Sortie du DVD de Notre Monde
Notre Monde Notre Monde (2013, 119') un film de Thomas LacosteRassemblant plus de 35 intervenants, philosophes, sociologues, économistes, magistrats, médecins, universitaires et écrivains, Notre Monde propose un espace d’expression pour travailler, comme nous y enjoint Jean–Luc Nancy à « une pensée commune ». Plus encore qu’un libre espace de parole, Notre Monde s’appuie sur un ensemble foisonnant de propositions concrètes pour agir comme un rappel essentiel, individuel et collectif : « faites de la politique » et de préférence autrement.
Edito du Passant n°43 - Europa !
[février 2003 - mars 2003]
Acheter la version imprimée de ce numéro L'Iraq est dans tous les esprits. La course folle de la guerre contre le terrorisme déploie aujourd’hui les perspectives inquiétantes dont témoignent l’utilisation d’enclaves territoriales pour suspendre les droits (Guantanamo), les sinistres alliances scellées sur le dos des peuples (Tchétchènes et Palestiniens tout particulièrement), et le silence assourdissant qui accompagne tout cela. Dans cette atmosphère irrespirable, comment ne pas se tourner vers l’Europe ! Mais quelle Europe au juste ? Cette question est elle-même sur toutes les lèvres, particulièrement ces derniers temps où l’élargissement et les projets de constitution européenne ont polarisé l’attention médiatique. Certes, d’Europe toujours on parle, mais n’est-ce pas le plus souvent pour ne rien en dire ? Comment prendre au sérieux les débats qui opposent les apologies libérales du grand marché, la bonne conscience impuissante des sociaux-libéraux et le nationalisme étriqué des anti-européens ? Lorsqu’ils s’empoignent sur les questions de l’élargissement, d’une politique étrangère ou de la défense européenne, n’est-ce pas toujours selon des modèles conservateurs ou réactionnaires : celui d’une Europe « grande puissance » (exclusivement économique ou également « politique »), ou ceux du marché autosuffisant et de l’Etat-nation tout puissant ? L’Europe ? Que serait-elle au juste si son idée ne se définissait plus dans l’espace confiné des débats convenus ? Si par exemple nous la regardions d’en bas, en fixant dans les yeux ce que chez nous, nous préférons ignorer, d’à côté, de ces « pays de l’Est » à l’égard desquels nous remplissons la digne fonction néo-coloniale du grand frère. Ou bien, d’ailleurs, de l’Afrique par exemple, que nous sommes trop facilement portés à passer aux pertes et profits, comme le vague dommage collatéral d’une mondialisation où l’Europe doit tirer son épingle du jeu ? Que serait-elle si nous saisissions l’occasion de l’élargissement pour procéder à une véritable ouverture de nos propre perspectives politiques, en visant non pas seulement à être un contrepoids à la toute puissance américaine, mais plutôt l’invention européenne d’un nouvel internationalisme ? Europa ! Quelle idée d’Europe ? Celle d’un mouvement social européen, celle d’une économie mixte laboratoire de l’altermondialisation, ou celle du démantèlement patient et ordonné des services publics ? Celle d’une coexistence émancipatrice des cultures (et non d’un melting pot où coexistent les clôtures identitaires), ou celle du racisme et de la xénophobie qui reviennent chaque fois que les démagogues s’approchent du pouvoir ? Celle de la confluence de l’Orient, du Maghreb et de l’Afrique, ou celle de Schengen et de l’axe du pire (Blair-Aznar-Berlusconi-Sarkozy) ? Celle du droit d’asile et de la libre circulation des personnes, ou celle des camps de rétention et de la traque des sans-papiers ? Celle du refus de la marchandisation sans limite de l’environnement et des ressources alimentaires, ou celle d’une politique agricole commune inféodée à l’agriculture productiviste ? Il ne suffira certes pas d’un numéro du Passant pour poser, et encore moins régler, toutes ces questions, mais une chose est certaine : il n’y aura jamais d’Europe digne de ce nom tant que ces questions n’occuperont pas les premières lignes du débat démocratique.
Le Passant