Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace d’expression pour travailler, comme nous y enjoint Jean–Luc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore qu’un libre espace de parole, Notre Monde s’appuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
© Passant n°49 [juin 2004 - septembre 2004]
Painting at night
Painting at night ou le triptyque du peintre en veilleur de la nuit urbaine. Juxtaposition radicale d’un dessin et de panneaux latéraux peints. Dans la sobriété dénudée du dessin central, un peintre nu tourne le dos au chevalet et nous fait face – il « se » fait face. La toile mise en abyme dans le dessin est un rectangle blanc, d’un blanc presque uniforme : il y a la lumière du blanc peint dans l’espace-temps du dedans. Il ne s’agit pas de « l’angoisse devant la toile blanche » mais au contraire d’un retournement où le blanc est actualisé dans la nuit comme synthèse ou négation de toutes les couleurs du jour.
La cellule du peintre est cadrée par la nuit du dehors : les panneaux extérieurs du triptyque sont peints par tracés en mouvement de bleus, de noirs métalliques et par flaques de blanc qui rythment et trouent de lumières en fragments la nuit : à gauche, l’opacité des surfaces de peinture nocturne, à droite, comme la perspective illusoire d’une rue qui s’enfonce, disparaît. Le corps, la peau du peintre sont de papier dessiné à l’encre noire ; le support est laissé vierge excepté la toile blanche debout sur le chevalet ; la tête est d’un tracé spiralé comme tournant et retournant entre ténèbres et lumière. Le dessin du dedans surgit, naît de la nuit peinte du dehors dont parvient la rumeur.
La nuit et la blancheur de la lumière peinte en blanc pour toutes les couleurs peuvent re-présenter la possibilité d’une peinture « à venir » ou l’impossibilité, donc l’utopie d’une image affranchie du pouvoir de re-présentation. Ce triptyque n’est pas sans rappeler la poétique du « nocturne » dans l’œuvre de Maurice Blanchot. Le painting du titre désignerait-il un combat existentiel, celui du peintre, de l’artiste, de l’homme seuls au monde dans un « être-là » provisoire, fugitif, « nu » qui ne pourrait créer lucidement qu’à partir de cette « nuit qui remue » ?