDF comme des tabourets. Cela ne dura pas, ils furent remplacés par des piquets marrons métalliques uniquement propres à l’empalement !
Ce type de politique urbaine s’oppose pied à pied aux « résidants », que ce soit ceux qui vivent à la rue ou ceux, dont l’essentiel de la sociabilité s’organise dans la rue.
Les jeunes
« Ici, c’est un quartier de camés, tous les artistestous ils tapent dans le vin, le shit, ils sont tous défoncés… mais chez eux entre leurs quatre murs, alors là c’est bien. Nous, ça ne vient pas à notre esprit de fumer un joint à la maison devant les parents, les petites sœurs. […] Nous, on n’a pas été élevé comme ça. Nous avons été élevé dans le respect, donc on ne fait pas ces choses là devant les parents, c’est pour ça que l’on est dans la rue, c’est aussi simple. C’est pas le bonheur d’être ici mais on n’a rien à faire donc on est dehors à fumer et fumer c’est un loisir. Alors les gens, eux, ils disent : c’est des voyous, ils traînent… parce que le fait de respecter les parents, pour eux, c’est de l’insécurité et du banditisme… »
Cette argumentation retravaille à l’inverse la construction des limites de l’espace privé et publique.
Acoustique villageoise et triple isolation
L’espace sonore n’échappe pas à cette entreprise de « bornage », il est même parmi le plus convoqué (et réglementé juridiquement).
« Les nouveaux, ils se croient dans le XVIe […] Ils viennent, ils achètent des appartements à 15 plaques, ils rénovent leurs duplex pour 20 plaques – avec des salles de bains de la taille de chez nous, tu vois le délire ! – et voilà, il est chez lui et maintenant il appelle la police, il ne veut pas de bruit dans l’immeuble, il ne veut personne en bas, il veut tout changer, tout le quartier à cause de son appartement à 35 plaques… Nous, on est là depuis 23 ans et on chiait sur le palier, sans salle de bain !
- Mais ça date de quand ce changement ?
- Ce n’est pas nouveau, ça date… A l’époque, c’était comme un village. Les nouveaux ne savent pas que tellement les murs sont fins t’entends la voisine se faire niquer, l’autre qui pisse t’as l’impression que ça arrive chez toi, celui qui regarde son match de foot : tu sais tout ce qui se passe, quand il sort, quand il rentre, t’entends tout… C’est sûr qu’une fois que tu as banqué pour la triple isolation, tu ne veux plus entendre un bruit ! »
Il ne s’agit pas de sombrer dans l’angélisme et de décrire un « avant » qui aurait été un paisible océan ; il y avait quelques vagues et parfois des tempêtes. Mais on ne peut confondre un chahut domestique ponctuel et un chahut anomique constant dès les beaux jours jusqu’à 2 heures du matin ; d’autant que les nouvelles réglementations sur les nuisances sonores des débits de boissons sont très (voir trop) restrictives… mais ailleurs ! Ainsi, dans d’autres quartiers déjà lissés par la gentrification, les débordements de terrasses ou les dépassements horaires ne sont pas de mises : des patrouilles d’îlotiers y veillent (de même qu’ils verbalisent la présence attardée de poubelles d’immeubles sur les trottoirs), mais il s’agit là du stade ultime de la gentrification.
Pour l’instant, dans le Quartier, après des années où la police a joué (entre autres) la carte de l’infiltration (installation d’indics), l’amorce de la gentrification les pousse maintenant à y associer une stratégie de « nettoyage ».
Police et gentrification
La dimension répressive des politiques urbaines est caractéristique de ces mutations (au sens de déplacement) de groupes sociaux que recouvre le processus de gentrification. La police en est un acteur (et particulièrement dans le Quartier, la B.A.C., Brigade anticriminalité). Evidemment, en fonction des interlocuteurs, des groupes et des intérêts, les appréciations sur son activité sont contrastées .
Les nouveaux propriétaires (du temps de leur « manifeste »)
« L’accueil des plaignants au commissariat est sympathique, mais le discours répétitif de plusieurs agents est que Vous n’auriez jamais dû acheter là-dedans, Vous ne vous êtes pas renseigné d’abord ?, C’est pourri, il n’y a rien à faire, Partez, vendez… A notre connaissance, il n’y a eu qu’une seule intervention en été 2000 : plusieurs voitures sont venues, les jeunes ont été fouillés, menottés et arrêtés. Le lendemain, ils étaient à nouveau dans la rue comme si rien en s’était passé.[…]
Pourquoi la police n’intervient-elle pas ? Aurait-elle peur ? Aurait-elle des consignes ? Attend-elle un drame ? Attend-elle nos suggestions, notre aide ? »
Si donc pour les uns, la police ne fait rien, pour d’autres (les « jeunes ») elle en fait trop.
Madame Queenty : - Elle fait quoi la BAC ?
Les jeunes : - Ils viennent, ils nous lavent [sic] avec leurs bombes lacrymo et ils se cassent… c’est tout ce qu’ils font. Vous voyez comme on met du Baygon pour les cafards et bien nous c’est pareil, ils nous prennent pour des cafards de rue… ils nous gazent et ils se cassent !
Et puis quand on se fait gazer par une bombe lacrymogène, après on va prendre une douche et… madame Queenty, excusez-moi de parler de ça… mais votre anus et vos couilles… y a le feu ! Vous savez ce que c’est le feu ! Vous pleurez sous la douche, madame, parce que c’est du gel, ça colle et après ça fait des plaques qui font des ampoules…
- Ca vous gêne pour…
- Ca nous empêche de vivre, tout simplement. Quand ils passent, ils disent : on passe, vous savez pourquoi… les propriétaires nous ont appelés… qu’est-ce que vous faites là… maintenant vous vous cassez, vous disparaissez – les insultes avec, il n’y a même pas de bonjour ni rien – on répond : comment ça, qu’est-ce qu’on fait là, on est là et alors même si on veut on s’assoie, on reste là toute la nuit, on reste là 10 ans assis, c’est à tout le monde la rue, non ? Ils viennent ils disent aller dégagez et ils gazent !
- Et ils vous insultent ?
- Ben oui, vous croyez pas qu’ils viennent avec des petits gâteaux et du thé, madame Queenty, vraiment non… c’est : t’es un petit con… regarde moi bien… ferme ta gueule… Ils nous donnent des coups, nous plaquent contre le mur, la main dans le slip, dans le cul, enlève tes chaussures…
- Mais au commissariat ?
- Mais non ici… mais pas qu’ici, dans toute la France. C’est quand vous lui dîtes enlève tes mains de mes couilles qu’il vous emmène au commissariat. Vous lui dîtes je ne suis pas un animal, je suis un homme, un être humain, et c’est là qu’il vous met un rapport pour refus d’obtempérer, outrage et toi tu passes devant le juge, tu te manges 15 000 francs d’amende, le Trésor public te poursuit, t’as pas d’oseille, tu sors dehors t’es comme un fou. »
Madame Queenty apprit ensuite que ce type de pratiques policières n’était pas un cas isolé, d’autres témoignages à Paris et en banlieue en attestaient.
Madame Queenty était depuis sa fenêtre, un témoin parmi d’autres de la mutation paradoxale des quartiers populaires qui sont vidés de leurs habitants à cause de « l’attraction » qu’ils exercent. La gentrification devient alors un processus ambivalent qui permet à la fois d’entraver la dégradation du bâti par l’arrivée de fractions sociales plus aisées14 tout en marginalisant les usages de l’espace d’une population qui y reste transitoirement (?) majoritaire. Une chose était sûre : quand madame Queenty serait poussée dehors avec les artistes précaires et les jeunes désoeuvrés (parce que les propriétaires auront décidé de faire une grosse plus-value) elle n’aurait peut-être plus d’autre choix que d’atterrir dans un appartement avec fenêtre sur cour !
Elle passait donc beaucoup de temps derrière sa fenêtre car son ordinateur était devant. De là elle découvrait une Place (5 acacias, 2 bancs, 4 lampadaires style Hittorff sur 150 m2). Cette Place était le théâtre où s’activaient différents groupes : « jeunes », policiers, propriétaires, locataires en transit, cafetiers, touristes, naufragés… chacun tentant plus ou moins formellement d’organiser des usages légitimes sur ce microscopique territoire. Ces groupes porteurs de logiques et d’intérêts différents forgeaient autant de représentations du Quartier qui se heurtaient à l’image monolithique produite par des journalistes, des sociologues pressés.
Surtout ne pas voir L’effet écran de l’image médiatique
La presse écrite joue un rôle clé dans la construction de la représentation d’un quartier : « Une poignée de journalistes, copains de galeristes ou d’attachés de presse par exemple, peuvent aujourd’hui faire monter une rue du jour au lendemain »1. La multiplication des reportages consacrés à cette Rue en est l’illustration. A lire le magazine Elle, cette Rue fait maintenant partie des « petites rues très courues […] un petit coin perché […] qui fleure bon le Paris d’antan : les enfants dévalent les rues, les voisins papotent sur des chaises en bas de chez eux, les artistes passent d’une maison à l’autre… épatant pour grignoter au soleil et dîner d’une assiette de tapas ou d’un plat bistrot. »
Cette description contraste avec le diagnostic réalisé par la Ville de Paris : « Ce quartier présente en effet les stigmates de la pauvreté : insalubrité généralisée des immeubles, exiguïté et inconfort des logements, présence de trafic de drogue et de prostitution, activités souterraines (ateliers de confection), précarité des emplois et des statuts d’occupation des logements »2. Voilà donc un quartier pauvre et insalubre qui fait la une des « nouveaux spots pour sortir ».
A l’avenant, les photos produites par cette presse sont encore plus révélatrices… par ce qu’elles cachent. Toutes masquent, en y faisant dos, le côté de la place occupé par une Mission évangélique parmi les sans-logis. Cet effet écran gomme physiquement la présence « d’indésirables sociaux » dont on comprend qu’ils dépareraient dans un univers « délicieux ». Tout se passe donc comme si les solidarités de l’espace social et médiatique faisaient disparaître les hostilités (matérielles ou symboliques) liées à « d’encombrantes » proximités physiques.
La fausse heuristique d’un concept ramolli
Deux sociologues s’interrogeant sur les mutations des quartiers parisiens ont tenté de répondre à cette question « problématique » : « Comment et pourquoi une population qui se veut et se vit d’avant-garde jette-t-elle son dévolu sur ces vieux quartiers délaissés ? »3. Ils mobilisent le concept de gentrification4, et mettent l’accent sur les « facteurs urbains », les lois du marché immobilier, la « dimension culturelle », les artistes (pionniers à la recherche de vastes espaces de vie et de travail) qui rendent possible le processus : « Les nouveaux habitants, dans un processus classique de gentrification, ont aménagé les espaces artisanaux ou résidentiels en laissant nombre de traces d’une époque où le peuple ouvrier était l’occupant hégémonique ».
Ces sociologues consacrent quelques lignes à la Rue décrite ici, mais ils n’analysent pas dans leur contribution la dimension de conflits5 qui est le corollaire de ce genre de processus.
En l’occurrence, les artistes (précaires, tous vivent d’un travail alimentaire ou des minima sociaux) ne pouvaient impulser seul ce processus (ni ne le voulaient). C’est la combinatoire d’opérations commerciales qui est à l’origine de « l’ascension » de la Rue. En effet, cette Place est devenue un lieu où des brasseurs de la Bastille ont décidé d’investir dans le prolongement du vent furieusement « branché » qui soufflait déjà à un kilomètre de là sur la rue Oberkampf. Le nombre de bars-restaurants ne cessa d’augmenter pour passer (en moins de 5 ans) de 5 à plus de 15 sur à peine 200 mètres !
Le pionner de ces implantations commerciales a su rebondir sur un esprit de « village » (vocable repris dans le logo de l’association de quartier) ; la vie du Quartier s’est restructurée autour de la place du « village », ses cafés, sa Cantine, sa Mission (et surtout son pasteur), ses fêtes, sa lutte historique pour empêcher la démolition de l’îlot (en espérant une réhabilitation efficace), ses démons et ses stars locales etc.6
Mais sur la Place où il n’y avait plus de commerce depuis une dizaine d’années, cette installation ne s’est pas faite sans heurts. Cette dimension qui est constitutive du processus de gentrification permet de comprendre le mode de réalisation pratique de l’embourgeoisement (version Bobo). On peut alors pousser le concept de gentrification au-delà d’une construction idéologique pacifiée et lui restituer quelques vertus heuristiques.
Les habitants
Chez une partie des habitants, ces images-écrans diffusées à grands tirages fonctionnent aussi ; elles suscitent l’étonnement des rédacteurs de l’étude commanditée par la Ville de Paris qui met l’accent sur « un fort décalage entre les caractéristiques de la population résidente et l’image véhiculée par une fraction des occupants récents qui mettent en avant le caractère villageois et convivial du quartier ». En fonction des différents acteurs, ce contraste peut se rigidifier.
Les jeunes7
« Ici, c’est un quartier pourri, mais maintenant il y a les nouveaux et il faut s’adapter à l’atmosphère qu’ils veulent imposer dans le secteur, tu vois le délire… Ils veulent imposer une atmosphère digne du XVIe arrondissement. […] Il y a des réalisateurs qui habitent là, ils touchent 45 000 francs par mois, l’autre il est chanteur, dessinateur, l’autre à Canal Plus… et ils viennent habiter ici. Alors pourquoi ils viennent habiter ici ? Ben… parce qu’ils disent qu’ils aiment bien le vieux Paris. Mais pourquoi ils se plaignent de ce qui se passe dehors ? Est-ce que ça fait partie de leur loyer ou de leur traite ? Je ne comprends pas ! »
Les nouveaux propriétaires
Parmi les nouveaux propriétaires, certains se sont concertés pour rédiger un document de 7 pages intitulé Incivilité et insécurité dans le Quartier (comme pour rebondir sur les catégories impensées de TF1). Ils tentent de révéler « la signification réelle de faits d’apparence mineure » dans une analyse peu freudienne. Ils proposent ensuite leur catalogue de « l’ incivilité et de la délinquance ordinaire : un groupe de jeunes adultes, entre 20 et 30 ans, occupe la Rue, les cours et les cages d’escalier l’après-midi et la soirée jusqu’à une heure avancée de la nuit. […] Certains ont un comportement violent, d’autres non, quelques-uns ont fait de la prison. […] Ces jeunes stationnent en groupe de trois à plus d’une dizaine. Les passants sont obligés de passer parmi eux ou de les contourner […]. Cela ne serait pas gênant si ces jeunes ne montraient une certaine hostilité en ne répondant pas au salut qui leur est adressé […] Ces jeunes stationnent maintenant dans [un petit bras de la Rue], il y a un an ou deux ils étaient sur la Place. Discussions, rires, disputes, bouteilles cassées, musique d’autoradio font beaucoup de tapage […] Devant ces comportements incivils et délictueux, quelle est la réaction des autori-
tés […] ? »
Madame Queenty avait en réunion qualifié ce texte de « réactionnaire » : ces rédacteurs s’étaient sentis insultés dans leur sensibilité-de-gauche, ce qui montre à quel point le vent sécuritaire a fait du chemin pour se naturaliser de la sorte (merci encore à TF1 & Co !) Le plus étonnant dans la démarche de ce « manifeste » était de s’adresser d’abord aux « autorités » plutôt que d’aller à la rencontre des « jeunes ». Dans la discussion, madame Queenty et le président de l’association de quartier livrèrent des éléments d’explication pour comprendre des pics (relatifs) d’agitation (pour cela il fallait croiser des faits de natures diverses dont la conjonction était fortuite et ponctuelle). Tous convinrent ensuite de la nécessité de se saisir de toutes les occasions de la vicinalité pour engager le « dialogue » (et c’est dans ce cadre que madame Queenty proposa de réaliser quelques entretiens). Le « manifeste » en resta là, il ne circula plus.
Mais cette opposition des discours entre ceux qui ont une place dans l’espace physique (et social) et ceux qui n’en n’ont pas (ou si peu) est un clivage commun à de nombreux conflits qui irriguent les luttes pour l’appropriation de l’espace.
Deux moments forts de la journée permettaient de croiser les autres strates de résidants révélant un substrat social d’une extrême précarité (parfois proche d’un sous-prolétariat).
Les « domiciliés »
Le matin madame Queenty allait boire son café au PMU de la rue voisine. Pour cela, il lui fallait passer devant une haie d’honneur un peu particulière liée à la présence de la Mission évangélique parmi les sans-logis depuis 1987. Une des activités sociales de la Mission consiste à organiser la domiciliation de populations précarisées (des SDF, des réfugiés…) plus de 5000 en 2002. Cette adresse est pour eux une porte ouverte vers « une identité, l’obtention de subsides, des nouvelles de la famille etc. »8. Chaque jour, en fonction de leur nationalité, ils se pressent dès l’aube tapissant les murs de la Place pour être sûrs de pouvoir retirer lettre-chèque du RMI, documents administratifs, etc. Tous les matins madame Queenty traversait donc cette salle d’attente à ciel ouvert pour prendre son café ; tous les matins il lui fallait affronter ce corridor du bunker Schengen et ce n’était pas si simple…
Les intermittants
Madame Queenty déjeunait tous les midis à la Cantine (restaurant associatif construit par les intermittents du spectacle et où, pour 3 euros, des habitants de la Rue font à manger pour d’autres. Cette initiative s’est mise à prospérer quand d’anciens ateliers de confections, des boutiques abandonnées, ont été investies par de jeunes artistes désargentés (sculpteur, vitrailliste, peintre, styliste, potier, photographe, danseur, musicien…). Ils ont constitué une population captive idéale pour faire vivre la Cantine comme carrefour de convivialité, de création et de précarité.
Chronique des usagés
C’est de 1994 que date la première grosse installation commerciale et la multiplication des conflits (surtout à partir de 1997 avec l’installation d’une première terrasse sur la Place). Ils opposèrent régulièrement le cafetier paternaliste-de-gauche ou ses client(e)s aux « jeunes » résidants fixés sur la Place où ils avaient l’habitude de pratiquer jeux de balles, mécanique, négoce (pas encore légalisé), fumerie et bavardage.
Les jeunes
« On est les plus anciens du quartier et on est les plus maltraités ! Ma parole, quand on rentre dans les cafés, ils nous regardent comme si on était des touristes, alors que nous on connaît le lieu depuis toujours ! »
Conformément à la tradition d’accueil de ces quartiers populaires9, les parents de ces « jeunes » y sont arrivés dans les années 60 avec les grandes vagues de migrations. Certains améliorant leurs conditions de vie sont partis, cédant leur location à d’autres migrants, le bas Belleville servant ainsi de « sas » (un tiers du parc locatif a été renouvelé ces trois dernières années), d’autres notamment s’ils avaient achetés sont restés.
Les jeunes
« Ici, c’est un quartier pourri, c’est un quartier qui est normalement pour les gens qui arrivent de loin10. Quand ils arrivent de leur pays, ils trouvent un logement d’attente ici, c’est la première étape : le mec il vient ici, il loue un petit studio pour 1000 balles – maintenant pour eux, ils ont augmenté le loyer à 4000 – et puis ils trouvent du travail, des papiers et tout doucement comme il essaye de s’en sortir, un jour il s’en va. »
La plupart de ces « jeunes » vivent donc là depuis leur enfance, moyennant quoi mada-me Queenty les avait toujours connus. Les interventions de la police, des pompiers, des habitants etc. se multipliaient pour régler les différends entre bistrotier (employant par moment certains de ces jeunes) et les « jeunes » collectivement stimulés par l’arrivée soudaine et massive d’une population bourgeoise venant se repaître du vieux Paris au son de l’accordéon.
L’exaspération du cafetier, conjuguée à une mauvaise gestion (des ressources humaines et financières) mirent fin à cette première expérience qui vit au plus fort de la crise le cafetier pseudo-débonnaire-de-gauche dé-bouller sur la Place avec un pistolet à grenaille.
Il chercha à vendre en présentant comme suit la situation à la seule personne qu’il pensait pouvoir faire face (parce qu’elle avait réussi, dans le même arrondissement à transformer un PMU malfamé en bar chantant) :
Le nouveau bistrotier
« Le premier truc ça a été qu’il m’a dit : j’ai des mecs qui m’envahissent mon bar, je ne peux pas faire des concerts sans que les musiciens se fassent racketter, il y a des bastons sur la place, l’autre qui habite en face, il m’a menacé avec un poignard hier soir, l’autre il a sorti un pétard, mon barman n’en peut plus… je n’en peux plus, j’ai trop de stress, je m’en vais… pour un mec qui voulait vendre son affaire, c’était très honnête mais ça refroidissait un petit peu. »
La terrasse ou le foot
Après la faillite de ce premier bar11, le successeur élu releva donc le défi. L’« Ober-kampfisation » s’accéléra, tous les coins étaient maintenant occupés par des bars-restaus (n’ouvrant pas avant 17 heures) et, nouvelle étape, d’immenses terrasses se mirent à fleurir sur la Place ou sur les trottoirs jusqu’au milieu de la nuit pour des bourgeois venant s’encanailler à Belleville (vieille vocation de la Courtille du XVIIIe siècle).
Le nouveau bistrotier
« C’est vrai que l’on a imposé une terrasse et on ne voulait pas faire comme le café voisin en sortant une table par une table, parce que ça montrait que l’on avait peur des mecs qui voulaient dominer la Place et que nous il fallait aussi que l’on renvoie ce rapport de force en installant une terrasse massive, en essayant qu’il y ait le plus de monde pour qu’ils ne se sentent pas possesseur de cette place […] »
Cette occupation physique de la Place exacerba les conflits d’usages : elle rendait les jeux de ballons impossibles puisqu’il était difficile d’éviter les sorties de « terrain » :
Le nouveau bistrotier
« Alors pendant tout l’été, il y a eu des parties de foot très violentes qui avaient pour unique objectif de vider les terrasses, les ballons qui passaient sur les tables pour faire peur aux gens… mais je dois dire aussi que ma clientèle à moi a beaucoup plus résisté que celle du café voisin, nos clients ont résisté, ils gardaient le ballon, ils parlaient alors qu’à côté la terrasse se vidait en 3 temps, 3 mouvements, parce que c’était des gens plus bobos […] ; et puis nous on appelait les flics assez régulièrement quand ça commençait
à chauffer, mais en se posant des ques-
tions… ce n’était pas notre truc d’appeler les flics. »
Cela contraignit peu à peu les « jeunes » joueurs à abandonner la Place pour se replier d’abord sur la chaussée, puis enfin à l’écart bien en contrebas dans un passage de la Rue peu circulant. De leur côté, les cafetiers se mirent à déborder, ne respectant ni les surfaces allouées par la préfecture, ni les horaires négociés avec l’association de quartier : l’affluence devint telle que la Place étaient aux beaux jours un parking à scooters et les bancs, les annexes des restaurants.
Etre au banc… et en être chassé
Or, les 2 bancs de la Place faisaient l’objet d’usages réglés au cours de la journée. S’il arrivait parfois d’y trouver au petit matin des formes emmitouflées dans un duvet et attendant l’ouverture de la Mission évangélique parmi les sans-logis, s’y installait tous les jours à partir de 15 heures une population de « mangeurs de soupe » (avec quelques éléments alcoolisés) espérant le repas offert à 17 heures par la Mission. Sur ces horaires, les « jeunes » qui y discutaient à longueur d’après-midis laissaient leur place aux naufragés12 peut-être par peur de « contamination » et/ou pour éviter tout risque d’amalgame. Ces SDF trouvaient là un temps pour se poser tranquillement à l’abri des regards. En face, la pression des branchés au téléphone et à l’ordinateur nomades, copieusement étalés en terrasse avec vue imprenable sur ces bancs a contribué à rendre plus volatile ces populations qui ne peuvent pas toujours soutenir le regard et ne cherchent pas à être encore plus stigmatisées. Trois univers s’affrontent et les plus faibles sont repoussés dans des zones moins exposées, plus périphériques : les halls d’immeubles, les rebords de trottoirs ou de murets.
C’est ce même phénomène de « sur-exposition » de l’espace privé que vivent les habitants dont les logements ouvrent de plein pieds sur les cours (démunies parfois de portes et souvent de code d’accès électronique). Ils sont en effet « visités » le week-end par des hordes de marcheurs (un guide de randonnée à pieds récemment publié en soulignant le caractère « pittoresque »). Ainsi, ils sont livrés dans leurs activités quotidiennes (traverser la cour pour se rendre aux toilettes communes, faire le ménage, boire un café, déjeuner, ne rien faire…) aux sarcasmes des « bien pensants » qui croient lire dans la dégradation du bâti des indices de la déliquescence morale de ceux qui y résident… vieil « effet Montesquieu »13 persistant !
La politique urbaine tend à transformer cette Rue en aire de « piétonnisation » : les zones de stationnements ont été supprimées par le rétrécissement de la chaussée et l’installation d’un cordon de plot. Conçue pour fluidifier le transit routier (déjà faible), éviter le stationnement des voitures, cette politique du « passant » cherche à faire circuler hommes et voitures.
Deux autres exemples d’aménagement (parmi d’autres) allaient dans le même sens : les habitants avaient demandé à ce qu’une fontaine (type Wallace) occupe le centre de la Place et la mairie de l’époque avait répondu « non, pour ne pas fixer[sic] une population de toxicomanes » ; puis plus récemment, la Place avait d’abord été encerclée d’un cordon de « mobiliers bas » (des petites colonnes assez larges de section et hautes de 55 cm) directement utilisés par les « jeunes » et les SDF comme des tabourets. Cela ne dura pas, ils furent remplacés par des piquets marrons métalliques uniquement propres à l’empalement !
Ce type de politique urbaine s’oppose pied à pied aux « résidants », que ce soit ceux qui vivent à la rue ou ceux, dont l’essentiel de la sociabilité s’organise dans la rue.
Les jeunes
« Ici, c’est un quartier de camés, tous les artistestous ils tapent dans le vin, le shit, ils sont tous défoncés… mais chez eux entre leurs quatre murs, alors là c’est bien. Nous, ça ne vient pas à notre esprit de fumer un joint à la maison devant les parents, les petites sœurs. […] Nous, on n’a pas été élevé comme ça. Nous avons été élevé dans le respect, donc on ne fait pas ces choses là devant les parents, c’est pour ça que l’on est dans la rue, c’est aussi simple. C’est pas le bonheur d’être ici mais on n’a rien à faire donc on est dehors à fumer et fumer c’est un loisir. Alors les gens, eux, ils disent : c’est des voyous, ils traînent… parce que le fait de respecter les parents, pour eux, c’est de l’insécurité et du banditisme… »
Cette argumentation retravaille à l’inverse la construction des limites de l’espace privé et publique.
Acoustique villageoise et triple isolation
L’espace sonore n’échappe pas à cette entreprise de « bornage », il est même parmi le plus convoqué (et réglementé juridiquement).
« Les nouveaux, ils se croient dans le XVIe […] Ils viennent, ils achètent des appartements à 15 plaques, ils rénovent leurs duplex pour 20 plaques – avec des salles de bains de la taille de chez nous, tu vois le délire ! – et voilà, il est chez lui et maintenant il appelle la police, il ne veut pas de bruit dans l’immeuble, il ne veut personne en bas, il veut tout changer, tout le quartier à cause de son appartement à 35 plaques… Nous, on est là depuis 23 ans et on chiait sur le palier, sans salle de bain !
- Mais ça date de quand ce changement ?
- Ce n’est pas nouveau, ça date… A l’époque, c’était comme un village. Les nouveaux ne savent pas que tellement les murs sont fins t’entends la voisine se faire niquer, l’autre qui pisse t’as l’impression que ça arrive chez toi, celui qui regarde son match de foot : tu sais tout ce qui se passe, quand il sort, quand il rentre, t’entends tout… C’est sûr qu’une fois que tu as banqué pour la triple isolation, tu ne veux plus entendre un bruit ! »
Il ne s’agit pas de sombrer dans l’angélisme et de décrire un « avant » qui aurait été un paisible océan ; il y avait quelques vagues et parfois des tempêtes. Mais on ne peut confondre un chahut domestique ponctuel et un chahut anomique constant dès les beaux jours jusqu’à 2 heures du matin ; d’autant que les nouvelles réglementations sur les nuisances sonores des débits de boissons sont très (voir trop) restrictives… mais ailleurs ! Ainsi, dans d’autres quartiers déjà lissés par la gentrification, les débordements de terrasses ou les dépassements horaires ne sont pas de mises : des patrouilles d’îlotiers y veillent (de même qu’ils verbalisent la présence attardée de poubelles d’immeubles sur les trottoirs), mais il s’agit là du stade ultime de la gentrification.
Pour l’instant, dans le Quartier, après des années où la police a joué (entre autres) la carte de l’infiltration (installation d’indics), l’amorce de la gentrification les pousse maintenant à y associer une stratégie de « nettoyage ».
Police et gentrification
La dimension répressive des politiques urbaines est caractéristique de ces mutations (au sens de déplacement) de groupes sociaux que recouvre le processus de gentrification. La police en est un acteur (et particulièrement dans le Quartier, la B.A.C., Brigade anticriminalité). Evidemment, en fonction des interlocuteurs, des groupes et des intérêts, les appréciations sur son activité sont contrastées .
Les nouveaux propriétaires (du temps de leur « manifeste »)
« L’accueil des plaignants au commissariat est sympathique, mais le discours répétitif de plusieurs agents est que Vous n’auriez jamais dû acheter là-dedans, Vous ne vous êtes pas renseigné d’abord ?, C’est pourri, il n’y a rien à faire, Partez, vendez… A notre connaissance, il n’y a eu qu’une seule intervention en été 2000 : plusieurs voitures sont venues, les jeunes ont été fouillés, menottés et arrêtés. Le lendemain, ils étaient à nouveau dans la rue comme si rien en s’était passé.[…]
Pourquoi la police n’intervient-elle pas ? Aurait-elle peur ? Aurait-elle des consignes ? Attend-elle un drame ? Attend-elle nos suggestions, notre aide ? »
Si donc pour les uns, la police ne fait rien, pour d’autres (les « jeunes ») elle en fait trop.
Madame Queenty : - Elle fait quoi la BAC ?
Les jeunes : - Ils viennent, ils nous lavent [sic] avec leurs bombes lacrymo et ils se cassent… c’est tout ce qu’ils font. Vous voyez comme on met du Baygon pour les cafards et bien nous c’est pareil, ils nous prennent pour des cafards de rue… ils nous gazent et ils se cassent !
Et puis quand on se fait gazer par une bombe lacrymogène, après on va prendre une douche et… madame Queenty, excusez-moi de parler de ça… mais votre anus et vos couilles… y a le feu ! Vous savez ce que c’est le feu ! Vous pleurez sous la douche, madame, parce que c’est du gel, ça colle et après ça fait des plaques qui font des ampoules…
- Ca vous gêne pour…
- Ca nous empêche de vivre, tout simplement. Quand ils passent, ils disent : on passe, vous savez pourquoi… les propriétaires nous ont appelés… qu’est-ce que vous faites là… maintenant vous vous cassez, vous disparaissez – les insultes avec, il n’y a même pas de bonjour ni rien – on répond : comment ça, qu’est-ce qu’on fait là, on est là et alors même si on veut on s’assoie, on reste là toute la nuit, on reste là 10 ans assis, c’est à tout le monde la rue, non ? Ils viennent ils disent aller dégagez et ils gazent !
- Et ils vous insultent ?
- Ben oui, vous croyez pas qu’ils viennent avec des petits gâteaux et du thé, madame Queenty, vraiment non… c’est : t’es un petit con… regarde moi bien… ferme ta gueule… Ils nous donnent des coups, nous plaquent contre le mur, la main dans le slip, dans le cul, enlève tes chaussures…
- Mais au commissariat ?
- Mais non ici… mais pas qu’ici, dans toute la France. C’est quand vous lui dîtes enlève tes mains de mes couilles qu’il vous emmène au commissariat. Vous lui dîtes je ne suis pas un animal, je suis un homme, un être humain, et c’est là qu’il vous met un rapport pour refus d’obtempérer, outrage et toi tu passes devant le juge, tu te manges 15 000 francs d’amende, le Trésor public te poursuit, t’as pas d’oseille, tu sors dehors t’es comme un fou. »
Madame Queenty apprit ensuite que ce type de pratiques policières n’était pas un cas isolé, d’autres témoignages à Paris et en banlieue en attestaient.
Madame Queenty était depuis sa fenêtre, un témoin parmi d’autres de la mutation paradoxale des quartiers populaires qui sont vidés de leurs habitants à cause de « l’attraction » qu’ils exercent. La gentrification devient alors un processus ambivalent qui permet à la fois d’entraver la dégradation du bâti par l’arrivée de fractions sociales plus aisées14 tout en marginalisant les usages de l’espace d’une population qui y reste transitoirement (?) majoritaire. Une chose était sûre : quand madame Queenty serait poussée dehors avec les artistes précaires et les jeunes désoeuvrés (parce que les propriétaires auront décidé de faire une grosse plus-value) elle n’aurait peut-être plus d’autre choix que d’atterrir dans un appartement avec fenêtre sur cour !
Sociologue. Ce texte est extrait d’« Un quartier populaire dans la tourmente de l’embourgeoisement » publié dans l’ouvrage collectif La fabrique de la haine : contre la logique sécuritaire et l’apartheid social, L’Esprit frappeur, 2002.
(1) Comment le chic vient au quartier, Elle, 5 novembre 2001.
(2) Etude préalable à la mise en place d’une OPAH, Note de synthèse, cabinet URBANIS, 2000, enquête réalisée auprès de 334 ménages du quartier qui représentent 70% des logements occupés.
(3) M. Pinçon et M. Pinçon-Charlot, Paris-Mosaïque, Calman-Lévy, 2001.
(4) Anglicisme signifiant l’embourgeoisement d’un quartier populaire.
(5) Pourtant au centre de leurs travaux des années 1980 Cf. Pinçon M., Cohabiter : groupes sociaux et mode de vie dans une cité HLM,, Plan construction et architecture, Paris, 1982.
(6) Un bon indicateur de cette micro-localité serait d’ailleurs le nombre accru des unions endogamiques, surtout entre précaires.
(7) Entretiens enregistrés dans des halls d’immeubles avec une petite dizaine de jeunes hommes âgés de 20 à 25 ans, au chômage, habitant le Quartier depuis leur enfance.
(8) Comme l’écrit l’ancien pasteur de la Mission, Christophe Boumard, Domicile fixe : la rue, Ed. Emprunte, 1999.
(9) C’est dans ce quartier qu’à partir du XVIIIe les provinciaux viennent s’installer, Cf. E. Jacomin, Belleville, Ed. Henri Veyrier, 1980.
(10) Comme le corrobore la Note de synthèse : « ce quartier est encore et avant tout marqué par la présence de ménages étrangers à faibles ressources (plus d’un ménage sur deux est originaire d’un pays hors CEE. »
(11) Le bistrotier s’en est retourné à Bastille pour renouer avec le succès et une clientèle hautement gauche-caviar.
(12) Avec les clochards de Paris, P. Declerck, Plon, 2001
(13) Théorie des climats de Montesquieu, qui entremêle une allure d’observation scientifique à une analogie mythique.
(14) Tout en nécessitant cependant le relais financier des institutions car les copropriétés sont lourdement endettées et les nouveaux propriétaires encore minoritaires.
(1) Comment le chic vient au quartier, Elle, 5 novembre 2001.
(2) Etude préalable à la mise en place d’une OPAH, Note de synthèse, cabinet URBANIS, 2000, enquête réalisée auprès de 334 ménages du quartier qui représentent 70% des logements occupés.
(3) M. Pinçon et M. Pinçon-Charlot, Paris-Mosaïque, Calman-Lévy, 2001.
(4) Anglicisme signifiant l’embourgeoisement d’un quartier populaire.
(5) Pourtant au centre de leurs travaux des années 1980 Cf. Pinçon M., Cohabiter : groupes sociaux et mode de vie dans une cité HLM,, Plan construction et architecture, Paris, 1982.
(6) Un bon indicateur de cette micro-localité serait d’ailleurs le nombre accru des unions endogamiques, surtout entre précaires.
(7) Entretiens enregistrés dans des halls d’immeubles avec une petite dizaine de jeunes hommes âgés de 20 à 25 ans, au chômage, habitant le Quartier depuis leur enfance.
(8) Comme l’écrit l’ancien pasteur de la Mission, Christophe Boumard, Domicile fixe : la rue, Ed. Emprunte, 1999.
(9) C’est dans ce quartier qu’à partir du XVIIIe les provinciaux viennent s’installer, Cf. E. Jacomin, Belleville, Ed. Henri Veyrier, 1980.
(10) Comme le corrobore la Note de synthèse : « ce quartier est encore et avant tout marqué par la présence de ménages étrangers à faibles ressources (plus d’un ménage sur deux est originaire d’un pays hors CEE. »
(11) Le bistrotier s’en est retourné à Bastille pour renouer avec le succès et une clientèle hautement gauche-caviar.
(12) Avec les clochards de Paris, P. Declerck, Plon, 2001
(13) Théorie des climats de Montesquieu, qui entremêle une allure d’observation scientifique à une analogie mythique.
(14) Tout en nécessitant cependant le relais financier des institutions car les copropriétés sont lourdement endettées et les nouveaux propriétaires encore minoritaires.