Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace d’expression pour travailler, comme nous y enjoint Jean–Luc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore qu’un libre espace de parole, Notre Monde s’appuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°48 [avril 2004 - juin 2004]
© Passant n°48 [avril 2004 - juin 2004]
par Sarah Saada
Imprimer l'articleDix-huit octobre
Chant d’amour réactionnaire aux non-disparusvermine – déjà de l’autre siècle
tabac – déjà de l’autre siècle
soulier – moustache – intraçabilité – avortement
même crissement de la pluie toutefois la nuit aux fenêtres
autre temps
la nuit (milles images d’une image)
n’effraye plus
les corps qui se protègent la fendent
ces corps ne savent rien du silence
mais vous –
vous traversez la ville
ville à peine peuplée de signes, sans vitesse –
vous traversez la ville comme l’enfer l’a traversée
vos vêtements vous recouvrent comme de lierre, de terre
(la femme au visage de moineau brûlé)
vous n’êtes pas triste vous sifflez
il pleut quelle merveille
l’humanité sera lavée
nettoyée asservie puis lavée encore
(Grandes Eaux sanctifiées de javel)
putréfaction – hygiène – d’un siècle l’autre
mort ? – hors de prix – du siècle présent violence neutre
lumière artificielle sur les ondulations de métal
circuits œuvrant à la vitesse des lumières crues
père et mère ? – à voir… corps sans age ne couvant plus
que leur désœuvrement actif enlisement d’un quart de siècle
(voix : pour mourir
il faudra vraiment le vouloir)
vous avez tourné votre visage et je vous ai vu
vos vêtements comme de terre de lierre – non : choisis – je les ai vus
et vos yeux
plus que votre sourire : vos yeux
vous ne me voyez pas vous ne pouvez pas me voir
je vous regarde à distance
la Très Grande Vitesse n’y pourra rien vous
vous courriez n’est-ce pas ?
c’est cet après-midi de septembre d’août
ou cet après-midi d’avril
comme je vous vois
vous êtes l’homme et la femme
l’homme et la femme – ensemble
(mais s’il le faut que l’on puisse sans souffrir les séparer)
l’odeur de mort – non vous
vous ne pouvez pas mourir
encore elle vous pénètre encore (parfums de fête foraine
d’asticots à Grande roue)
les visages ont été transformés
l’enfance ni l’adolescence ne les quittent plus voyez-vous les visages ?
avez-vous songé regardant le ciel à tout ce qui disparaîtrait ?
locomotives – terres vierges – vergers ?
que les corps enfin s’accomplissent en maîtres collectivités :
peaux propres Je de salive
leur communion stérile leur frénésie de contagion
le danger d’où vient-il ?
et comment dire le mot d’accomplissement ?
vous le mot l’avez-vous dit ?
comme les chemins sont larges regardez
comme les chemins sont larges
des étendues désertes on a fait des chemins
empruntables en masse – faits pour être : déserts – quoi d’autre ?
(voix : vous ne pourrez pas dire
que l ’on ne vous avait pas prévenus)
mouvement : de haut en bas de l’intérieur
vers l’intérieur écrire ? – taper – effacer lorsque
la mémoire sature rien que l’on ne puisse remplacer rien
qui ne puisse être dit rien qui ne puisse être fait de bocal citoyen
à bocal citoyen les clapotis d’indignation du bout de l’ongle seul
gratter sa chance le danger d’où vient-il ?
du ciel – cela n’a pas changé
chercher plus bas grondent-ils chercher les responsables
Le trouver ? non les chercher il n’y a plus rien à trouver
vous parlez je ne vois plus que vos lèvres
votre voix ne porte pas
ni n’accomplit plusieurs fois le tour de la terre l’air
est tiède, mais vous frottez vos mains doucement l’une contre l’autre,
tout en parlant – du frottement de vos mains s’élève
un fin nuage poussière dorée (vos mains les mains anciennes
mains qui ne voulaient pas apprendre
à travailler – mais qui pensaient le monde)
l’enfance, c’était lever les yeux et voir le père la mère
– puis cela mourait – comme éclosait alors (dans les yeux qui cherchaient
plus bas presque en face et qui ne ramenaient plus le couple de tisons
diamants fruits interdits mais le cercle
indécis sous la paupière enfin vieille) la colère
d’être ou de n’être plus de ces deux-là : l’enfant
– puis cela aussi mourait – et c’était l’âge adulte
– et l’on voyait clairement que ces deux-là
mourraient – cela n’existe plus
ce temps ces morts ces corps n’existent plus – séparations
anéanties berges noyées – un seul flux
nul que l’on ne puisse remplacer
rien que l’on ne puisse devenir
toute chose : à portée de la main
vos mains à vous se sont tendues au plus loin
sans espoir d’en rien ramener
et ce rien-là comptait non vos mains
entre vous et moi : la terre
devant nous : l’eau que sera-t-il resté
de vous que l’on puisse tenir dans sa main
les mots
pour dire votre regard le ciel se couvre
le jour brûlera encore, je le sais
vous êtes la femme soumise aux foudres
regard perçant sous la douceur des mains
vous êtes l’homme qui parlait une autre langue la langue ancienne
mains à tordre des cous yeux éperdus d’amandiers en fleurs
vous êtes toute la douceur
la beauté du visage jusqu’au visage du paysage
vous êtes la langue – et ce qui tord – les amandiers en fleurs
entre nous : la terre à peine
le chiffre et votre nom
l’enfer se retire vous êtes là vous allez
moi j’aurais voulu naître en mille huit cent trente-deux
oui
mais votre main qui caressait des lèvres et d’autres mains
je la caresse (l’encre séchée avant mes premières peurs séchées)
je vous regarde
où êtes-vous ?
se reproduire n’est-ce pas vous ne croyez pas
c’est la seule chose à faire
comme je vous vois
vous votre pas
vos fureurs indomptées qui vieillissaient le bleu du ciel
fertilisaient la terre inhabitable – vergers, encore ? –
et vos amours – lumière qui jamais ne faiblit – impossibles
interdits de cela vous ne vous effrayiez pas
à l’impossible votre corps avait son mot à dire
comme aux caresses d’un siècle l’autre
comme aux mains invisibles
intelligence de votre corps sous les amours le ciel les foudres
non chut à la croisée de tous les possibles
mais pas à pas gagnant les champs hostiles, les terrains vagues
non pour les conquérir mais pour s’y perdre
s’y perdre s’y perdre encore lentement méthodiquement
à l’heure des vies errantes juifs chats herbes sauvages quelle importance ?
là se dressait votre royaume
oui vous étiez chez-vous là-bas
étranger attentif
à vos côtés s’avançant de son pas de vierge la chose à venir
chose née de vous sortie de vous
– c’est la seule chose à faire –
rendue au monde sans plus de douleur qu’il n’en coûte
pour de sa chair délivrer la chair
oui – vous fûtes délivrée alors
la chose dort sous mon bras
cette vitesse du bord de l’eau si vous saviez
non nous ne pourrons nous y donner rendez-vous c’est fini
ni y noyer le mari entre les arbres
l’amour va disparaître
oui sans doute – déjà de l’autre siècle
le troisième millénaire – cela vous impressionne ?
nous sommes le dix-huit octobre deux mille trois
tabac – déjà de l’autre siècle
soulier – moustache – intraçabilité – avortement
même crissement de la pluie toutefois la nuit aux fenêtres
autre temps
la nuit (milles images d’une image)
n’effraye plus
les corps qui se protègent la fendent
ces corps ne savent rien du silence
mais vous –
vous traversez la ville
ville à peine peuplée de signes, sans vitesse –
vous traversez la ville comme l’enfer l’a traversée
vos vêtements vous recouvrent comme de lierre, de terre
(la femme au visage de moineau brûlé)
vous n’êtes pas triste vous sifflez
il pleut quelle merveille
l’humanité sera lavée
nettoyée asservie puis lavée encore
(Grandes Eaux sanctifiées de javel)
putréfaction – hygiène – d’un siècle l’autre
mort ? – hors de prix – du siècle présent violence neutre
lumière artificielle sur les ondulations de métal
circuits œuvrant à la vitesse des lumières crues
père et mère ? – à voir… corps sans age ne couvant plus
que leur désœuvrement actif enlisement d’un quart de siècle
(voix : pour mourir
il faudra vraiment le vouloir)
vous avez tourné votre visage et je vous ai vu
vos vêtements comme de terre de lierre – non : choisis – je les ai vus
et vos yeux
plus que votre sourire : vos yeux
vous ne me voyez pas vous ne pouvez pas me voir
je vous regarde à distance
la Très Grande Vitesse n’y pourra rien vous
vous courriez n’est-ce pas ?
c’est cet après-midi de septembre d’août
ou cet après-midi d’avril
comme je vous vois
vous êtes l’homme et la femme
l’homme et la femme – ensemble
(mais s’il le faut que l’on puisse sans souffrir les séparer)
l’odeur de mort – non vous
vous ne pouvez pas mourir
encore elle vous pénètre encore (parfums de fête foraine
d’asticots à Grande roue)
les visages ont été transformés
l’enfance ni l’adolescence ne les quittent plus voyez-vous les visages ?
avez-vous songé regardant le ciel à tout ce qui disparaîtrait ?
locomotives – terres vierges – vergers ?
que les corps enfin s’accomplissent en maîtres collectivités :
peaux propres Je de salive
leur communion stérile leur frénésie de contagion
le danger d’où vient-il ?
et comment dire le mot d’accomplissement ?
vous le mot l’avez-vous dit ?
comme les chemins sont larges regardez
comme les chemins sont larges
des étendues désertes on a fait des chemins
empruntables en masse – faits pour être : déserts – quoi d’autre ?
(voix : vous ne pourrez pas dire
que l ’on ne vous avait pas prévenus)
mouvement : de haut en bas de l’intérieur
vers l’intérieur écrire ? – taper – effacer lorsque
la mémoire sature rien que l’on ne puisse remplacer rien
qui ne puisse être dit rien qui ne puisse être fait de bocal citoyen
à bocal citoyen les clapotis d’indignation du bout de l’ongle seul
gratter sa chance le danger d’où vient-il ?
du ciel – cela n’a pas changé
chercher plus bas grondent-ils chercher les responsables
Le trouver ? non les chercher il n’y a plus rien à trouver
vous parlez je ne vois plus que vos lèvres
votre voix ne porte pas
ni n’accomplit plusieurs fois le tour de la terre l’air
est tiède, mais vous frottez vos mains doucement l’une contre l’autre,
tout en parlant – du frottement de vos mains s’élève
un fin nuage poussière dorée (vos mains les mains anciennes
mains qui ne voulaient pas apprendre
à travailler – mais qui pensaient le monde)
l’enfance, c’était lever les yeux et voir le père la mère
– puis cela mourait – comme éclosait alors (dans les yeux qui cherchaient
plus bas presque en face et qui ne ramenaient plus le couple de tisons
diamants fruits interdits mais le cercle
indécis sous la paupière enfin vieille) la colère
d’être ou de n’être plus de ces deux-là : l’enfant
– puis cela aussi mourait – et c’était l’âge adulte
– et l’on voyait clairement que ces deux-là
mourraient – cela n’existe plus
ce temps ces morts ces corps n’existent plus – séparations
anéanties berges noyées – un seul flux
nul que l’on ne puisse remplacer
rien que l’on ne puisse devenir
toute chose : à portée de la main
vos mains à vous se sont tendues au plus loin
sans espoir d’en rien ramener
et ce rien-là comptait non vos mains
entre vous et moi : la terre
devant nous : l’eau que sera-t-il resté
de vous que l’on puisse tenir dans sa main
les mots
pour dire votre regard le ciel se couvre
le jour brûlera encore, je le sais
vous êtes la femme soumise aux foudres
regard perçant sous la douceur des mains
vous êtes l’homme qui parlait une autre langue la langue ancienne
mains à tordre des cous yeux éperdus d’amandiers en fleurs
vous êtes toute la douceur
la beauté du visage jusqu’au visage du paysage
vous êtes la langue – et ce qui tord – les amandiers en fleurs
entre nous : la terre à peine
le chiffre et votre nom
l’enfer se retire vous êtes là vous allez
moi j’aurais voulu naître en mille huit cent trente-deux
oui
mais votre main qui caressait des lèvres et d’autres mains
je la caresse (l’encre séchée avant mes premières peurs séchées)
je vous regarde
où êtes-vous ?
se reproduire n’est-ce pas vous ne croyez pas
c’est la seule chose à faire
comme je vous vois
vous votre pas
vos fureurs indomptées qui vieillissaient le bleu du ciel
fertilisaient la terre inhabitable – vergers, encore ? –
et vos amours – lumière qui jamais ne faiblit – impossibles
interdits de cela vous ne vous effrayiez pas
à l’impossible votre corps avait son mot à dire
comme aux caresses d’un siècle l’autre
comme aux mains invisibles
intelligence de votre corps sous les amours le ciel les foudres
non chut à la croisée de tous les possibles
mais pas à pas gagnant les champs hostiles, les terrains vagues
non pour les conquérir mais pour s’y perdre
s’y perdre s’y perdre encore lentement méthodiquement
à l’heure des vies errantes juifs chats herbes sauvages quelle importance ?
là se dressait votre royaume
oui vous étiez chez-vous là-bas
étranger attentif
à vos côtés s’avançant de son pas de vierge la chose à venir
chose née de vous sortie de vous
– c’est la seule chose à faire –
rendue au monde sans plus de douleur qu’il n’en coûte
pour de sa chair délivrer la chair
oui – vous fûtes délivrée alors
la chose dort sous mon bras
cette vitesse du bord de l’eau si vous saviez
non nous ne pourrons nous y donner rendez-vous c’est fini
ni y noyer le mari entre les arbres
l’amour va disparaître
oui sans doute – déjà de l’autre siècle
le troisième millénaire – cela vous impressionne ?
nous sommes le dix-huit octobre deux mille trois