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Sortie du DVD de Notre Monde

Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas Lacoste
Rassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace d’expression pour travailler, comme nous y enjoint Jean–Luc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore qu’un libre espace de parole, Notre Monde s’appuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
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© Passant n°49 [juin 2004 - septembre 2004]
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Recherche de Jacques dans Bilbao la nuit


Tombeau de Jacques Cousinet



Bilbao tu disais c’étaient tes mots je m’en souviens Bilbao tu disais c’est destroy



Alors je voyais des quais déserts et peuplés la nuit

Dans un bruit d’usine et de pluie qui tombe

Et des bars forcément des bars

Des bars par centaines qui sont des enclaves où l’on aime et se perd



Oui de cela je me souviens Jacques

Nous marchions dans Madrid une rose à la boutonnière

De ces roses de nuit que personne jamais n’achète

Et de Bilbao tu disais loin de toute Espagne

L’industrie les docks et la rivière

Rouge encore de cuivre ou de fer



Qui pouvait inonder jusqu’à la gare d’Abando



Alors je disais demain je viens je le disais chaque jour

Et ce n’est qu’aujourd’hui la connaissais-tu cette femme en robe de bal

A genoux devant la crèche du grand magasin ?



Quel souvenir a-t-on laissé vanité de vivant

Pour toi c’est d’abord on n’aurait pas cru la vie qui déborde

Le regard si clair un autre verre

Les vernissages et les galeries

L’histoire de l’art t’ai-je entendu dire

Est l’histoire de l’homme

Mais savez-vous qui est l’artiste ?



Je t’imagine à la fin beau comme une usine assez détruite



On parle maintenant d’un musée de titan

Concrétion sur la ria chue de tractations obscures

Temple yankee de la marchandise

Où l’on expose les derniers fétiches du jour



Et voici le sacré d’aujourd’hui

Crois-tu que l’on puisse y danser ?



Pas un de mes pas qui ne me conduise à toi Jacques

Dans cette ville où les plus belles rues

Disais-tu

S’en vont mourir dans des zones infâmes

Mais pas d’usine pas de pluie

Ni de quais déserts et peuplés la nuit

Bilbao sans toi lentement s’abolit

Sur les bords de la rivière on se promène



Sais-tu pourtant qu’il arrive encore au courrier de porter ton nom ?



(Comme la rose à la boutonnière que nous disions de Chine je pense alors à la lumière des étoiles mortes et je cherche les containers)



Mais que la pluie tarde à tomber Jacques et qu’elles sont loin

Les rives boueuses aux crues de cuivre

Près de la gare d’Abando

Le cours de l’expérience est au plus bas

Combien sommes-nous à avoir encore la nostalgie de l’immédiat ?



Passé la gare voici qu’une chinoise

Me propose une rose j’achète

Un papillon d’aluminium et de perles

Et j’entrevois où tu allais te perdre

C’est à San Francisco n’est-ce pas dans ces rues

Que je remonte Hernani Dos de mayo

C’est parmi ces noms de bataille que tu prends la mort dans la nuit de Bilbao



On donne ici le dernier karaoké de la nuit

Où va le monde à sa perte mon amour

Tes yeux verts clairs et sereins tu ne sais pas

La tristesse que dans mon âme ils laissèrent

Ces yeux verts qui jamais ne m’embrassèrent



Et tu danses dans la discothèque vide



Tombe enfin la pluie

Dans la tête une chanson de Bertolt Brecht

Sous la lune de Bilbao un christ contemple une grue

Les containers sont froids

Et je tremble seul au bord de la rivière



Tandis que passe le dernier train en provenance d’Abando.


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